Mobilier et logement | MAX RICHTER

Qu'il s'agisse de maisons individuelles ou d'habitations collectives et dans les deux cas de constructions dites de luxe ou au contraire de constructions à loyer modéré, le problème de l'aménagement d'intérieur est le même, seules les dimensions diffèrent. Le problème est strictement le même car il s'agit d'habitat pour des hommes et ces hommes ont les mêmes besoins essentiels.

 - se nourrir

- se reposer

- dormir

- travailler

- se divertir, etc.

et ceci dans le temps dont l’unité est la journée de 24 heures qui comprend le jour et la nuit. Il y a la nuit qui, en principe, est faite pour dormir pour récupérer. Pendant cette période l'homme utilise un espace très réduit, un lit, environ 2 m2 et ceci durant 8 heures en moyenne soit 1/3 d’une journée de 24 heures ce qui est énorme quand on y pense. 2 m2 pour dormir, mais il faut encore un peu d'espace et puis il y a les parents, les célibataires et les enfants qui ont chacun des exigences propres. Mais pour tous il faut :

— un lit confortable (là on ne devrait pas économiser !) 

— un espace pour y accéder, mais minimum;

— un air sain donc pas nécessairement un grand volume mais,

— une fenêtre suffisante pour répondre aux nécessités d'un bon renouvellement de l'air et pour laisser entrer un rayon de soleil si agréable au réveil.

Donc jusqu'à maintenant un espace très restreint suffirait pour satisfaire à ce besoin.

Ceci serait merveilleux, car il laisserait la possibilité de donner aux 8 heures de la journée réservées à se divertir, à se nourrir, à étudier, à travailler (pour la maîtresse de maison), un maximum de surface. Mais le problème se complique car il faut satisfaire à une fonction annexe soit se vêtir et se dévêtir et ranger les vêtements.

Examinons le cas de la chambre des parents ou du couple. Là le dilemme éclate, car il y a la fameuse armoire du marchand de meubles ou de la belle famille sans oublier la commode, la coiffeuse, le pouf, etc. Il faut donc une grande chambre et même une très grande chambre pour admirer si possible l'armoire achetée à crédit. Et pourtant le problème serait simple: il suffirait que le constructeur équipe un des murs en une armoire bien étudiée, avec tout ce qu'il faut et à sa place, avec peut-être la possibilité de combiner l'intérieur à sa guise, d’y ajouter des tiroirs, des casiers, des supports...

Malheureusement c'est impossible, des appartements dotés de telles chambres ne se loueraient pas, les locataires ne pouvant y loger le mobilier traditionnel, capital du foyer, souvenirs.

Donc on tourne en rond, les constructeurs obligent les couples à acheter des ameublements complets et les locataires obligent les constructeurs à leur fournir des locaux pour y fourrer leurs meubles. Et après le décorateur doit arranger quelque chose au goût du jour susceptible d'être montré aux amis. Que l'on est loin du problème dormir, récupérer.

Et pour les gosses, doit-on absolument les emprisonner dans une chambre moyenne, où on peut en caser si possible deux, si ce n'est trois et où ils doivent:

— une salle de jeu, la plus grande possible, avec armoires pour les jouets;

— un dégagement équipé d'armoires à habits; et après peu importe des lits Louis XV ou 1960 pourvu qu’ils soient au moins confortables, ça c'est une autre question!

En résumé, l’idéal serait pour le groupe nuit une surface minimum suffisante et nécessaire pour que le locataire puisse y loger des lits, le reste étant un équipement faisant partie de l’appartement. On peut admettre que le principe de l'équipement a déjà été accepté pour les cuisines et que depuis ce jour des progrès se sont concrétisés.

Et maintenant examinons le groupe jour. Que de fonctions à accomplir dans cette zone de l'appartement traditionnel:

- manger

- « faire salon »

- converser

- écouter de la musique

- peut-être faire de la musique

- lire un bouquin ou le journal

- faire la sieste après le repas pour le père de famille

- écrire aux amis

- recevoir les amis

- raccommoder les chaussettes

- voir la télévision

- faire une flambée dans la cheminée

Et tout ça dans une « boîte » de 20 à 25 m2 de soi en moyenne. Quelle histoire de fous, surtout qu'il y a des portes, des fenêtres, des radiateurs. Il faut donc:

— des m2,

— des m3,

— de l’ordre,

— et malgré tout un loyer raisonnable.

Que l'on exige de l’architecte qu'il recherche des solutions de réalisation économique en vue d’augmenter la surface habitable est très louable, mais qu’on lui demande de faire des tours de force pour récupérer les superbénéfices de spéculateurs de terrains additionnés des commissions accordées à certains parasites est inqualifiable. N'y a-t-il pas là aussi un grave malaise?

Une solution consisterait à construire des immeubles sur un module rationnel, module pas trop grand pour qu’il permette une utilisation souple. Ces constructions comprendraient:

— des murs extérieurs bien vitrés (l'enveloppe) ;

— des escaliers permettant la circulation verticale ;

— des groupes sanitaires rationnels mais fixes (soit cuisines, bains, W.C.) ;

— un espace libre que le locataire aménagerait à sa guise et suivant ses besoins;

— des panneaux modulés, correspondant au module de la construction stocké par le propriétaire, et qui seraient fournis aux locataires pour constituer des cloisons pleines ou vitrées, des portes.

En attendant des solutions de cet ordre d'idées, cherchons non pas un remède puisque la maladie est incurable, mais un calmant. Il pourrait être, par exemple, la recherche d'un mobilier à utilisation multiple, transformable, parant momentanément aux inconvénients de manque de surfaces cités. Qu’une table puisse servir de table à manger, à écrire, ainsi que de table de salon suivant la hauteur réglable de son plateau. Que la chaise de salle à manger devienne par un mouvement simple fauteuil de salon. Qu'un fauteuil normal ait la possibilité de devenir lit de repos ou puisse se plier pour être moins encombrant, études déjà entreprises depuis quelques années par certains architectes.

Max Richter