Art et architecture, Problème de l’intégration

Nous avons parlé déjà longuement, dans notre dernier numéro, du problème épineux de l'intégration des arts dans une architecture donnée.

Comme chacun sait, des expériences ont déjà été tentées depuis de nombreuses années à l'étranger. Que l'on se rappelle les expériences passionnantes du « Stilj » hollandais, du « Bauhaus » allemand, et des réalisations françaises, américaines (USA, Vénézuéla, Brésil, etc.). En Suisse également, des essais furent tentés et quelques résultats positifs furent atteints. L’une des expériences les plus valables nous paraît être celle tentée par La Mutuelle Vaudoise Accidents, qui, l'année passée, ouvrit un grand concours « d’œuvres d’art » pour son bâtiment administratif des Cèdres.

D'innombrables projets furent présentés à un jury qui n'en demandait peut-être pas autant.

Mais, si des dizaines de maquettes furent éliminées dès le premier tour, quelques projets retinrent l'attention, furent primés et ont été exécutés après avoir subi de légères modifications. En bloc, la réalisation correspond bien à l'esprit des maquettes. Nous pouvons admirer maintenant la sculpture souple et transparente d'André Ramseyer qui s’accorde si bien aux grands mouvements du paysage ambiant (là encore, l’artiste devait tenir compte de cette «acoustique paysagère» si chère à Le Corbusier...); Le Nénuphar aux formes pleines, aux si beaux rapports de volumes, de O. Koch, pour la sculpture.

Le grand panneau du hall d'entrée a été irréprochablement exécuté par Schorderet qui a su s'adapter aux grands rythmes de l'architecture et créer une composition d’une émouvante sobriété, une composition sereine, harmonieuse et admirablement bien cadencée. Les deux grands panneaux de 3 m. sur 3 m. se trouvant au fond d'une salle de travail ont été exécutés par Jacques Berger et Carlo Baratelli.

Là aussi, ces deux grandes compositions répondent parfaitement aux rythmes du bâtiment et s’intégrent dans l’architecture. Peutêtre pourrait-on reprocher à Baratelli une exécution quelque peu relâchée... Quelques effets « picturaux » nuisent à la clarté de l'œuvre et brouillent quelque peu la sonorité des couleurs.

Quant à la grande mosaïque de J.-F. Liegme qui se trouve sur le toit-terrasse du bâtiment, elle est exactement conforme à une maquette qui tenait compte de toutes les données du problème et particulièrement de l'orientation de ce mur placé à contre-jour. Liegme nous a donné là l’une de ses œuvres murales les plus puissantes et les mieux articulées que je connaisse. Il nous faudrait encore parler, pour terminer ce petit tour d'horizon, de l’ingénieuse fontaine de Gigon, œuvre qui n'est pas la moins attachante de cet ensemble d’éléments plastiques et de « muraux ».

Et, maintenant que tout est « consommé », l'on peut dire en toute sincérité que le grand concours ouvert par la Mutuelle Vaudoise Accidents offrait de très grandes possibilités aux artistes de chez nous qui se plaignent souvent du manque d’intérêt que la société leur porte... Ce concours nous a prouvé également que les peintres et les sculpteurs ont cherché à sortir des chemins battus en proposant des solutions architecturales différentes des conceptions traditionnelles: tableau de chevalet et sculpture-objet. Cela n'a-t-il pas aussi son importance ?

André Kuenzi