Gerrit Rietveld

Il y a un an, le 24 juin, les architectes néerlandais fêtaient les soixante-dix ans de leur confrère G. Rietveld, anniversaire qui fut célébré également par les nombreux amis et admirateurs que cet artiste doué de qualités exceptionnelles possède à l’étranger.

A cette même occasion, un beau livre1 fut publié, relatant la vie et l’activité du maître; et la revue hollandaise « Forum » publia un numéro spécial dans lequel, à part un excellent article de A. van Eyck, parurent les messages qu’avaient envoyés Le Corbusier, Neutra et d’autres. Toutes ces manifestations ont rappelé avec éclat la grande part prise par Rietveld dans le mouvement de l’architecture hollandaise et internationale.

En effet, le nom de Rietveld est lié à l’histoire de l’architecture du 20e siècle et, en particulier, à la période autour de 1920, où l’art et l’architecture connurent un moment d’un grand épanouissement et d’un renouvellement extraordinaire. Amsterdam en était un des foyers les plus vivants.

Gerrit Thomas Rietveld commença sa carrière comme ébéniste et se voua ensuite à l’architecture en se développant par ses propres moyens.

Dès 1919, il se joignit au groupe «de Stijl » fondé par Théo van Doesburg en 1917, dans lequel se trouvaient les artistes aux tendances révolutionnaires; il devint un des architectes les plus marquants du mouvement déclanché par ce groupe et qui eut une si grande importance pour l’art néerlandais et européen.

Il concrétisa en architecture les principes nouveaux énoncés par Théo van Doesburg et illustrés dans la peinture par Piet Mondrian, le « néo-plasticisme » auquel celui-ci donna un retentissement mondial. Rietveld, tout en adaptant ces idées aux exigences intellectuelles et humaines du moment, n’a jamais failli, jusqu’à nos jours, à la ligne qu’il avait jadis adoptée.

C’est capital.

En effet, le siège qu’il créa en 1918 et qu’il appela « la chaise rouge et bleue », réalisation aux formes et à la structure toutes nouvelles, de même que la maison Schroeder, construite à Utrecht en 1924, ces œuvres ne sont pas seulement des créations durables du néo-plasticisme, mais elles ont certainement marqué de leur empreinte toute l’évolution de l’architecture de notre époque. Il n’y a pas un écrit sur l’architecture, la peinture ou la sculpture des derniers quarante ans qui omette de mentionner cette maison ou d’en présenter des vues. L’importance de cette maison, aux dimensions relativement modestes, réside dans le fait que, pour

la première fois, des plaques rectangulaires ont été combinées avec une logique rigoureuse, en déterminant les volumes par un agencement rationnel et en exaltant magnifiquement la réciprocité des rapports entre les pleins et les vides. En même temps ce fut un des premiers exemples de la synthèse moderne des arts plastiques, réalisée grâce à une concision à laquelle Rietveld est toujours resté attaché.

Il n’y a donc rien d’étonnant que ses travaux, résultats d’une si évidente rigueur, constructive et esthétique à la fois, parviennent à captiver précisément la jeune génération des architectes qui, dans l’incertitude des conceptions artistiques actuelles, cherchent à s’appuyer sur des notions claires et positives.

Rietveld a réalisé surtout des maisons particulières — souvent de petite dimension, — des magasins, des intérieurs, des expositions et des objets divers. Les grandes commandes datent des derniers temps; la première consécration officielle de son pays fut, en 1954, l’édification du pavillon néerlandais à la Biennale de Venise.

C’est un bâtiment extrêmement intéressant par l’agencement exact et limpide des volumes et par l’éclairement judicieux des salles. Ce pavillon, comme toutes les autres constructions de Rietveld, se distingue par la très grande simplicité et par l'équilibre parfait de ses parties; il dénote l’intelligence supérieure et les conceptions souveraines de l’artiste. Ces derniers temps, l’architecte a pu heureusement déployer son talent dans des tâches plus vastes en créant de grandes cités d’habitation et des usines. Dans les programmes du logement, il a pu appliquer ses idées sociales fondées sur une profonde connaissance humaine et il a trouvé l’occasion de manifester son goût pour la beauté rationnelle; tandis que, dans les aménagements industriels, on retrouve sa prédilection pour les structures nettes et logiques.

Dans toute sa carrière, Rietveld n’a jamais sacrifié à la mode; il s’est toujours attaché à ce qui est essentiel, fondamental, durable. Tout en restant liées aux réalités du pays, ses œuvres portent la marque d’une tenue artistique très pure, ce qui confère à Rietveld une situation de premier plan dans l’architecture d’aujourd’hui et, sans doute, de demain.

Alfred Roth (Traduit de l’allemand)