Une plaie sociale et politique:

La crise du logement en France

Depuis la libération de la France, un problème a survécu à toutes les crises ministérielles, la crise du logement.

Aucun gouvernement n'a passé au pouvoir sans faire des déclarations à ce sujet, et certains ministres ont assuré que le problème allait être prochainement résolu. Il n'en est pas moins presque entier treize ans après la fin de la guerre.

On construit en France trop lentement et trop cher. Les besoins actuels ne sont pas ainsi comblés, et II est impossible d'aller au devant de la très forte poussée démographique. « Construire, c'est prévoir », et il faut malheureusement admettre que l'on n'a pas prévu. Alors que l'Allemagne et l'Angleterre reconstruisent assez rapidement les maisons détruites par la guerre, en France 500.000 ménages vivent à l'hôtel ou en meublé parce qu'ils ne trouvent pas d’appartement.

A cela, il y a plusieurs causes. Le propriétaire français n'a pas renouvelé le patrimoine Immobilier dans une mesure suffisante avant la guerre déjà. La vieillesse de ce patrimoine est particulièrement visible à Paris où la plupart des bâtiments ont entre 60 et 100 ans d'âge.

Les statistiques récentes montrent que 36,8 % des Français vivent dans des logements surpeuplés et il est impossible de connaître exactement le nombre des taudis. On peut cependant dire que 450.000 logements sont en France menacés de ruine. Tant dans les villes que dans les campagnes, Il existe des Ilots insalubres dont la destruction, mainte fols projetée, est retardée par le fait même qu’elle aggraverait la crise du logement. On a estimé que 320.000 logements devraient être construits chaque année pendant 30 ans pour que tous les Français soient logés convenablement.

Les experts ont contesté ces chiffres, mais de toutes les statistiques faites à ce sujet il ressort que 300.000 logements est considéré comme un chiffre minimum. Depuis la guerre, on aurait dû construire 2.730.000 logements pour satisfaire tous les besoins. On en a construit 1.367.000, soit moins de la moitié.

Ces quelques chiffres sont éloquents, et on constate que cette crise du logement peut avoir les plus graves conséquences. La surpopulation conduit à l'alcoolisme dans bon nombre de cas.

L’homme rentrant de son travail ne trouvant pas un home accueillant et, surtout s'il y a des enfants, ne connaissant aucune tranquillité chez lui. Ce n’est là qu'un aspect du problème social. Le plus grave, ce sont les effets de ce surpeuplement sur l'éducation des enfants. La cohabitation très fréquente dans une même chambre des parents et des enfants empêche toute intimité et très rapidement les enfants sont laissés à la rue où ils trouvent toute occasion de porter atteinte à l'ordre de la société. On a constaté, à Paris spécialement, que les tribunaux par suite de ce manque de logement ont eu à connaître de nombreux cas tragiques allant jusqu'au meurtre.

On aurait tort de croire cependant que les pouvoirs publics sont restés inactifs.

Sous l'impulsion des autorités, des organismes se sont créés, coopératives de construction, sociétés ayant pour but la construction de bâtiments bon marché. Des règlements innombrables ont été édictés pour l'accession de familles modestes et nombreuses à des appartements populaires. Mais l’esprit de ces règlements n'a pas été respecté. L'accession à ces appartements populaires est soumise à de telles conditions (apport de fortune, priorité en faveur des fonctionnaires, priorité en faveur des sociétaires, favoritisme politique enfin), que finalement, la sélection, qui est à but social, se fait à rebours.

Les économistes qui se sont penchés sur ce problème ont certes pu dénoncer les maux qui depuis 1914 se sont abattus sur les propriétaires français.

Rien n’a été fait pour les encourager à construire, et surtout, à construire bon marché. Des mesures sociales favorisant les locataires, mesures introduites particulièrement sous la période du Front Populaire, ont incité les propriétaires à se montrer parcimonieux et à faire preuve de peu de dynamisme. Les locataires sont devenus les maîtres et seigneurs et le système de la propriété par étage a finalement joué contre la rénovation du patrimoine immobilier.

Une telle situation a incité les ingénieurs, les architectes et les responsables du logement français à choisir pour la construction des méthodes nouvelles. On a vu se créer en France des industries du logement appliquant différents systèmes de préfabrication.

Cet article n'a pas pour but de décrire ces systèmes, ils sont connus des architectes, mais de montrer brièvement comment, à l'aide de la préfabrication, pourrait être résolue la crise du logement. Les premières expériences ont été concluantes. A Rouen, notamment, un bâtiment a été terminé en quinze jours, tous les éléments parvenant finis des usines. Ce qui a été réussi dans cette ville devrait être entrepris sur une grande échelle dans les principales villes de France et particulièrement à Paris. On compte beaucoup, pour mettre un terme à la « grande misère de la maison française », sur le gouvernement autoritaire du général de Gaulle.

Son ministre de la construction, M. Sudreau, est l’un des hommes qui connaît le mieux les problèmes du logement en France. On le sait aussi acquis aux méthodes modernes de construction et profondément conscient de la gravité de la situation. En résolvant ce problème ou tout au moins en donnant une Impulsion nouvelle et originale aux constructeurs français le gouvernement de Gaulle résorberait un abcès qui enlaidit une nation et, qui plus est, constitue un danger social et politique lourd de conséquences.

François Gross


Un famille sur quattre habite en état de surpeuplement critique.

 

A partir de quand le surpeuplement devient-il critique ? D’un pays à l'autre, d'un siècle à l'autre, la réponse varie.

Elle dépend du climat, des habitudes, du degré de civilisation. Pour la France, le M.R.L. a estimé en 1956 qu'il y avait surpeuplement critique lorsque trois personnes (ou davantage) habitent la même pièce, quatre personnes ou plus deux pièces, six personnes ou plus trois pièces...

Sur ces bases, le recensement de 1954 a révélé que 22,7 % des Français vivaient en état de surpeuplement critique.

Dans la banlieue parisienne et dans les communes rurales le pourcentage est supérieur: 24,6 %. Au total, 1 762 220 logements sont surpeuplés de façon critique.

Quelques chiffres Illustrent cette statistique globale: 108 360 familles vivent à cinq personnes ou plus dans une seule pièce, 190 500 à six ou plus dans deux pièces; 141 380 à sept ou plus dans trois pièces... Dans la seule région parisienne 37140 familles de quatre membres ou davantage habitent dans une seule pièce; 38 000 autres, ayant cinq membres ou plus, vivent dans deux pièces; 7 060 familles de sept personnes et davantage logent dans trois pièces.

Cas limites: 1 080 familles vivent à sept, huit, neuf, voire dix personnes dans la même pièce !

Un bref recoupement permet de constater qu'en France le quart des logements habités par trois personnes ou plus sont en état de surpeuplement critique. Sur quatre familles, une au moins vit donc dans des conditions d'entassement particulièrement néfastes à la santé et au développement intellectuel de ses enfants.

(Tiré du « Monde » vendredi 11 avril.)


Un jeune ménage sur trois n’a pas de «chez soi»

C'est à l'époque où ils auraient le plus besoin d'un logement pour consolider leur foyer que les jeunes ménages sont le plus durement frappés par la crise.

Deux enquêtes menées en 1952 et 1955 révèlent qu’un jeune ménage sur trois n’a pas de logement.

L’enquête de 1952 entreprise par l'Institut d’études démographiques évaluait à 28 % environ des jeunes ménages le nombre de ceux vivant à l’hôtel ou chez leurs parents faute d'appartement. Le sondage plus récent de l'I.N.S.E.E. fait apparaître un pourcentage plus élevé encore: 35 %. D'après lui, sur cent ménages mariés depuis trois ans: 23 habitent chez leurs parents; 4,6 logent à l'hôtel; 5,6 doivent se contenter d’un «meublé»; et 1,7 reste momentanément sous-locataires.

Les 65 autres sont soit logés par leurs employeurs (8,8), soit normalement locataires d'un appartement vide (42), soit encore propriétaires de leur logement (14). Il s'en faut d'ailleurs que ces derniers soienttous correctement logés.

Au total, la moitié des foyers interrogés ont déclaré vouloir changer d’appartement; dans la capitale cette proportion a même atteint 80 %.

La situation des ménages plus anciens est moins dramatique: 13 % seulement vivent à l'hôtel ou avec des parents. En outre, la proportion des familles habitant une seule pièce sans cuisine n'y est plus que de 4,5 %, contre 13,7 % pour les jeunes ménages.

(Tiré du « Monde » vendredi 11 avril.)


Bilan de cinquante ans d'architecture

La Fédération des architectes suisses (FAS), à l'occasion du cinquantenaire de sa fondation, organisera à Zurich, au mois de septembre, sur le quai de l'Uto, une exposition en plein air dont le sujet sera l'évolution de l'architecture de 1908 à 1958.

Les panneaux disposés à ciel ouvert sous les arbres montreront les diverses influences auxquelles a été soumise l’architecture en Suisse, pays qui, s'il n’a jamais créé un style authentique, a néanmoins réussi à mettre au point

avec beaucoup de soin et, parfois, avec beaucoup de finesse, les formes architecturales de l'étranger dont elle est tributaire.

A la fin du siècle, II y eut les derniers sursauts des styles que l'on croyait, alors, définitivement adoptés en Europe: la Renaissance et le néo-gothique, tantôt avec la marque des styles royaux prônés par l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, tantôt avec une allure mystique évoquant les castels allemands ou anglais.

Dès 1900, survient l'art nouveau, le «modem style» (Jugendstil) où s'annoncent les premiers élans de l'architecture fonctionnelle et s’accumulent les ornements fantastiques et convulsés contre quoi la réaction sera double: d'un côté, le retour à l'architecture rigide du Premier Empire ou, chez les Allemands, du Biedermeier; de l’autre côté l'appel à la ligne droite et à la technique pure. Le premier de ces deux mouvements a abouti à ces pastiches de l'architecture du XVIIIe qui ont ému et émeuvent encore les couches aisées de la population ou, dans certains pays, séduit les foules appétantes; le second s'est cristallisé dans les volumes cubiques avec des réminiscences (le plus souvent inavouées) de l'architecture de l’archipel grec ou bien II a trouvé son expression dans l'architecture structurale de nos jours qui, dans certains exemples simplistes, s'épuise par l’abus du quadrillage.

Cette exposition rétrospective, fort bien documentée et très instructive, sera faite de manière que le matériel puisse voyager et être présenté dans plusieurs villes.


La Gazette technique

La Gazette technique, supplément de la « Gazette de Lausanne », a publié au mois de mars dernier un numéro de 12 pages consacré aux nouvelles techniques de la construction et, notamment, à la préfabrication. Le journal avait prié, comme il le fait toujours en pareil cas, un groupe de spécialistes de «faire le point ». En outre, un de ses rédacteurs, pour présenter le point de vue du profane, avait interviewé les jeunes architectes lausannois qui édifieront prochainement à Fribourg la première villa locative préfabriquée de Suisse.

Au sommaire de ce numéro, nous relevons une étude du professeur F. Panchaud, de l'E.P.U.L., sur les propriétés de résistance du béton précontraint; un article de M. Jean-Pierre Vouga, architecte, sur « la préfabrication et l’architecture de demain »; des textes sur les réalisations étrangères, l’emploi du métal et des matières plastiques dans la construction nouvelle; et de nombreuses illustrations.

Relevons d'autre part que, si ce numéro donne une image précise des techniques du bâtiment, Il traduit aussi, en termes généraux, les espoirs des architectes contemporains en matière de logement et d’urbanisme. Ainsi M. Jean-Pierre Vouga: « Cette extension de la composition à l’échelle des cités, née des efforts des urbanistes, n'est certes pas une conséquence de l'industrialisation. Elle en sera en revanche l'une des conditions, non seulement parce qu'il serait funeste et tragique qu’elle fît défaut, mais parce que l'urbanisme a désormais conquis partout ses droits et que le plan-masse, expression de cette composition, précède désormais toute opération architecturale.

« Là où ces conditions sont réalisées, l'industrialisation apportera aux hommes, pour autant qu'on la considérera comme un moyen et non comme un but, des ressources d'une variété et d'une valeur qu'il est impossible d’imaginer aujourd'hui. »

Nous pensons intéresser nos lecteurs en publiant ci-dessous, le protocole d’accord qui a été signé le 23 juillet 1957 en France, entre le Conseil supérieur de l’Ordre des Architectes et la Chambre des Ingénieurs-conseils de France, convention qui a pour but d’harmoniser les relations entre ces deux professions. (Rédaction.)

Protocole d'accord entre Architectes et Ingénieurs Conseils

1. Considérations générales.

L'art de bâtir est devenu très complexe, de telle sorte qu'un même homme ne saurait aujourd’hui posséder toutes les techniques du Bâtiment dans tous leurs détails.

Cependant, la réalisation de grands ouvrages a toujours montré que la présence d'un « maître d'œuvre » chargé de la conception d'ensemble et de la direction générale dans l'exécution, est à la base même de la réussite.

Au surplus, les préoccupations esthétiques répondent à une nécessité unanimement reconnue.

C’est pourquoi, les Architectes et les Ingénieurs-Conseils, considérant que leurs disciplines sont complémentaires, ont décidé de se rapprocher en vue d’organiser et de rendre plus fructueuse leur collaboration, dans tous les cas où elle est possible.

Il convient au préalable de préciser que: Le Maître de l'ouvrage est la personne physique ou morale pour le compte de qui la construction est entreprise.

Le Maître d’Oeuvre est la personne physique, Architecte ou IngénieurConseil qui, en relation directe et permanente avec le Maître de l'Ouvrage est investie par celui-ci de l'autorité nécessaire pour assumer la direction: a) des études, b) de l’exécution, c) du règlement des travaux.

Il est rappelé que, dans l’état actuel des choses, les professions d’Architecte et d'Ingénieur-Conseil sont essentiellement des professions libérales, dont elles possèdent les caractères d’une complète indépendance.

2. Classification des Travaux.

On les classes en quatre catégories:

Catégorie A. — Constructions courantes ne comportant pas de problèmes techniques particuliers.

Catégorie B. — Edifices résidentiels, administratifs, publics, d’enseignement, de recherche, de soins, etc., considérés soit isolément, soit incorporés dans les ensembles.

Catégorie C. — Etablissements industriels tels qu’usines, centrales d’énergie, grands silos, carreaux de mines, bâtiments agricoles à caractère industriel, etc.

Catégorie D. — Constructions spécifiquement techniques telles que barrages, ponts, routes, voies ferrées, cheminées d'usines, jetées, appontements, murs de quai, estacades, adduction d'eau, égouts, etc.

3. Intervention respective de l’Architecte et de Ingénieur-Conseil.

Catégorie A. — Dans tous les cas, l'Architecte est le Maître d’Oeuvre; il n’est pas tenu de faire appel à la collaboration des Ingénieurs-Conseils.

Catégorie B. — Dans tous les cas, l’Architecte est le Maître d'Œuvre; il coordonne sous son autorité, les travaux des Ingénieurs-Conseils chargés d'étudier les parties ou éléments de l’édifice ressortissant à leurs spécialités.

Catégorie C. — Au choix du Maître de l'Ouvrage, le Maître d'Œuvre est, soit l'Architecte, soit l’Ingénieur-Conseil.

Catégorie D. — Le Maître d'Œuvre est l'Ingénieur-Conseil, étant entendu que la collaboration de l’Architecte est désirable chaque fois qu’il sera nécessaire d’étudier:

a) la conception d'un ensemble, b) l'inscription dans un site, c) l'esthétique.

Sauf décision formelle du Maître de l’Ouvrage, le Maître d'Œuvre désigné choisit librement son ou ses collaborateurs, Ingénieur-Conseil ou Architecte.

4. Modalités de la Collaboration.

A) L'Architecte est Maître d'Œuvre.

La collaboration des IngénieursConseils pourra se limiter au stade des études ou s’étendre à l’intervention sur le chantier.

B) L’Ingénieur-Conseil est Maître d'Œuvre.

La collaboration de l’Architecte portera, en général, sur la composition d'ensemble, les formes et les proportions, le choix de certains matériaux.

5. Responsabilité.

L’Architecte ou l’Ingénieur-Conseil n’ayant pas la qualité de Maître d’Œuvre n’est responsable que vis-à-vis du Maître d’Œuvre auquel il apporte sa collaboration, celui-ci conservant sa responsabilité entière vis-à-vis du Maître de l'Ouvrage ou des tiers.

Toutefois, dans le cas où le Maître de l'Ouvrage impose lui-même la collaboration des deux hommes de l’Art et les rénumère séparément, chacun d'eux est responsable, vis-à-vis du Maître de l’Ouvrage et des tiers, des conséquences de son activité propre, au même titre que si elle était exercée isolément.

6. Assurances.

Les risques encourus par l’Architecte et l’Ingénieur-Conseil doivent être, pour chacun de ces hommes de l’Art, couverts par des garanties individuelles de base équivalentes; les risques dont l’importance peut dépasser la garantie de base seront, sauf indication contraire du Maître de l’Ouvrage, couverts pour le dépassement par des polices complémentaires.

7. Honoraires.

Dans le cas d’une collaboration librement consentie et sauf demande expresse du Maître de l'Ouvrage, le Maître d'Œuvre perçoit les honoraires globaux et rémunère lui-même la collaboration, conformément à une convention préalable.

Dans le cas où le Maître de l'Ouvrage impose lui-même la collaboration, il il rémunère directement et séparément les deux hommes de l'art suivant les dispositions réglementaires ou, à défaut, conformément à des conventions préalables.

Pour les travaux privés, les conventions s'inspireront: d’une part du barème approuvé par le Conseil Supérieur de l’Ordre des Architectes, d'autre part de celui de la Chambre des IngénieursConseils.

Les honoraires seront calculés sur la base des règlements définitifs des travaux.

Pour les opérations isolées, le barème applicable sera, sauf dispositions contraires, celui qui, se référant à la mission complète, est en vigueur à la date de l’établissement de la convention.

8. Résiliation des contrats de collaboration.

Les deux parties en cause dans ce protocole prennent l’engagement de respecter les prescriptions de leur Code des Devoirs Professionnels ainsi que les lois et règlements régissant leurs professions.

En cas de difficultés, chacun d'eux désignera un Membre du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes ou du Conseil d’Administration de la Chambre des Ingénieurs-Conseils de France, qui statueront comme arbitres amiables compositeurs.

S’il y a désaccord entre eux, les deux arbitres choisiront un tiers arbitre tiré au sort sur une liste de cinq Membres du Conseil Régional de l'Ordre des Architectes et de cinq Membres du Conseil d'Administration de la Chambre des Ingénieurs-Conseils de France auquel appartiennent les intéressés.

Fait à Paris, le 23 juillet 1957.

Pour les Ingénieurs-Conseils: Le Président de la Chambre des Ingénieurs-Conseils de France, G. BEAU de LOMENIE.

Le Président de la Société des Ingénieurs-Conseils de l’Etat et des Collectivités. G. BOURGOIS.

Pour les Architectes: Le Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des Architectes, J. DUVAUX

Le Président de la Confédération Générale des Architectes français, A. MALECOT.


La XXIXe Biennale de Venise

Cette année, la Biennale de Venise rassemble un impressionnant nombre de nations: l’Argentine, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Brésil, le Canada, la Tchécoslovaquie, Ceylan,
le Danemark, la Colombie, la Finlande, la France, l’Allemagne, le Japon, la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Inde, l’Iran, Israël, l’Italie, la Yougoslavie, Malte, le Mexique, la Norvège, la Hollande, la Pologne, la République arabe unie, la Roumanie, l'Espagne, la Suisse, la Tunisie, la Hongrie, l’U.R.S.S., le Venezuela... Trente six nations: c'est la première fois, depuis 1895, date de la première Biennale, qu’une telle avalanche de peintures et de sculptures se déverse sur les beaux jardins de Castello. Après avoir parcouru durant trois jours les 56 salles du pavillon central et les 26 pavillons étrangers on peut tirer les grandes lignes d’une exposition qui a déjà fait couler passable ment d’encre: l’expressionnisme abstrait triomphe à Venise. Un grand axe Kandinsky (pavillon allemand) — Wols(France) — autour duquel gravitent les satellites, les épigones. La rétrospective Wols donne le ton à cette peinture
du «vivre» et de I’« agir » qui n'est pas exempt de scories. Trop de plagiaires s ’efforcent de nous faire croire à leur sorcellerie qui n’est, en fait, qu'une vul gaire fabrication de signes sans vie et de taches sans expressivité et sans «volonté de puissance». Un «tachisme» qui a le goût de fabrique devient insupportable. Ces critiques formulées,reconnaissons que cette Biennale nous offre un très passionnant panorama de la sculpture et de la peinture contemporaines. Nous sommes en présencede forces jeunes, dynamiques, nous prouvant que les possibilités d’expression sont illimitées. Parmi les meilleurs envois signalons l'Espagne dont le pavillon a une très haute tenue; les œuvres dramatiques de Canogar, Miliares, Saura, Tapiès et la sculpture de Chillida (Grand Prix de la Biennale) sont l’une des attractions de cette Biennale. Avec les Américains Tobey et Rothko, le sculpteur anglais Armitage,
les Allemands Götz et Sonderborg, les Italiens Bacci (l'un des meilleurs « tachistes » de la péninsule), Gentilini (figuratif), Prampolini (abstrait géométrique)... quelques noms pris au passage. Le pavillon suisse, clair, géométrique, rigoureux et antiseptique avec le plasticien Bill, les peintres-calculateurs Glarner (sous - mondrianesque), Graeser, Eble, Philippe, Lohse, Terbois, von Mühlenen. A côté de ces rigoureuses architectures nous rencontrons le  coloriste raffiné Jaques Berger, et les «tachistes» Moser, Barth et Rollier.
Dans l’ensemble cette XXIXe Biennale de Venise nous prouve qu'il existe un langage commun, universel (Europe-Amérique - Extrême-Orient). Que la liberté des échanges n'est plus un mythe et que les barrières (culturelles) s ’effondrent (sauf celle de l'U.R.S.S.). D’aucuns parlent alors de révolution, de cabale. Voient déjà la Biennale fermer ses portes, par manque de crédit. Il y a des rajeunissements qui ne sont pas du goût de tout le monde.

Anthony Krafft