Quelques notes sur l’urbanisme veveysan | F. Müller

Peu de villes ont su, aussi bien que Vevey, trouver le juste équilibre entre les divers secteurs de leur économie.

Cette cité ne connaît en effet ni l’hypertrophie industrielle, ni l’enflure hôtelière, ces dangereuses exclusives qui laissent une agglomération à la merci d’une crise économique ou touristique. Cette heureuse répartition, sorte de trilogie dont l’hôtellerie-tourisme, l’industrie-artisanat et l’administration-commerce sont les trois principaux secteurs, n’est pas due à la volonté concertée de ceux qui, aux siècles passés, présidèrent aux destinées de cette petite commune. La situation géographique d’abord, puis toute une série d’événements où le hasard joua un grand rôle, créèrent cette entité urbaine pondérée. A la louange des autorités qui se succédèrent depuis un demisiècle, il faut dire que les édiles veveysans ont compris l’importance de ce prudent étalement des forces, et qu’ils se sont employés à le maintenir, dans toute la mesure de leurs moyens.

Le développement de la cité.

Tout travail d ’urbaniste se double, préliminairement, d ’un travail d’historien. Avant de penser au Vevey de demain, voyons donc un peu comment se présentait le Vevey d ’hier,
et quelle figure fait le Vevey d’aujourd ’hui. Placée à un carrefour d ’importantes voies de communication, la bourgade avait déjà, à l’époque romaine, une situation privilégiée. Centre agricole et viticole — la Fête des Vignerons nous le rappelle avec faste tous les 25 ans! — Vevey fut d’abord un lieu d’échange, un centre commercial de premier plan, le rendez-vous naturel des principaux marchands et artisans des pays environnants. Le développement le plus intéressant et le plus marquant, dans le domaine artisanal et industriel, fut la conséquence d’événements extérieurs. Dès 1685, à la révocation de l’Edit de Nantes, Vevey vit affluer en ses murs un grand nombre de réfugiés français. Ils introduisirent un certain nombre d ’industries qui rendirent la ville prospère.

Parallèlement à l’expansion économique, une extension territoriale vint compléter avec bonheur la surface quelque peu exiguë qui était celle de la cellule mère veveysanne. Ainsi,
de la ville primitive, noyau urbain d’environ 5 hectares de  superficie, la cité s’étend au moyen âge sur 14,5 hectares et pousse ses limites « hors les murs » sur 152 hectares.
En 1892, à la suite d ’une pétition des habitants des quartiers de Plan, qui dépendaient de la commune de Corsier, des démarches furent faites pour rattacher ces terrains à la com mune de Vevey, laquelle s’agrandit ainsi de toute la partie du territoire sis à l’ouest de la Veveyse, de Gilamont jusqu’au lac. Ce « Drang nach Osten », phénomène commun à
toute extension urbaine, accrut de quelque 58 hectares la surface totale du territoire veveysan qui, après une ultime annexion faite en 1931 au détriment de Saint-Légier, est
actuellement de 234,8 hectares en totalité. Quelques chiffres encore pour montrer l’ampleur du développement urbain: en 1763, on recensait 392 maisons. Ce chiffre
a passé à 719 en 1900, à 1048 en 1943 et à 1230 en 1955. Architecture et projets immobiliers. Les témoins architecturaux du passé veveysan sont rares. Deux grands incendies (1676 et 1688) détruisirent plusieurs quartiers et supprimèrent d’antiques îlots de constructions serrées à l’intérieur des vieux murs d ’enceinte. Il ne reste ainsi que peu de ces maisons typiquement veveysannes. Quelques édifices font toutefois belle figure, dans l’amalgame assez anonyme des constructions : l’Hôtel de Ville, à l’élé gante architecture; la Cour au Chantre, de même style; la Grenette, aux imposantes colonnes monolithes; la Tour Saint-Jean; les nombreuses fontaines, gracieusement orne mentées, et les églises : Saint-Martin, joyau de style gothique, dont la tour domine la ville ; l’Eglise russe, dont la coupole dorée s’éleva en 1878 pour perpétuer le souvenir des deux filles du comte Schouwaloff; Sainte-Claire, construite sur l’ancienne chapelle des Clarisses, et dont le portail monumental est signé de Michel Brandouin, peintre et sculpteur à qui l’on doit notamment la fontaine de la Tour Saint-Jean; l’église catholique, à la flèche élancée. La « Belle Maison », autrement dit le château, ancienne demeure baillivale, et la maison de Mme de Warens se placent honorablement sur la liste des bâtiments dignes d ’une visite.

Fédia Muller
Ancien technicien-géomètre à la direction des travaux
Rédacteur à la « Feuille d'Avis de Vevey».