La peinture et la sculpture dans le contexte urbanistique et architectural | Meyer Shapiro critique d'art, professeur à la Columbia University, Fine Arts Dept. (N. Y.) Etats-Unis.

Pourquoi la peinture et la sculpture sont-elles si rarement incluses dans les projets des architectes modernes?

Est-ce à cause d’une réaction contre le monumental et le symbolique dans l’art du XIXe siècle? L’art officiel de l’Antiquité imposait des directives et des croyances dont les artistes modernes devaient se libérer afin de réaliser de nouveaux idéaux. A notre époque, cette tradition du monumental a été reprise dans les Etats totalitaires, qui sont hostiles à l’art moderne.

Mais pourquoi n’use-t-on pas davantage aujourd’hui dans les pays démocratiques d’une peinture d’avantgarde et d’une sculpture dont le contenu satisfasse en même temps les architectes et leurs commanditaires?

L’absence d’une telle conception dans la plupart des projets est-elle due à l’esthétique de l’architecture moderne? Comme la peinture et la sculpture contemporaines, l’architecture tend à une autonomie du travail et lutte pour atteindre à la concision des structures formelles. Ces objectifs peuvent être réalisés par l’individualité concurrente de la peinture et de la sculpture.

Pourquoi éprouve-t-on fréquemment le besoin d’accorder une place plus importante à la peinture et à la sculpture dans l’architecture? Ce désir provient en partie du mécontentement qu’inspire l’état de l’art dans notre société, de son manque de racines et de son existence marginale. Mais il doit être possible, par une nouvelle union entre l’architecture et la peinture de combler cette lacune existant entre la culture et le monde pratiques. Il doit être possible de trouver dans notre société un rapport vivant entre les idéaux collectifs et la sensibilité individuelle.

On peut se demander si une intégration des arts est réalisable dans les conditions actuelles? Les exemples qui viennent à l’esprit ne sont-ils simplement que des réussites occasionnelles, provenant de conjonctures exceptionnelles entre l’événement ou la politique et l’art? Une telle intégration est-elle nécessaire pour le développement de l’art? Avons-nous alors affaire à un contexte artistique dans lequel tous les arts dépendent de circonstances particulières sans qu’aucun d’eux n’occupe une place prééminente dans la formation d’une esthétique de haute qualité?

S’il faut souhaiter une coopération des arts, peut-elle se réaliser sans le stimulant de croyances communes et de valeurs que posséderaient en commun artistes et public? La question est de savoir s’il existe dans notre société un point de vue suffisamment unifié pour fournir la base d’un art civique intégré.

Sans ce fondement, on hésite à admettre que l’intégration soit possible dans l’actuelle structure sociale et culturelle et en ne recourant qu’aux formes et aux contenus des arts plastiques existants.

Cette intégration trouve-t-elle sa justification dans l’expérience de l’art religieux moderne ou dans les peintures murales de l’école mexicaine aux tendances extrémistes? Les divers bâtiments décorés par des peintres et des sculpteurs de renom représentent-ils un accomplissement ou une promesse?

Puisque de nouvelles villes sont réalisées aujourd’hui par l’Etat seul, il faudrait savoir si l’intégration des arts dépend du plan d’organisation fourni par l’Etat pour un développement du bien-être, et si l’Etat peut résister à la tendance totalitaire, qui consiste à contrôler l’art et à s’en servir comme d’un instrument de propagande. On se demande enfin si l’intégration sous les auspices officiels modernes est compatible avec l’intégrité de l’art et avec le besoin d’une pleine liberté d’expression.

Ce sont là quelques questions qui se posent lorsque nous considérons le rôle des arts plastiques dans une ville nouvelle, dans la perspective d’une synthèse des arts.

M. S.