ICOM, Conseil international des musées Confrontation des architectes et des conservateurs de musées
Sous le titre de « Musées et Architecture », une rencontre internationale d’architectes et de conservateurs de musées a été organisée récemment par l’ICOM (Conseil international des musées). Cette réunion eut lieu en Italie, à Turin, où les séances de travail furent abritées par le Musée municipal d'art moderne achevé de construire l’année dernière, c’est-à-dire que ces séances se tinrent dans le cadre même du musée d’aujourd'hui. Itinérante, la réunion s'est transportée ensuite à Gênes et à Milan où ont été visités les différents musées de ces villes, pour la plupart installés dans des monuments historiques.Tour à tour exposèrent leur point de vue Georges - Henri Rivière, directeur de l’ICOM, organisateur de la rencontre et créateur du fameux Musée des arts et traditions populaires que l’on construit actuellement en bordure du Bois de Boulogne à Paris, lequel sera un nouvel exemple de musée moderne dans le meilleur sens du terme. L'architecte Pierre Vago, secrétaire général de l'UlA (Union internationale des architectes), qui présenta une étude sur « le rôle créateur du conservateur et de l'architecte dans les tâches confiées à chacun d'eux ». Bruno Molajoli, directeur général des Antiquités et Beaux-Arts à Rome, et Franco Albini, professeur à la Faculté d’architecture à Venise, ce dernier spécialiste dans le domaine des musées en Italie qui, riche d'expériences nombreuses, a développé ses idées sur « le monument historique, cadre du musée d'aujourd'hui ». L'architecte américain Philip Johnson, lequel a grandi auprès de Mies Van der Rohe.
L'architecte brésilien Affonso Eduardo Reidy, à qui l’on doit le Musée d'art moderne de Rio. P. I. Liebiediev, directeur de la Galerie Tretiakoff de Moscou, qui présenta avec projections le projet pour la nouvelle galerie de ce musée.
D’autres conservateurs et d'autres architectes encore, et enfin Le Corbusier, qui exposa son point de vue très personnel sur l'architecture de musée.
Il faut reconnaître le haut niveau auquel est parvenue la muséologie de nos jours et l'aide puissante et extrêmement favorable que lui a apportée l'ICOM en répandant à travers le monde les principes qui ont permis aux musées de jouer le rôle éminent qui est le leur dorénavant. Le musée est l'institut complexe — c’est ainsi que l'énonce le directeur de l’ICOM — investi des tâches de conservation et de mise en valeur. Deux partenaires sont en présence : la responsabilité du programme incombe au directeur de l’ouvrage, l’œuvre d'architecture incombe à l'architecte. Pour le bâtiment-musée, il y a le principe de la neutralité auquel doit s'arrêter tout musée, qu'il soit une construction neuve ou installé dans une architecture ancienne. Il y a, d’autre part, le principe de la flexibilité. Mais il n’y a pas de principes définitifs, a-t-on fait observer, pas de règle unique et fixe.
Pierre Vago remarque que les difficultés proviennent généralement de la faiblesse du programme. L'architecte doit être consulté dès le début, dès le choix du terrain.
La conception du programme, celui-ci restant l'élément essentiel, demande à être un dialogue entre les deux acteurs du drame, le conservateur et l'architecte.
L'architecture est régie par des lois d'harmonie, c'est pourquoi la « flexibilité » doit avoir ses limites. Il faut penser à la dignité de l'édifice. L'édifice musée peut être conçu comme un monument, ou bien comme une œuvre totalement effacée pour devenir un contenant fonctionnel.
Semblable remarque est faite pour la présentation du musée, celle-ci peut être présentation de laboratoire ou habile mise en scène.
Le comportement envers les monuments anciens utilisés comme musées a beaucoup évolué, a fait remarquer l’architecte Albini. En Italie, les musées sont visités non seulement pour les œuvres d'art, mais aussi pour les monuments qui les contiennent. Cette utilisation des monuments historiques n’y a pas favorisé les recherches d'architecture moderne pour les musées.
Dans la stratégie de la présentation d'un monument ancien, il n’est pas difficile de considérer le monument comme une enveloppe à conserver. Dans ce cas non seulement les œuvres doivent être exposées, mais le monument lui-même.
Un conservateur de musée scientifique, M. Albert E. Parr, a fait valoir qu’il s’agit surtout d'attirer le public et que l'on pouvait aussi bien employer la coupole géodésique que le musée maison historique.
«Nous avons un sentiment d’infériorité en Amérique en ce qui concerne les musées ; nous avons seulement l'avantage d'avoir le plus grand nombre de visiteurs », a déclaré Philip Johnson qui a construit six petits musées. Comme tous les Américains, cet architecte est pour la lumière artificielle. « L'architecte, a-t-il encore dit, doit garder son attention pour la circulation du public: la meilleure formule est
un espace central d'où l'on dirige le public à qui l'on doit conserver intact le sentiment de l'orientation, le public a constamment besoin de savoir où il se trouve dans le musée. » Le Corbusier, pour sa part, oppose le musée provenant des rois au musée de la connaissance fait de menues choses qui sont sous les yeux de chacun. On trouve dans les choses naturelles la splendeur des formes. La collection à la portée de tous est un moyen de lutter contre la civilisation actuelle qui aligne les hommes dans des tiroirs de commode. A chacun sa collection privée. Le Corbusier croit à la collectivité et non pas à l’individu, cependant l'un ne peut pas se passer de l'autre, le développement de l'individu est capital. Revenant au musée, Le Corbusier a développé à nouveau les principes qu'il a déjà fait valoir: le musée faisant partie de l'outillage contemporain et à croissance illimitée. Il faut pour le construire un poteau, une poutre, une tuile. Le musée ne doit plus être un palais, mais un outil moderne comme son laboratoire électronique de décision scientifique montré à l’Exposition de Bruxelles.
A l’issue de la réunion de l'ICOM, il apparu que les architectes étaient arrivés à la réunion sans prétentions réelles, mais avec la plus claire vision des choses. Plus d'un participant s'est trouvé amené à conclure que les architectes sont facilement plus près des réalités humaines que les conservateurs de musées, ceux-ci parfois systématiques et loin du monde vivant.
Simone Gille-Delafon