L'intégration des constructions actuelles
Si l’on affirme communément que les constructions nouvelles s’harmonisent mal avec le cadre urbain ou rural dans lequel on les place, on ne précise jamais quels sont les éléments qui sont critiquables et sous quelle forme il conviendrait d'y remédier.
En fait, bien des sites, bien des villages anciens ont été abîmés par des bâtimnts aux formes et aux couleurs agressives, tranchant avec l’harmonie des constructions existantes; de là à conclure que les constructions actuelles devraient imiter les anciennes dans leur expression et leur construction, il n'y a qu’un pas.
Or, pour différentes raisons, cette solution est insoutenable pour quiconque se place sur les plans constructif, fonctionnel et humain; en fait, l’exemple même des constructions du passé que nous respectons nous oblige à réprouver les solutions mensongères et à préférer la vraie tradition dont les moyens d'expression tiennent compte de l’évolution de chaque époque.
Les progrès techniques, les matériaux nouveaux, l’organisation actuelle du genre de vie, l’expression contemporaine nous engagent à résoudre honnêtement les problèmes techniques, esthétiques et humains qui nous sont posés, mais avec une sensibilité suffisante pour que nos constructions s’intégrent avec bonheur dans les complexes auxquels nous les destinons; quelles que soient les conditions de situation, de site, de voisinage, de couleur, de topographie.
Il nous semble que, sous l’influence des plus célèbres architectes contemporains et des Nordiques en particulier, tous les éléments ayant trait à l’art de bâtir traditionnel ont été réintroduits dans l'expression actuelle qui ne vise pas tant à faire «moderne» mais à faire vrai, juste, utile, satisfaisant aux fonctions techniques, plastiques, humaines.
Si l’histoire de l’architecture contemporaine comporte une phase que d’aucuns appellent «l'architecture internationale» et dont l'importance historique est prépondérante, nous devons aussi souligner que les principes d’une doctrine trop absolue ont contribué à provoquer une expression certes valable, mais dont les qualités d’intégration, dans certains cas, sont inexistantes et même critiquables.
La reconsidération et l’engouement que l'on porte actuellement aux exemples d’architecture spontanée sous toutes ses formes et dans tous les pays du monde contribuera sans doute à l’élaboration d’une véritable résolution des problèmes qui se posent journellement aux architectes soucieux de l’intégration de leurs œuvres, sans concession aux moyens d’expression ni au pittoresque dont nos contemporains et nos édiles sont si particulièrement friands.
Ces propos sur l’intégration architecturale visent à préciser quelques critères qui devraient guider les constructeurs dans leurs réalisations, ils seront limités à la construction; d'autres problèmes relatifs à l’urbanisme régional feront l’objet de propos ultérieurs.
Bien qu’aucune règle absolue ne puisse s’appliquer, l’on peut citer quelques données qui déterminent les éléments de ces problèmes.
Les données de base, telles: le site la situation les conditions climatiques et géographiques sont impératives, elles ne souffrent aucune interprétation qui n’en tiendrait pas compte.
Conforme aux règlements, cette toiture offense cependant l'unité et la sérénité de ce village
Les autres données découlent d'un choix plus subjectif: l'expression du complexe existant
la couleur dominante
l'orientation des toitures
la proportion des volumes
l’échelle des percements
le matériau
le gabarit de la construction
le choix du parti
l'anticipation sur l'avenir
Il faut bien convenir que seuls les spécialistes formés et familiarisés avec la complexité et les interférences de ces différentes données sont à même d’opérer un choix.
En ce qui concerne l'habitation individuelle, il convient que ce type de construction soit parfaitement adapté à la situation dans laquelle on le place; la méconnaissance de cette vérité élémentaire provoque les innombrables monstruosités qui se multiplient dans notre pays.
Une habitation conçue pour terrain plat ne convient pas à un terrain en pente; conçue pour un accès aval, elle n'est plus valable pour un accès amont. Or, certains constructeurs mercantiles vendent des plans de maison pour lesquels l’adaptation au terrain se fait ultérieurement au détriment du fonctionnement, des prolonments extérieurs et de tous les avantages que devraient offrir une maison individuelle.
Ce ne sont pas des questions de toiture, d’alignement, de portails en fer forgé, d’avant-toits, de corniches qui déterminent la valeur plastique d’une construction. Par souci de bien faire, nos édiles en oublient souvent la réalité des architectures réellement traditionnelles, imposant une couleur de tuile parfaitement subjective ou une pente de toiture sans en préciser l'orientation.
Combien de silhouettes de villages ont été ainsi outragées avec la complicité des Services communaux se basant sur des considérations parfaitement secondaires alors que les éléments qui concourent réellement à la protection des sites, à l’intégration urbaine ou rurale ne sont même pas évoqués.
Il est hors de doute que l’emploi des matériaux nouveaux implique une expression nouvelle ; ce phénomène ne peut que s’accentuer mais toutes les techniques peuvent être judicieusement utilisées dans la construction en tenant compte des facteurs d'intégration qui nous occupent.
Malgré les matériaux divers et l’évolution rapide de leur utilisation, on devrait convenir de certains modules, d’une certaine échelle dans la reconstruction de nos centres urbains afin que, de l’ensemble, se dégage une harmonie; malgré l’emploi de matériaux si divers: le métal, le verre, la pierre, le crépi, la brique, le plastique, il conviendrait de faire un choix d'expression qui évite le chaos auquel nous sommes, hélas, trop habitués.
Lorsqu’il s’agit de zones où l’on doit conserver les anciens gabarits en accord avec des constructions qui présentent un certain intérêt historique, le problème est particulièrement difficile; il doit être cependant résolu avec les moyens actuels mais avec suffisamment de subtilité pour que l'échelle des percements ou des trames de façades s'harmonise avec les constructions existantes; le problème des évidements de rez-de-chaussée pour en augmenter les possibilités commerciales offre aussi des sujets de méditation lorsqu'ils sont placés dans un complexe d’immeubles intéressants. La simple interposition d'une marquise entre le rez et les étages est un pis aller qui ruine généralement le caractère des façades supérieures que l’on se proposait de sauvegarder.
La complexité de cette forme d’intégration devrait inciter les autorités à se pencher sur les ensembles remarquables avec un réel souci de résoudre le problème afin d’éviter que l'individualisme forcené de certains constructeurs s’y attaque fragmentairement.
Concentration d'accidents qui engendre le chaos et la laideur
Une implantation ordonnée dans un cadre déterminé se révèle extrêmement vivante
Le caractère d'une rue classée est malheureusement transformé par les magasins de conception actuelle
R.W. et J.-C.P.