Concours International pour le nouveau bâtiment de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à Genève Premier Prix: Jean Tschumi

Mandaté par la Douzième Assemblée mondiale de la Santé, le Conseil exécutif de l’OMS avait approuvé en juin 1959, le règlement d’un concours ayant pour objet l’édification, à Genève, du siège de l’organisation.

Ont été invités à participer à ce concours international restreint 15 architectes, choisis dans divers pays par un groupe de cinq experts. La composition du groupe d'experts était la suivante: Prof. G. B. Ceas, Rome, vice-président de l’Union internationale des architectes; Dr B. Gaber, Francfort-sur-Main, Secrétaire général du BDA; Gunnar Jacobsen, architecte, Stockholm; Alexandre Persitz, Paris, rédacteur en chef de « l'Architecture d’Aujourd'hui » ; Prof. Alfred Roth, de l'Ecole polytechnique de Zurich.

Ce groupe s'est réuni à Genève le 15 juin 1959 et a proposé que soient invités à participer au concours les architectes: MM. G. A. Bernasconi, A. Fiocchi, M. Nizzoli, Milan; Ir.

J. H. Van den Broek et J. B. Bakema, Rotterdam ; J. Dubuisson, Paris ; Guergi Gradov, Moscou ; Haefeli, Moser et Steiger, Zurich ; Hentrich et Petschnigg, Dusseldorf; Ame Jacobsen, Klampenborg; Raymond Lopez, Paris; A. E. Reidy, Rio de Janeiro; Viljo Revell & Cie, Helsinki; Eero Saarinen, Bloomfield Hills, Mich.; Hugh Stubbins, Cambridge, Mass. ; Kenzo Tange, Tokyo; Jean Tschumi, Lausanne ; Yorke, Rosenberg et Mardall, Londres. Ouvert le 14 septembre 1959, le concours était clos 6 mois plus tard, c’est-à-dire le 14 avril 1960.

Le jury s'est réuni à Genève, au Palais des Nations, du 25 au 28 avril 1960, sous la présidence du D( M. G. Candau, directeur général de l'OMS. Il était composé comme suit : MM. Sven Gottfrid Markelius, architecte, Stockholm, Suède ; Gio Ponti, architecte, Milan, Italie; Sir Howard Robertson, architecte, Londres, Angleterre; Pierre Vago, architecte, secrétaire général de l’Union internationale des architectes ; Prof. E. Aujaleu, président du Conseil exécutif de l'OMS ; Jean Dutoit, conseiller d’Etat, chef du Département des travaux publics du canton de Genève; Dr M. G. Candau, directeur général de l’OMS. Sur proposition de Sir Howard Robertson, M. Pierre Vago a été désigné à l’unanimité rapporteur du jury.

Après avoir constaté que les 15 projets présentés par les architectes ou équipes d’architectes invités à participer au Concours étaient parvenus dans les délais et les formes réglementaires, et que les conditions du Règlement avaient été respectées, en ce qui concerne notamment l’anonymat, le jury a pris connaissance des résultats du préexamen analytique des quinze projets.

Il a procédé ensuite à une première étude générale des projets par examen individuel d’abord, collectif ensuite. Une visite du terrain a eu lieu dès le premier jour de la réunion.

La méthode de travail du jury et les critères de jugement des projets ont été discutés et arrêtés.

A la suite d’un premier examen, les projets dont les numéros suivent ont été écartés par le jury comme ne pouvant pas, de l’avis général, et malgré leurs qualités et l’intérêt incontestable de certaines solutions proposées, être pris en considération pour le choix final : Nos 002 - 003 - 004 - 011 - 013.

A la suite d’un deuxième examen,Ies projets dont les numéros suivent n’ont pas été retenus pour un examen ultérieur: Nos 005 - 007 - 008 - 009.

Le jury s’est livré à une étude très approfondie des six projets restants. A la suite de cette étude, il a décidé de ne pas retenir le projet N° 015 et de procéder à un dernier examen analytique et comparatif des cinq projets restants: N°* 001 - 006 - 010 - 012 - 014.

Ces projets ont fait l'objet d'une étude particulièrement attentive, tant de la part de l’ensemble du jury que de ses membres architectes pour ce qui concerne leurs qualités plus spécifiquement architecturales, et ceci en fonction des critères de jugement préalablement adoptés.

A la suite d’une ultime discussion, le jury a procédé au classement des cinq projets retenus. Mais, avant de prendre une décision définitive, chacun des quinze projets présentés a été examiné une dernière fois. Le jury a d’abord décidé par 6 voix contre 1 d’attribuer un premier, un deuxième et un troisième prix. Finalement, le jury a décidé, par vote secret et individuel sur chacun des cinq projets retenus en dernier lieu, d'attribuer :

— le premier prix au projet N° 014 (par 6 voix pour et 1 abstention);

— le deuxième prix au projet N° 012 (par 5 voix pour et 2 voix contre) ;

— le troisième prix au projet N° 006 (par 4 voix pour et 3 voix contre) et d’attribuer une mention au projet portant le N° 010 (à l'unanimité).

Le jury a estimé, toutefois, qu’aucun des projets présentés ne pouvait être proposé pour exécution, sans que certaines modifications y soient apportées. Des modifications paraissaient, en effet, indispensables pour tenir compte de certaines considérations qui n’avaient pas été explicitement indiquées dans le programme, mais auxquelles les organisateurs attachaient une grande importance. D'un autre côté, les crédits disponibles ayant été fixés, déterminaient un plafond impératif, alors que le programme ne demandait pas la production de devis estimatif. Désireux de donner rapidement une suite effective au concours, les organisateurs, à juste raison, tenaient à ne pas s'engager sur un projet avant que son prix de revient ait pu être clairement établi.

En conséquence, le jury a recommandé au Directeur général de demander à l’auteur du projet classé premier d’étudier, en liaison avec ses services, la possibilité d’apporter à son projet les modifications permettant de répondre à toutes les objections et recommandations formulées par le jury dans son rapport technique, et de réaliser le projet ainsi remanié dans la limite des crédits disponibles.

Après approbation et signature par tous les membres du jury du protocole, fixant les décisions prises et le classement des projets, le Directeur général a procédé à l'ouverture des enveloppes contenant le nom des auteurs des divers projets, en présence des membres du jury, des fonctionnaires de l’organisation et de la presse. On a ainsi appris que : Le projet portant le N° 001 est l’œuvre de MM. Hentrich et Petschnigg.

Le projet portant le N° 002 est l’œuvre de M. A. E. Reidy.

Le projet portant le N° 003 est l’œuvre de MM. Yorke, Rosenberg et Mardall.

Le projet portant le N° 004 est l’œuvre de MM. Haefeli, Moser et Steiger.

Le projet portant le N° 005 est l'œuvre de M. Guergi Gradov.

Le projet portant le N° 006 est l'œuvre de M. J. Dubuisson.

Le projet portant le N° 007 est l’œuvre de M. Raymond Lopez.

Le projet portant le N° 008 est l’œuvre de MM. G. A. Bernasconi, A. Fiocchi et M. Nizzoli.

Le projet portant le N° 009 est l’œuvre de MM. Ir. J. H. Van den Broek et J. B. Bakema.

Le projet portant le N° 010 est l'œuvre de MM. Viljo Revell & Cie.

Le projet portant le N° 011 est l’œuvre de M. Kenzo Tange

Le projet portant le N° 012 est l'œuvre de M. Eero Saarinen

Le projet portantle N° 013 est l’œuvre de M. Hugh Stubbins

Le projet portantl e N° 014 est l'œuvre de M. Jean Tschumi

Le projet portant le N° 015 est l’œuvre de M. Arne Jacobsen

Le concours, anonyme et à un seul degré, avait pour objet l'édification, à Genève, d'un bâtiment devant abriter les services du Secrétariat de l'OMS et comportant en outre des salles de réunion pour son Conseil et pour ses divers Comités. Cet édifice, précisait le programme, bien que destiné à abriter des bureaux et des salles de travail, devait avoir un «caractère représentatif», tenant compte de l’importance du rôle de l’OMS en tant que grande institution spécialisée des Nations Unies. Il devait être conçu « avec le souci de faciliter le fonctionnement rationnel » des organes auxquels il était destiné, et éviter des frais de construction hors de proportion avec la destination du bâtiment.

Une mention particulière était faite à la nécessité — évidente — d’une implantation harmonieuse de l’édifice dans le site. Là résidait une des difficultés majeures du concours. En effet, le terrain sur lequel doit être édifié le nouveau siège de l’OMS est situé au nord-est de Genève (sur le territoire de la Commune de Pregny), à environ 750 m. du Palais des Nations. Il mesure 5 à 6 hectares. Légèrement vallonné, il comporte, en périphérie, quelques beaux groupes d’arbres. Une importante voie de desserte est prévue au nord du terrain. On jouit de très belles vues, sur le massif du Mont-Blanc et sur le Salève, au sud et au sud-ouest; sur le Jura au nord; et, dès qu'on s’élève au-dessus du sol naturel, sur le lac au sud-est.

Mais l’édifice ne devait pas seulement s’intégrer dans le site; les concurrents ne pouvaient pas ne pas se soucier de l'inscription du bâtiment projeté dans le « paysage » genevois, et notamment de la vue que l’on en a de la rive méridionale du Lac. Outre la configuration du terrain, les plantations existantes, les vues, les accès, un facteur à ne pas négliger était l'existence de vents froids soufflant du nord-est.

Le programme indiquait avec une grande précision les locaux à prévoir, avec leurs surfaces approximatives, et demandait que des modifications dans la répartition des bureaux puissent être apportées à tout moment; il signalait, en outre, que le bâtiment devait être conçu de manière à permettre son extension future. Enfin, un parc de stationnement pour 600 voitures et un garage couvert pour 150 bicyclettes étaient demandés.

Aucun prix limite n’était imposé, et aucun devis estimatif n’était demandé aux concurrents. Cependant, en réponse à une «question», les organisateurs avaient précisé que le crédit global disponible, englobant les frais de construction et d'équipement du bâtiment, l’aménagement des abords, les honoraires, etc. ne devait excéder 40 millions de francs suisses. Il était demandé aux concurrents de remettre, avec leurs plans et la notice descriptive, un « calcul du cubage » établi selon les normes de la SIA.

La mission du jury était « d'examiner les projets, choisir ceux qui répondaient le mieux aux exigences du programme et qui pouvaient être considérés comme les plus satisfaisants du point de vue artistique et pratique ; décider de l'attribution des prix ; recommander l’exécution du projet qui, à son avis, répondait le mieux aux exigences du programme ».

Pour l'examen des divers projets, le Jury s'est basé sur un certain nombre de critères «de jugement», qui ont fait l’objet d'échanges de vues et de discussions parfois passionnées. Si, pour la plupart des principes essentiels une parfaite identité de vues a pu être réalisée parmi tous les membres du Jury, sur quelques points, une certaine divergence s'est manifestée. Les principaux «critères de jugement», à la lumière desquels les projets ont été examinés (et, le cas échéant, comparés) ont été les suivants :

a) adaptation au terrain

b) respect du caractère du site

c) groupement général des volumes (plan masse)

d) adaptation à la fonction

e) circulations (extérieures et intérieures, horizontales et verticales)

f) flexibilité

g) possibilités d'extension

h) expression architecturale (plastique, sensibilité)

i) structure, matériaux, protection, entretien, possibilités de conditionnement

j) sérieux et degré de développement de l’étude

k) aspect économique et financier.

Il va de soi qu’il n’était pas possible de séparer rigoureusement ces divers aspects du problème posé ; dans la pratique, plusieurs « critères » se complètent et se confondent.

Cependant, le jury a tenu à s’imposer une méthode d’analyse facilitant l’examen et la comparaison des diverses solutions proposées, et permettant de fixer sa propre « doctrine » sur certains points.

Dans ce concours, la principale difficulté ne consistait certainement pas dans la recherche d’une solution fonctionnelle. Il est évident que tout architecte de valeur, et en tout cas chacune des éminentes personnalités invitées par l’OMS à participer au concours, était à même de résoudre correctement le problème fonctionnel. Et, avec des nuances, on peut dire que chacune des solutions peut être considérée comme satisfaisante, à cet égard. Certes, des différences notables existent entre les divers partis proposés. Le développement des circulations internes, la facilité des liaisons entre les divers services, la solution des liaisons verticales, et d'autres aspects du problème fonctionnel, ont été traités de manière assez variable et avec plus ou moins de bonheur. (Par exemple, certains concurrents ont nettement sous-estimé les besoins en liaisons verticales).

La position relative des divers éléments : Secrétariat, salle du Conseil, Bibliothèque, etc.

et les liaisons entre eux, constitue un des facteurs de bon fonctionnement. Pour des raisons qu’il semble superflu d'expliquer, la plupart des concurrents ont affirmé, plastiquement, la salle du Conseil (et souvent la Bibliothèque).

Dans douze projets, la salle du Conseil forme un bloc extérieur au bâtiment principal, plus ou moins isolé, plus ou moins heureusement relié.

La salle du Conseil est, contrairement à ce que les concurrents pouvaient penser, avant tout un «instrument de travail» elle aussi. Elle devra servir 30 jours par an, environ. Les liaisons avec les services, donc avec le bâtiment du Secrétariat, sont continues ; le « public » extérieur est un élément tout à fait accessoire : pratiquement, seuls assistentaux séances du Conseil, en dehors des délégués, les membres du Secrétariat, les représentants des ONG et la presse. Le «public» n'est constitué, en fait, que par des groupes de visiteurs assistant, au cours d’une visite, à un bout de séance.

D’où l’importance attachée par les futurs utilisateurs, bien plus qu’à la « mise en valeur » architecturale, ou à un accès monumental, à l’aspect fonctionnel des dispositions envisagées pour cette partie de l’édifice. D'où aussi le légitime désir de faire bénéficier ceux qui devront passer, jour après jour, de longues heures dans cette salle, de la lumière naturelle du ciel, de la nature. Ceci, les concurrents ne pouvaient pas le savoir; sur les 14 projets, un seul ouvre la salle directement sur le paysage. La plupart l'ont conçue plutôt comme un lieu de concentration isolé de l'extérieur; ce n'est pas là une «faute», mais une divergence de conception due à une information insuffisante.

Et le jury a estimé que le projet définitif devra tenir compte, sur ce point, du désir des « utilisateurs » d'avoir une salle du Conseil non seulement pratique et bien reliée aux divers services, mais encore largement ouverte (ou pouvant s'ouvrir largement) sur la nature.

Si le jury n'a pas considéré comme «faute » l'absence de vues directes sur l’extérieur, il n’a pu que déplorer les solutions où les accès, les liaisons et abords de la salle du Conseil ont été traités avec une insuffisance parfois difficilement compréhensible.

La Bibliothèque, elle aussi, constitue un «instrument de travail » à usage essentiellement interne. Pour cela, les solutions «intégrées» offrent des avantages pratiques certains. Mais les distances ne sont pas telles que les projets où la Bibliothèque a été prévue dans un corps secondaire, doivent être rejetés; surtout si, en contre-partie, la salle de lecture ouvre agréablement, sur une paisible cour intérieur plantée (Projet N° 6).

Le bâtiment du Secrétariat et des Services annexes, constitue l’élément essentiel du projet. Les diverses solutions proposées ont été étudiées sous l’aspect fonctionnel (circulations, liaisons) et en ce qui concerne la flexibilité, c’est-à-dire la facilité de modifier la distribution intérieure, non seulement dans le « détail » (déplacement de cloisons pour créer, par exemple, quelques bureaux supplémentaires) mais aussi en cas de réorganisation des Services, pouvant nécessiter une «remodélation» assez complète des emplacements et des distributions dans le bâtiment. La solution idéale serait, naturellement, une liberté totale à l'intérieur d’un volume donné. Cette liberté est limitée, cependant, par : les éléments porteurs de la structure; les circulations verticales, les gaines (et par extension, l'emplacement de groupes sanitaires impliquant des réseaux de canalisations verticales). La majorité des concurrents a adopté pour le bâtiment du Secrétariat la solution d’un immeuble rectangulaire et haut. Un seul auteur a préféré (pour respecter le site et pour mieux insérer la construction dans le paysage) la solution « basse » impliquant un allongement des parcours horizontaux.

Sur les 14 autres, dix ont adopté le principe de la «barre», orientée sensiblement sud-ouest - nord-est, parfois légèrement cintrée. Il y a une proposition circulaire et deux projets orientés dans le sens perpendiculaire à celui adopté par la majorité des concurrents (le N° 15 en Y, et le N°4 qui suggère deux ailes parallèles, décalées, orientées nord-sud, et reliées par les salles de Commissions et du Conseil, en « cascade » vers le midi).

Il est certain que la solution adoptée par la majorité des concurrents est la plus rationnelle ; elle a fait largement ses preuves, et à moins de sérieuses considérations d'un ordre différent, c’est elle qui offre les meilleures possibilités de circulation, de liaison, d’organisation intérieure et de flexibilité. A l’intérieur du volume général, les «points d'appui » constituent des éléments fixes, immuables, et déterminent dans une large mesure les aménagements et le « module ». Presque tous les concurrents ont prévu un édifice à ossature porteuse, généralement en béton armé (14 projets sur 15), ou mixte (N° 6). Trois projets proposent une solution originale : le N° 3, où le bâtiment est porté par six portiques en béton armé, laissant entre eux des «tronçons» libres de 17 m.

environ, mais compartimentant de ce fait l'édifice, au détriment de la flexibilité; le N° 4, porté par huit pylônes à l’intérieur desquels sont placées les liaisons verticales ; enfin, le N° 12, où les planchers sont portés par deux immenses poutres à échelle parallèle, placées des deux côtés de la circulation centrale, portées comme un pont par deux « piles » laissant entre elles un vide extrêmement dégagé de 77 mètres.

Les onze solutions «classiques» comportent deux ou quatre «lignes» de points d’appui; lorsqu’il n’y a que deux rangs, celles-ci sont soit à l’intérieur du volume, bâties avec porte-à-faux (Nos 10 et 14), soit en façade, libérant complètement l’espace intérieur (Nos 6 et 7). Dans certains cas, la position des points d'appui est particulièrement malheureuse (N° 2). Dans le sens longitudinal, l'ossature détermine le « module ».

Celui-ci est très variable: 1 m. (Nos 2, 10), 1,10 m. (N°* 9, 15), 1,15 m. (N° 7), 1,20 m.

(N°* 4, 6, 8,12), 1,40 m. (N° 1), 1,50 m. (N° 5), 1,80 m. soit 1,20 — 0,60 m. (N° 14). Compte tenu des indications du programme, c’est le module de 1,20 m. qui paraît le mieux approprié.

Outre l'ossature, l'emplacement des groupes de circulations verticales, des gaines et les locaux de service est un élément de plus ou moins bonne flexibilité. La meilleure solution est, pour le jury, celle qui groupe ces divers éléments en position centrale, dégageant aussi complètement que possible la «périphérie» (Nos 10, 14).

L'adaptation au site constituait, cela est évident, une des difficultés majeures du projet.

Il y avait, en effet, d’une part un agréable site champêtre, doucement vallonné, avec des groupes de beaux arbres; peu de constructions alentour, pas d’édifices hauts, pas de ces masses de constructions qui transforment bien vite un parc, une campagne, en «quartier» urbain. Comment insérer dans ce site, un bâtiment administratif où devra travailler un millier de personnes et qui doit répondre avant tout à certains impératifs fonctionnels? Le problème était quasi insoluble. La tentation de se «tenir bas » était grande; car une haute bâtisse dont le caractère de «building » était inévitable, apparaissait de prime abord comme une insulte au paysage. Ceci, les membres du jury l’ont éprouvé, et il n’y a aucun doute que les architectes éminents qui avaient à résoudre ce difficile problème, l’aient ressenti à leur tour. Pourtant, s’il y a plusieurs manières de disposer un « volume » donné sur le terrain, chacune de ces dispositions a ses avantages et ses inconvénients. Fonctionnellement, la solution la plus «concentrée» est incontestablement la meilleure. Les avantages pratiques devaient-ils être mis en balance avec une solution moins rationnelle, mais respectant davantage la beauté et le caractère du site? Il est probable que les concurrents ont dû se poser la question. Mais à égalité de volume, passer de 12 à 4 étages, revient à tripler la longueur du bâtiment, à réduire l’espace dégagé au sol, à le fractionner.

Le jury n'a pas éludé ce débat ; le point de vue favorable à la « solution basse » y a trouvé d’ardents et éloquents partisans. Toutefois, 14 concurrents sur 15 avaient opté pour une solution «haute», concentrée; la majorité des membres du jury les a suivis.

Un seul concurrent, nous l'avons dit, a évité toute construction en hauteur (projet N° 10).

Cette volonté de « rester bas » est accentuée par la faible hauteur sous plafond des étages. Le projet présente incontestablement un grand intérêt; malheureusement, il présente les inconvénients qui sont la contre-partie de ses qualités. Le terrain est découpé en trois parties : une zone au nord, où se trouvent les parkings et les garages ; une zone délimitée par les ailes de l’Y; c’est la partie la plus agréablement traitée, sur laquelle ouvrent les salons de la salle du Conseil, le Musée, la Bibliothèque. Mais le « parc » est réduit à cette fraction délimitée par les « ailes », l'importante route d'accès aboutissant à une aire bétonnée de plus de 500 m2 devant l’entrée principale, défigure et sacrifie la partie est de la propriété.

Il faut ajouter qu'il eût été possible de tirer un parti bien meilleur de ce projet, s’il avait fait l’objet d’une étude plus soignée. Beaucoup de solutions de détail — mais essentielles — auraient pu être améliorées, et de défauts évités. La hâte avec laquelle le projet a dû être établi apparaît à travers certains manques de concordance.

Les projets caractérisés par un bâtiment principal haut disposé parallèlement à la limite supérieure du terrain, présentent cependant des différences importantes. Neuf comportent un bâtiment droit, deux un plan cintré. Parmi ceux dont l'axe est droit, se trouve ce projet étrange (N° 11) qui couvre la quasi-totalité du terrain, transforme le site en immense terrasse dont émergent deux corps de bâtiment: au premier plan, le bloc de la salle du Conseil, surmonté par son curieux «chapeau» évoquant la silhouette de quelque temple lointain, et l’immense masse du Secrétariat, d’un formalisme dont la seule justification est une volonté de symbolisme contestable. L'auteur du projet a voulu créer « un contraste entre la nature et la géométrie »; cette volonté aboutit, cependant, à une destruction assez brutale du site et du caractère du paysage.

Dans le projet N° 12, le jury a trouvé l'affirmation d’une volonté de composition « finie », gui se traduit tant dans le plan du rez-de-chaussée et du sous-sol, peut-être trop «académique », que dans l’expression plastique et structurale. Cette volonté résulte, sans doute, d’une réaction compréhensible et salutaire contre une certaine tendance

(résultant de certains programmes et du stade actuel de l’évolution technique) à concevoir des bâtiments que l’on peut allonger ou raccourcir à volonté, comme on peut accrocher ou décrocher les wagons d’un train. La contre-partie est, précisément, la difficulté de toute extension, sinon sous forme d'un bâtiment complètement isolé, comme le propose d’ailleurs l’auteur du projet.

Les concurrents ont placé le bâtiment du Secrétariat dans la partie supérieure du terrain, pour dégager au maximum le parc, la partie située au nord du bâtiment, où se situe généralement l’entrée, étant réservée à la circulation et au stationnement des automobiles. Le respect du site est particulièrement heureux dans le projet N° 1, où les constructions sont assez «ramassées», reliées par une terrasse, simple dalle posée sur le terrain naturel, et dégageant complètement toute la partie du parc dont on n'avait pas besoin pour les constructions et leurs abords immédiats.

(Les auteurs des projets 6 et 4 ont, tout en réservant le maximum possible d'espaces verts, cru devoir aménager ceux-ci par des terrassements, escaliers, passages: le jury a estimé que ces aménagements étaient superflus, et qu'il y avait tout intérêt à garder le site dans l'état naturel qui en fait le charme.

La possibilité de réaliser une extension ultérieure était demandée par le programme.

La plupart des concurrents ont mentionné la possibilité de prolonger le bâtiment principal par adjonction de travées. Le jury (et en particulier ses membres architectes) s’est montré très réservé au sujet de cette méthode. En effet, pour un bâtiment qui veut et qui doit être une œuvre d'architecture, le changement des proportions résultant de l'adjonction d'un nombre (d'ailleurs non déterminé) de travées, est difficilement concevable. (Une remarque à propos du projet N° 7: ici, l’extension s’impose, car tel qu’il est présenté, l’édifice produit une pénible impression d’inachevé). Quatre concurrents ont proposé des solutions d’extension plus «architecturales», plus ou moins heureuses. C’est le projet N° 14 qui apporte la solution la plus intéressante ; « achevé » dès la phase initiale, l’édifice ne serait nullement défiguré, au contraire, par l’adjonction d’une aile perpendiculaire à 5 niveaux, à la limite est du terrain.

Le jury a précisé dans la rédaction de sa décision, que I’« auteur du projet classé premier » devrait apporter à son projet un certain nombre de légères modifications et étudier « la possibilité de réaliser le projet ainsi remanié dans la limite des crédits disponibles ».

En invitant le Directeur général a confier l’exécution de l’œuvre à l’auteur du projet N° 14, le jury a recommandé que certaines modifications soient apportées par son auteur. Le jury a suggéré: a) que la hauteur totale du bâtiment du Secrétariat serait réduite, ce que l’on peut aisément obtenir par la réduction des hauteurs entre sols finis, ce qui dans ce projet ne présente pas d’inconvénients, étant donné la largeur avec laquelle ont été traitées les épaisseurs de planchers et les hauteurs sous plafond ; b) de tenir compte, lors de l’étude définitive, du caractère de l'élément «salle du Conseil » qui, instrument de travail largement utilisé, plus que monument « représentatif », peut être avantageusement réduit en volume et en hauteur, rapproché du bâtiment du Secrétariat, ouvert sur l’extérieur; c) de renoncer à une partie des aménagements du parc, afin de garder à celui-ci son caractère actuel.