L’isolation phonique des immeubles contre le bruit

Le bruit caractérise notre époque.

Jusqu’à un certain niveau, le bruit est signe de vie; il est nécessaire à la fonction humaine. Par contre, l’accroissement en nombre et en intensité de bruits intempestifs causés par une industrialisation toujours plus poussée, par l’augmentation du nombre de machines et de moteurs de toute nature, met en danger la santé et l’équihbre nerveux des êtres humains lorsqu’une certaine limite est dépassée.

D’autre part, l’accroissement de la population des villes, l’augmentation de la densité d’habitation, la concentration, dans les grands immeubles, la construction légère moderne favorisent le développement et l’intensification des bruits. Enfin, un certain affaiblissement du respect de la tranquillité d’autrui, un défaut généralisé du sens de la vie collective, rendent souvent illusoires les mesures insuffisantes prises par les autorités. Les médecins, et plus particulièrement les psychiatres, s’inquiètent des effets divers du bruit sur les êtres vivants. On ne peut nier le progrès, mais il faut que celui-ci crée des conditions de travail saines et normales. Il faut que, après une journée de travail, l’homme trouve un repos indispensable au rétablissement de ses forces. Ce repos ne peut être obtenu — à part quelques cas particuliers d’adaptation — que dans un milieu tranquille. La lutte contre le bruit est multiple et diverse. Elle commence par éviter tous les bruits inutiles. Ce résultat est déjà très difficile à obtenir car la notion même du bruit est complexe. Celui qui est à l’origine d’un bruit n’est lui-même généralement pas dérangé par ce bruit. Une musique de jazz sera un délice pour l’un, tandis que l’autre la considérera comme un bruit intolérable. En l’absence presque complète de normes et d’une jurisprudence appropriée, il est souhaitable que les milieux très étendus qui ont intérêt à lutter contre le bruit prennent conscience de leur responsabilité et coordonnent leurs moyens: Que les constructeurs s’efforcent (ou y soient tenus) de créer des machines aussi peu bruyantes que possible.Que les éducateurs inculquent le respect de la tranquillité d’autrui.

 

Que les propriétaires et gérants d’immeubles s’efforcent à garantir à leurs locataires une habitation tranquille et confortable. Que les dirigeants des sociétés de motocyclistes et d’automobilistes obtiennent de leurs membres une conduite plus silencieuse. Que les urbanistes prévoient et localisent des zones bruyantes industrielles ou de circulation, mais, par contrepartie, réservent des zones de tranquillité. Qu’ils déterminent des dispositions des bâtiments et des chemins qui réduisent les bruits au fieu de les amplifier. Que les parents tempèrent les manifestations bruyantes de leurs enfants. Que les locataires respectent le repos de leurs voisins. Que les médecins fassent connaître les méfaits du bruit. Que les autorités édictent et fassent appliquer des règlements d’intérêt général. Alors même que toutes ces influences se seront manifestées, un problème nouveau s’imposera cependant de plus en plus aux architectes et aux constructeurs: l’isolation phonique des immeubles. Il y a quelques années, ce problème ne se posait pas de façon impérative pour les raisons suivantes: Les bruits n’avaient pas atteint l’intensité actuelle, les sources de bruit étant peu nombreuses, et le mobilier et la décoration présentaient de fortes capacités d’absorption. Le nombre de locataires dans les immeubles était moins grand et les pièces étaient souvent de dimensions plus vastes. La construction était plus massive, composée d’un plus grand nombre de matériaux, présentant soit une meilleure absorption des bruits, des transmissions atténuées ou de meilleures coupures acoustiques. Actuellement, pour des raisons de rapidité et d’économie, la construction est légère, homogène, elle est formée d’ossatures rigides en acier ou en béton qui propagent les bruits à grande distance (transmission indirecte). Le nombre et l’intensité des bruits émis dans les appartements sont considérablement augmentés par la généralisation de la radio et des appareils ménagers de toute espèce. La densité d’habitation est devenue beaucoup plus forte et la concentration d’un grand nombre d’habitants dans un même immeuble est extrême. (La Cité Radieuse: 321 logements - 1800 personnes.)

R.-J. Rediger Architecte

Tous ces facteurs de la construction moderne rendent indispensable l’isolation phonique des immeubles. Pour comprendre les problèmes que pose l’isolation phonique des bâtiments, il faut différencier deux principaux types de bruits et leurs modes de transmission : les bruits aériens ; les bruits d’impact. Les bruits aériens se propagent de la source sonore, directement et uniquement par vibrations de l’air ambiant (paroles, musique, etc.), tandis que les bruits d’impact (ou sons de contact) transmettent la partie principale de leur énergie par des parties solides de la construction (bruits de pas sur un sol dur, jeux d’enfants, meubles remués, conduites d’eau, etc.). La classification de ces types de bruits est parfois difficile car les bruits d’impact comportent une partie « aérienne ». La différenciation est cependant fondamentale, car à chaque genre de transmission correspond un moyen différent, bien défini et non interchangeable d’isolation.

L’isolation phonique du bâtiment se concentre ainsi principalement sur les trois problèmes suivants: Réduire ou empêcher le passage des sons aériens à travers les cloisons ou à travers les dalles. Réduire ou empêcher la transmission des bruits d’impact à travers les dalles et indirectement dans l’ossature du bâtiment.Absorber le maximum de bruits dans les locaux de travail (bureaux, ateliers, etc.). On admettait, il y a quelques années encore, que les cloisons insonores devaient être massives et homogènes. (1000 kg/m2 pour une isolation de 54 dB environ.) Puis, on s’aperçut qu’une cloison double — à condition que le vide d’air ait une épaisseur assez grande (8 à 10 cm) et qu’il n’y ait aucune liaison rigide entre les cloisons — permettait une réduction de poids (200 kg/m2 pour une isolation de 54 dB environ). Or, tant le poids que la perte de place sont incompatibles avec la construction actuelle. Les techniques modernes d’isolation permettent de construire des cloisons très légères, de faible épaisseur, offrant des isolations phoniques de 60 dB et plus (c’est-à-dire l’équivalent d’un mur massif de 2000 kg/m2 ou d’une cloison double de 500 kg/m2 environ). Un tel résultat demande beaucoup de soins dans l’application et l’emploi des produits éprouvés et contrôlés. Les dalles des bâtiments doivent empêcher à la fois le passage des sons aériens et des bruits d’impact. Cependant, on admet généralement qu’une dalle homogène et étanche d’un poids de 350 kg/m2 offre une résistance suffisante au passage des sons aériens et le problème est ainsi limité à la protection contre les bruits d’impact qui s’obtient par des procédés dans l’ensemble très différents de ceux de la protection contre les bruits aériens. Quel que soit le système employé, aucune dalle de construction courante ne présente une résistance suffisante au passage des bruits d’impact. Il est nécessaire d’intercaler entre la dalle proprement dite et le sol un matériau présentant des qualités bien déterminées d’élasticité aussi bien en fonction des charges statiques (poids du plancher et du mobilier) que des charges dynamiques (vibrations). Ceci conduit à la construction de chapes ou parquets « flottants » en évitant soigneusement les contacts rigides latéraux. Le choix du matériau isolant se basera sur les résultats d’essais sérieux et sur la garantie que le produit envisagé garde son élasticité sans fatigues causées par les sollicitations diverses qu’il doit subir avec le temps. L’abaissement du niveau sonore dans les locaux de travail (bureaux, ateliers, etc.) s’obtient par revêtements absorbants à l’aide de matériaux divers disponibles dans le commerce. Il est actuellement possible d’apporter le confort acoustique indispensable aux immeubles les plus modernes. Il faut cependant que les architectes et les constructeurs prennent conscience de cette nécessité et prévoient les mesures d’isolation phonique lors de l’élaboration des plans déjà. L’isolation phonique d’un immeuble est facile à exécuter en cours de construction, alors qu’elle devient très onéreuse et souvent difficile à réaliser dans les immeubles existants. Alors que des pays comme l’Allemagne, la Hollande, la Suède, l’Angleterre et d’autres vouent une très grande attention à ces problèmes, il faut déplorer, en Suisse, l’absence de normes et de prescriptions garantissant le confort acoustique des locaux de travail et d’habitation.