Premier Salon d’Architecture

Un Salon d'Architecture s'est tenu cet hiver à Paris, avenue des Champs-Elysées, dans le Grand Palais. Premier Salon de ce genre, il aura lieu dorénavant chaque année, comme c'est le propre de ces manifestations.

A une période où l'accroissement de l'activité constructive confère à la question une actualité brûlante, ce Salon, outre son caractère de nouveauté, offrait la particularité d'être organisé par le Syndicat des Architectes de la Seine (du département de la Seine). Le SAS, qui compte de nombreux, membres, est une association professionnelle à objectif de défense, sans position esthétique particulière. D'emblée ceci aide à situer le premier Salon d'Architecture qui doit être plutôt considéré comme une présentation d’oeuvres que ayant été envisagé comme une démonstration sélective. Le Syndicat a déjà manifesté son activité d’ailleurs et on lui a vu, ces dernières années, organiser une « Exposition des jeunes Architectes » et présenter un « Essai d'Habitation évolutive » qui se montrait résolument en réaction contre une réglementation urbaine dépassée.

Un titre avait été donné au Salon : Equiper la Cité. Un choix avait donc été fait qui apportait une clarification dans un univers aujourd'hui sans limites. La sélection néanmoins restait plus objective que qualificative. D’intentions ce Salon ne manquait pas. Quelques hautes idées avaient été mises en lumière dès le seuil et l'on avait tenté d’offrir une réponse définitive à l'éternelle question: Qu'est-ce que l’Architecture? Soit dit en passant, ne pourrait-on pas penser que celle-ci doit apparaître comme un constant devenir?

Une invitation était faite, d'autre part, à considérer l’urbanisme de Paris. Sommairement d'ailleurs et seulement à l'aide de quelques «propositions» sélectionnées. L'étude de Le Corbusier pour le centre de Paris, depuis longtemps connue; la thèse d’Urbanisme d'André Gutton qui date de 1934; deux études partielles : les quatre Champs-Elysées de l'architecte Le Cœur et les Gares de Paris de Paul Herbé; enfin le fameux Paris-parallèle que propose actuellement le Comité de la revue l'«t Architecture d'Aujourd'hui ». On sait en quoi consiste ce projet approuvé par les uns, décrié par les autres. La création d'une cité satellite prévue pour un million d'habitants, située dans un rayon de 30 km de la capitale, à l'aide de laquelle on espère supprimer le développement désordonné de l'habitat et les « circuits insensés ».

Dans la présentation générale de la partie consacrée à l'architecture on appréciera le souci qu'avaient eu les architectes organisateurs — lequel se généralise maintenant — de faire connaître les entreprises collaboratrices. A l'époque où la réalisation architecturale est plus que jamais une œuvre collective, cette manière d'agir apparaît comme une simple courtoisie professionnelle. Une restriction peut être faite par contre, en ce qui concerne la présentation elle-même de l'exposition.

A la fois recherchée et quelque peu malhabile, insuffisamment frappante, elle restait sommaire et confuse. Il est vrai que dans ce domaine où excellent par exemple les pays Scandinaves, la France continue de paraître avoir tout à apprendre. Aussi lorsque l'on visite les présentations faites dans les autres pays, à la Triennale de Milan entre autres, cela ne saurait échapper au visiteur.

Les œuvres comme à l’accoutumée étaient présentées à l'aide de photographies, plans, coupes et maquettes. Quelques figures sculptées s'y trouvaient mêlées car il importait que ne soit pas oubliée en un tel lieu la synthèse des arts. Les réalisations montrées étaient nombreuses, étudiant tour à tour les divers problèmes qui, de l'usine au musée, en passant par le supermarché pour aboutir à l'héliport, sont ceux de la cité moderne. Le catalogue illustré en donnait l'énumération.

Il était signalé quelques unes des constructions qui, récemment terminées, se voient dorénavant dans le ciel de Paris lesquelles sont d'une qualité qui leur permet d'entrer en lice dans la grande compétition internationale. Le CNIT notamment, Centre national des Industries et Techniques, du Rond-Point de la Défense, des architectes R. Camelot, J. de Mailly, B.-H. Zehrfuss et de l'ingénieur Jean Prouvé, prouesse technique de la voûte en béton. Et l'immeuble de la Caisse d'Allocations familiales, sis rue Viala dans le XVe arrondissement de Paris, dû à l'architecte Raymond Lopez, aux façades légères avec « mur rideau » où le métal se marie à la matière plastique translucide.

Cependant, bien que parfois on vous porte à le croire, Paris n'est pas la seule cité de France et le Salon d'Architecture en témoigne qui présentait sur ses cimaises quantité d'œuvres soit réalisées, soit en projet, destinées tant à la capitale qu'aux grandes et petites villes de la province.

En vrac, sans classement apparent, se présentaient ainsi : l'ensemble résidentiel de Vert-Bois, à Saint-Dizier-le-Neuf, d'André Croizé; les groupes scolaires de Colombes, Drancy, Bagnolet, de Roger Gilbert; divers immeubles pourvus de « mur rideau » métallique, de Jean Ginsberg ; le Collège moderne de Jeunes Filles du Havre, d'André Hermant, dont la façade rythmée doit s'incorporer à cette grande ordonnance architecturale qu'est la nouvelle ville du Havre, œuvre d'Auguste Perret; le Musée des BeauxArts de cette même ville de Guy Lagneau, Michel Weil et J. Dimitrijevic, le premier musée d'esprit d’avant-garde que connaîtra la France; l'intéressante étude pour l’aménagement de l'îlot Jemmapes, de l'architecte urbanniste Rémy Le Caisne, où un ensemble de logements, un terrain de sports et un groupe scolaire se trouvent obligatoirement traversés par une voie à grand trafic; un groupe scolaire à Briey-en-Forêt, de Georges Pingusson ; le Marché des Provinces françaises à Nanterre, de Charles Sébillotte; la Basilique souterraine de Lourdes, de Pierre Vago, A. Le Donné et P. Pinsard, où a été trouvée une solution heureuse pour parer au voisinage d’une basilique gênante ; le groupe scolaire de Bagneux, d'André Gomis et, du même architecte, une chaufferie d'un groupe de logements qui apparaît comme un jeu curieux de formes géométriques; le Monastère Clarté-Dieu à Orsay, dû aux frères Arsène Henry, pour ne citer que ces quelques œuvres.

La visite terminée, il ressortait que les tendances de l'architecture contemporaine tendent à s’affirmer et que l'on s'était apprivoisé au matériau nouveau. Mais, se demandera-t-on, que pouvait penser le public à qui, somme toute, est destinée une telle exposition? Sans doute sont-ils peu nombreux, ceux qui auront pu apprécier l’effort général, si incomplet soit-il, que représente l'adaptation à l’évolution d'une époque. Ce Salon était pour le visiteur autant de pièces détachées livrées à celui qui est curieux de la chose nouvelle. A lui revenait de faire le travail de synthèse. N’est-ce pas beaucoup demander au public et le confirmer dans l'opinion courante du peu d’attrait de l’architecture ?

Simone Gille-Delafon