Au VIIIe et IXe siècles l’architecture classique de l’Islam crée des formes nouvelles
La mosquée de type omeyyade: une continuité spatiale
La période classique de l’art islamique qui s'étend sur les VIIIe et IXe siècles de notre ère voit se former, sous l'égide des califes omeyyades et abbassides, le langage architectural propre au monde musulman. La mosquée omeyyade est la construction la plus originale de l'Islam. Nous verrons qu'elle représente une notion de continuité spatiale qui, sous certains aspects, se rapproche des tendances les plus modernes en architecture contemporaine. Les mêmes préoccupations s'y retrouvent: volumes qui s'interpénétrent, absence d’hiatus ou de scission entre les espaces interne et externe. A ce seul titre déjà, cet art, trop souvent négligé et considéré comme purement dérivé de ceux des grandes civilisations antérieures, mérite d'être étudié selon une optique qui en renouvelle l'interprétation.
I. FONDEMENTS HISTORIQUES
Pour comprendre sur quelles bases s'édifie l'architecture musulmane, il nous faut rappeler brièvement la fulgurante conquête de l'Islam durant le premier siècle de l'Hégire. En effet, les apports des pays conquis, en ce qui a trait aux techniques constructives,
au vocabulaire formel et à la morphologie de l'art islamique, seront importants, puisqu’en matière d'architecture, l'acquis propre aux Arabes était relativement restreint.
La conquête
A la mort de Mohammed, en 632 (dix ans après l'Hégire), éclatent des combats dus à l’apostasie de certains groupes arabes. Ces luttes sont bientôt résorbées par les guerres de conquête menées à l'extérieur de la péninsule. Ce seront, en premier lieu,
la pénétration en Perse, dès 634, puis la prise de la Palestine et de la Syrie, et enfin la soumission de l'Egypte en 642. Cette campagne-éclair marque alors le pas pendant une dizaine d'années : les Arabes assurent leurs possessions en Perse.
En 654, la marche en avant reprend. Le Hérat et le Séistan (proche de l’actuel Afghanistan) tombent devant les tribus arabes. Puis c'est la chute de Kaboul et de Kandahar. En 660, l'accession au pouvoir des Omeyyades est suivie d'un nouveau temps d'arrêt,
pendant lequel l’islamisation de l'Orient progresse. Dix ans après, les victoires se poursuivent vers le Couchant avec l'entrée en Tunisie et la fondation de Kairouan. La conquête de la Berbérie s'achève en 710, suivie d'un débarquement sur le continent, près de
Gibraltar. Dès 714, la domination arabe s'étend à l'Espagne et des razzias sont poussées en Gaule jusqu'à Narbonne et Carcassonne. Enfin, les Arabes, remontant le Rhône, atteignent la Bourgogne. Mais un raid important, dirigé par le préfet d’Espagne, est arrêté en 732 par Charles Martel dans les environs de Poitiers.
Il y a un siècle exactement qu'est mort le fondateur de l'Islam, et le monde antique, de la frontière de l’Inde aux rivages de l’Atlantique, est aux mains des musulmans. L'Iran, la Syrie, l'Egypte et toute la Méditerranée méridionale leur appartiennent, y
compris la péninsule ibérique. Si l'on veut évaluer la portée de ces conquêtes, il faut se rappeler que l’Afrique du Nord et la Syrie appartenaient à l’Empire byzantin et représentaient les bastions du premier christianisme. De son côté, le monde sassanide, groupant la Mésopotamie et l'Iran, avaient dominé le Moyen-Orient. Ainsi, l'Islam réunissait en un même pouvoir les plus vieux centres de culture de l'humanité ; car les deux grandes puissances qu'étaient Byzance et la Perse s'étaient mutuellement affaiblies lors des luttes que se livrèrent Héraclius et Schahrbaraz, et c'est ce qui explique la rapidité de la réussite arabe.
L'héritage romano-sassanide
L'absence presquetotale de traditions architecturales des Arabes allait motiver un recours important aux techniques des peuples conquis. Cet héritage sur lequel se fonde l'art musulman est double: d'une part, on trouve le patrimoine romano-byzantin ; car l’art chrétien de Syrie et d’Afrique du Nord avait connu une admirable floraison avant la conquête arabe, avec ses basiliques, ses couvents, ses hostelleries, ses décorations de mosaïque, etc.
D’autre part, il faut mentionner le legs iranien, avec ses combinaisons savantes de voûtes et de coupoles qui s'épanouirent dans toute leur gloire à Ctésiphon. Aux techniques du marbre et de la pierre s'ajoutent donc les possibilités illimitées de la brique avec armature de bois. Tous les moyens de construction antiques sont ainsi présents, dès les origines, pour permettre une entrée en scène éclatante de l'art des bâtisseurs musulmans. L'évolution que nous verrons se poursuivre durant les deux siècles classiques ne sera qu'une
marche vers une originalité de plus en plus accentuée, accompagnée d'une volonté de se libérer des exemples antiques. Car c'est de la synthèse nouvelle de ces éléments constitutifs que naîtra une architecture musulmane authentique. Son affirmation se fera au travers de ses besoins: la mosquée, présentant un programme nouveau et des nécessités inédites, permettra l'éclosion d'un espace original.
Lieu de rassemblement de la communauté musulmane
Car la mosquée est le lieu où se tiennent les réunions périodiques de la communauté musulmane. Cet édifice forme l'élément principal de chaque noyau urbain. Mais si, à Médine, la première de toutes les mosquées qui datait du temps du Prophète combinait une salle hypostyle formée de troncs de palmiers et de murs en terre battue, avec une cour à portiques pour permettre aux fidèles de circuler à l'ombre, les constructions qui en dériveront ne reste ront pas seulement l’instrument du culte en commun. Bientôt, elles deviendront une affirmation de la puissance de l’Islam. La mosquée sera donc monumentale et témoignera de la gloire d’Allah. Mais le type même du culte rendu dans un édifice en conditionne le plan : en un certain sens, en architecture, « la fonction crée l'organe », bien que les possibilités offertes à partir d’un programme donné restent en core presque infinies. Il suffit de penser aux formes les plus diverses que revêtira par la suite la mosquée : plan central à coupoles des Turcs, plan à cour entourée de quatre iwans, en Iran et en Egypte fatimide, etc., toutes formes qui n’ont guère de point commun avec la mosquée classique.
Celle-ci se compose des trois éléments fon damentaux que nous avons signalés à Médine : 1° le sanctuaire proprement dit (ou salle de prière), formé d’une salle hypo style rectangulaire, le plus souvent barlongue, 2° la cour centrale, et 3° le portique bordant cette cour sur ses trois côtés opposés à la salle de prière. Tel est l’archétype qui allait connaître un développement fastueux à partir de ces prémices encore frustes. A Médine, les travées du sanctuaire sont transversales; elles s'opposent donc aux nefs basilicales que l'on trouve également dès la période omeyyade.
Termes techniques
Parmi les composantes de la mosquée, il faut mentionner avant tout le mur limitant le fond du sanctuaire: c'est la kibla. Ce mur est toujours perpendiculaire à la direction de la Mecque. Car toutes les mosquées sont orientées sur la pierre noire, la Kaaba,
considérée comme le centre du monde. Au milieu de la kibla, une niche ou mihrab marque l'endroit où se place l'imam pour guider les assistants dans leur prière col lective. A côté du mihrab, à droite, se trouve la chaire ou minbar. Au centre du sanctu
aire, en avantdu mihrab, latribune ou dikka, sur laquelle l’un des fidèles monte pour exécuter les prosternations en même temps que l'imam, afin que chacun puisse accomplir simultanément les rites.
On mentionnera encore la fontaine aux ablutions, la fauwara, qui se situe générale ment au centre de la cour, ainsi que le minaret, haute tour d'où le muezzin lance cinq fois par jour son appel à la prière.
Origines des divers éléments
Lorsque l'on examine les antécédents sur lesquels reposent les divers éléments de la mosquée classique, on doit avouer qu’une grande partie des formes utilisées sont puisées aux sources romano-sassanides. Mais on se gardera de ramener tout à un
simple démarquage. C'est de la combinaison nouvelle réalisée par l'Islam qu'est né un type d'édifice original. Il nous semble pourtant nécessaire de passer rapidement en revue ces quelques sources souvent invoquées par les historiens de l'art musulman.
Nous l'avons dit, la voûte et la coupole proviennent tant de Rome que de la Perse, avec des techniques différentes toutefois, selon les matériaux utilisés : ici la pierre de taille et le blocage, là la brique avec chaînage de bois, permettenttous les types de couvertures. Mais ces méthodes si brillamment exploitées par leurs prédécesseurs, les Arabes les réservent, au début, presque exclusivement à leurs châteaux. Tout au moins, la mosquée n'y trouve-t-elle pas une structure essentielle.
En revanche, l'arc et le portique sur colonnes ou sur piliers y fleurissent d'une manière admirable, tant dans la salle de prière qu’autour de la cour. La couverture reste le plus souvent ce qu’elle était à Médine: une charpente formant terrasse autour de l'édifice.
Quant à la salle hypostyle, il n'est pas impossible que son principe dérive partiellement des fameuses apadânas achéménides ; la conquête de l'Iran rendrait cette thèse vraisemblable, malgré de nombreuses différences entre les palais perses et les mosquées classiques. Mais une construction très inattendue aurait également pu servir de modèle: la citerne à colonnes byzantine, du type de celle que construisit Constantin dans sa capitale. Mais, tout bien considéré, la destination de ces ouvrages utilitaires, le plus souvent souterrains, fait douter d'une influence réelle. De même, il ne semble pas y avoir de rapport étroit entre la mosquée et les salles hypostyles pharaoniques, dont l'espace est trop différent, tant par la conception que par l'échelle.
Bien des auteurs ont insisté sur la parenté entre le mihrab et l'abside des églises coptes ou des synagogues. En fait, un texte des Hadiths (paroles attribuées au Prophète, mais qui ne furent en réalité consignées qu’au IXe siècle) rapporte que le mihrab «faisait ressembler les mosquées aux églises ». On était donc conscient des origines formelles de cet élément. Au reste, cette parenté avec les églises chrétiennes ne devrait pas nous surprendre. On sait que durant les premières décennies de l’Islam des églises ont été converties en mosquées. C'est le cas surtout en Syrie, où Homs et Alep ont connu semblables « réquisitions ». Mais la tolérance musulmane était telle que, dans certains cas, les deux cultes avaientlieu dans le mêmeédiflce.
Quant au minaret, on peut y voir une survivance des premiers clochers — encore bas et trapus — des églises de Syrie des VIe et Vlle siècles. De même, la courà péristyle ressemble à s'y méprendre aux vastes atriums des basiliques. On songe tout naturellement
à Saint-Pierre de Rome ou au Saint-Sépulcre de Jérusalem, tous deux bâtis par Constantin. Mêmes portiques à arcades et même fontaine centrale, elle-même héritée de l’impluvium de la maison impériale...
II. QUELQUES CRÉATIONS-TYPES
Mais toutes ces similitudes —et de fréquents remplois, ainsi que nous le verrons — ne suffisent pas à expliquer la genèse de la mosquée omeyyade. Pour suivre l’évolution de l'architecture musulmane à ses débuts, nous allons passer en revue quelques mosquées célèbres, construites entre l’extrême fin du VIIe et le IXe siècle. Ce processus créatif culmineavec une prodigieuse réussite: Ibn Touloun, au Caire, qui marque aussi la complète libération des influences antérieures.
1. Le Dôme du Rocher à Jérusalem
La première grande mosquée de l'Islam date de la fin du VIIe siècle. Elle constitue préci sément une exception flagrante à tous les principes constructifs évoqués ci-dessus: en effet, le Dôme du Rocher (Qubbet as-Sakhra, dite mosquée d’Omar), édifié sur l'esplanade du Temple de Jérusalem, et destiné à recouvrir le rocher saint de l'Ascension de Mohammed, devait permettre le rite circumambulatoire. D'où l'obligation de répondre à un programme différent de celui d’une mosquée classique. Il s'agit en quel que sorte d'un reliquaire.
Edifié en 691 par Abd al-Malik, le Dôme du Rocher adopte un plan octogonal qui s'apparente à celui de Saint-Etienne-le-Rond (Ve siècle). Mais il est voûté en bois au lieu d'être couvert d’une charpente plate ou d’une coupole de pierre. En réalité, ce dôme de bois ne devait pas être une innovation : des exemples de telles couvertures existaient dans l'architecture chrétienne. On citera en particulier Bosra, et surtout Saint Siméon-ie-Stylite, en Syrie (qui date des environs de l'an 500) dont les quatre nefs cruciformes se rejoignent en un vaste octogone. C'est dans cette immense basilique de cent mètres de long qu’était conservée la colonne sur laquelle l'ascète avait vécu. Il s'agit donc d’un reliquaire également. Creswell comme Lassus s'accordent à admettre que cet octogone était surmonté d'une coupole de bois, la résistance des arcs inférieurs étant nettement insuffisante pour supporter une coupole de pierre. Tout comme à Jérusalem, cette coupole devait reposer sur 16 petites fenêtres intermédiaires. Quant au Dôme du Rocher, on rappellera que sa décoration de mosaïques relève d'une technique rigoureusement byzantine, même s'il faut par endroits noter une influence ornementale sassanide. Il est même vrai semblable que des architectes et des mosaïstes d’origine chrétienne soient les auteurs de cet édifice et de son décor.
2. La Grande Mosquée de Damas
Avec l'admirable réalisation qu'est la mos quée de Damas (elle passa longtemps pour la huitième merveille du monde!), on s'achemine vers le type de plan classique. A Damas déjà, les proportions sont monumentales, tant pour la vaste salle barlongue que pour la cour à portiques qui la précède. Edifiée en 706 par Walid Ier sur l’enceinte du téménos où s’élevèrent tout d'abord un grand temple romain, puis une basilique chrétienne consacrée à saint Jean-Baptiste, cette mosquée est décorée, comme le Dôme du Rocher, de mosaïques traitées dans la plus pure tradition romaine. On y trouve — bien que passablement détériorés par les siècles — des paysages « réalistes » de maisons et de colonnades avec des arbres entourés d’eaux vives, des palaisaquatiques et des rinceaux floraux, bref, tout un vocabulaire décoratif qui remonte directement à Byzance, aux mosaïques de Piazza Armerina et aux fresques des demeures patriciennes de Pompéï. Au reste, la présence de mosaïques figuratives — qui sont l'œuvre d’artistes chrétiens — démontre que l'anathème de la tradition islamique n'avait pas encore marqué les modes d'expression plastique au temps des Omeyyades. line faut pas oublier, à ce propos, que nulle part le Coran ne contient de préceptes hostiles aux images, si ce n’est à la représentation divine. En réalité, l’interdit ne paraît que dans les Hadiths : il est le fruit de traditions postérieures, puisqu'on ne trouve aucune aversion de principe à l'endroit de l’art pictural figuratif avant le IXe siècle. C’est pourquoi les califes ne se firent pas faute, aux origines, d 'assumer l'héritage romano-byzantin jusque dans ses œuvres les plus typiques. Cet aspect souvent méconnu est remarquablement mis en lumière dans le très bel ouvrage que Richard Ettinghausen consacre à « La Peinture arabe ». Mais c'est l'origine de la salle de prière de la mosquée de Damas que les savants n'ont pas encore déterminée : en effet, cette construction présente toutes les caractéristiques de l'espace basilical chrétien. On a l’impres sion, du fond de la grande travée transver sale, d’être en présence de deux églises accollées chevet contre chevet. Avec ses136 m., et ses 40 colonnes purement corinthiennes, cette salle, divisée au centre par deux arcs dont chacun évoque irrésistible ment l'arc triomphal des basiliques, a fait naître plus d’une hypothèse. Des spécialistes tels que Dussaud et Watzinger ont
estimé qu’il s'agissait de l'église Saint Jean-Baptiste purement et simplement réutilisée par les musulmans, après que l'orientation en ait été modifiée, c'est-à-dire que le transept devenait la nef et vice versa. Cette transformation serait à l'origine du plan barlong...
Une telle thèse est accréditée tant par les traditions rapportant que Walid Ier avait autorisé les chrétiens à célébrer leur culte dans l'enceinte même du téménos, que par la présence dans la mosquée du reliquaire monumental contenant le chef de Saint Jean-Baptiste. En réalité, et Creswell l'a bien montré, cette théorie se heurte à une série d'impossibilités : il aurait été inconce vable que l’église Saint Jean-Baptiste soit accollée à l'enceinte sud du téménos, alors qu'il y avait largement place pour la construire dans l’axe de l'entrée ; de plus, aucun plan identique, avec transept central, n'a existé à cette époque ; enfin, on voit mal une basilique chrétienne avec entrée latérale... Tout cela oblige Creswell, qui s'appuie sur plusieurs textes arabes fort anciens, à admettre que Walid Ier est réellement le
constructeur d'un édifice totalement neuf, bâti après que la basilique chrétienne eût été rasée aux fondations. Quant à nous, il nous semble que l'une et l'autre théories sonttroptranchées. Lorsque l’on connaît la prédilection des Arabes, aux premiers siècles, pour l'emploi de matériaux romains (Cordoue comprend 850 colonnes presque toutes antiques!), on peut admettre une autre solution qui s ’accor derait à la fois avec les textes et avec l'intuition d’archéologues chevronnés. Il n'est pas impossible que les colonnes et le système d'arcades avec le triforium proviennent de la basilique Saint Jean-Baptiste, construite sous Théodose à la fin du IVe siècle. Ces éléments auraient été effectivement démolis, mais avec le plus grand soin. Démontés, ils auraient été réutilisés selon un nouveau schéma. Ainsi s'expliquerait que les lignes essentielles de l'espace intérieur se soient conservées. Au cours de cette opération et par suite de l'agrandisse ment de l’édifice, il n'est pas exclu que Walid Ier ait dû compléter le jeu des fûts. De même que des mosaïstes byzantins
œuvraient à la décoration, des carriers et des sculpteurs de tradition romaine ont très bien pu façonner une série de colonnes et d'arcs supplémentaires. Cela permettrait d'expliquer à la fois l’homogénéité entre les anciens et les nouveaux éléments utilisés,
et les sommes énormes que Walid let déclare avoir investies dans la construction de cette mosquée. Si nous nous sommes quelque peu étendus sur cette discussion archéologique, c ’est que la nature de l’espace de Damas va jouer un rôle important dans l'avenir de l'architecture islamique, sans pourtant qu’on y discerne un véritable prototype. Notons en terminant qu'à la croisée entre les travées et la nef axiale surélevée, une petite coupole en bois rappelle la technique utilisée au Dôme du Rocher. Quant à la cour, qui ne mesure pas moins de 1500 mètres carrés, elle est déjà en contact, sur toute la largeur de la salle de prière, avec l'espace interne, par une.série d’arcades semblables à celles des portiques. Or, ce sera là l'une des caractéristiques majeures de la mosquée classique.
3. La mosquée d'Amr à Fostat
La vénérable construction qui porte le nom du conquérant de l’Egypte, Amr’lbn el-Aass, aurait été édifiée en 642 à Fostat, dans le Vieux-Caire, par le général vainqueur lui-même. Démolie et rebâtie en 698, rebâtie à nouveau en 711, agrandie en 750 par Askar,
puis en 791, elle atteint enfin ses dimensions actuelles en 827. Ce dernier stade est l’œu vre d'Abd Allah ibn Tahir. Cette gestation mouvementée marque certainement les tâtonnements des premiers constructeurs pour fixer le type classique de la mosquée.
C'est en effet à Amr que l'on trouve le prototype dont dériveront des dizaines d’édifices islamiques. Ces avatars s'expliquent lorsque l'on sait comment est bâtie la mosquée d’Amr: il s ’agit d’une sorte de jeu de construction fait de colonnes antiques réemployées, reliées entre elles par des arcades longitudinales perpendiculaires à la kibla. Ces arcades forment une vingtaine de nefs juxtaposées et parfaitement identiques.
Tout le sanctuaire est recouvert de charpente. Pour maintenir les arcs, des tirants de bois relient les impostes entre elles. Cette vaste salle hypostyle qui comprend près de 150 colonnes, précédée d'une cour barlongue elle aussi, forme un ensemble mesurant 120 m. x 110. Ainsi que nous l'avons déjà dit, l'influence exercée par ce type de construction, avec ses colonnes antiques réemployées, sera très grande. On en retrouve la marque, en particulier, dans deux édifices prestigieux : Cordoue et Kairouan.
4. La Grande Mosquée de Cordoue
La mosquée la plus célèbre en Occident est certainement celle de Cordoue. Sa renom mée n’est du reste nullement usurpée: il s'agit d'un chef-d'œuvre incomparable qui clame la grandeur de la dynastie omeyyade d’Espagne. Créée par les califes qui descendent du seul survivant de la grande famille des Omeyyades de Damas, exterminés en 750, cette mosquée fut commencée en 785, puis agrandie en 833 et 961, pour devenir en 987 la troisième du monde par la grandeur, se situant directement après les deux mos
quées de Samarra et d'Abou Dolaf. Elle mesure en effet 178 m.x125. La tradition omeyyade est évidente dans cette construction tout imprégnée d'influences syriennes. On n’y compte pas moins de 850 colonnes, pour la plupart antiques, qui furent drainées dans toute l'Espagne et jusque dans le sud de la France. L’édifice est formé de 19 nefs perpendiculaires à la kibla. L'innovation réside dans les arcs superposés du sanctuaire, qui sont peut-être imités de certains aqueducs romains (Mérida) ; ainsi les architectes ont obtenu
un espace plus élevé, tout en utilisant des colonnes relativement petites, puisqu'elles mesurent moins de 4 mètres. Ce monument qui est l'œuvre d'une intelligente collaboration entre chrétiens et musulmans (le calife était en rapports suivis avec l’empereur de Byzance à qui il avait demandé des mosaïstes pour décorer le mihrab et la coupole qui le domine) fut heureusement préservé en grande partie lors de la reconquête, mais au prix d'une verrue qui le défigura : une église fut édifiée au XVIe siècle, par l'architecte Flernando Ruiz, enplein cœur de la salle de prière...
5. La Grande Mosquée de Kairouan
La ville de Kairouan qui deviendra la capitale de la province d'Ifrikia est fondée dès la conquête en 670-675. Mais ia mosquée, quant à elle, ne date que du IXe siècle. Elle est du type omeyyade classique, et, par bien des aspects, s'apparente à celle d’Amr, au Caire. On y trouve le même usage de colonnes antiques, et le même système de nefs perpendiculaires à la kibla. Les arcades sont réunies entre elles par des tirants de bois. Comme à Amr, aussi, l'abaque est surmonté d'un sommier, puis d'une imposte maçonnée et couronnée d'une corniche. Une amélioration toutefois qui confère une plus grande rigidité à l'ensemble: trois arcades transversales, parallèles à la kibla, maintiennent les nefs. D'autre part, en avant du sanctuaire proprement dit, une sorte de narthex opère la liaison entre la salle de
prière et la cour. Ce narthex daterait, selon Marçais, de 875, alors que l’ensemble de l'édifice remonte à 862. La mosquée, qui mesure 135 m.x80, com prend 17 nefs. La nef médiane, plus large, est bordée de colonnes jumelles. A la croi sée avec le transept situé en bordure de la kibla, une coupole sur trompes surmonte le mihrab. Cette mosquée compte parmi les belles réussites de l’art islamique, et l'ingénieuse transition qu'elle offre entre le sanctuaire et la cour, par son narthex à deux travées, est un exemple intéressant de progression de l'espace extérieur vers l'intérieur. Mais nous venons de parler de la fondation de la ville de Kairouan, capitale des Aghlabides. A ce propos, nous mentionnerons en passant que les Arabes, loin d'être « un peuple auquel on ne doit que le mouton et
le désert », selon une formule aussi lapidaire que stupide, ont largement contribué à rendre, après l'invasion des Vandales, leur ancienne prospérité aux terres de l’Afrique du Nord. Les travaux d’hydraulique qu’ils ont entrepris en Ifrikia sont remarquables. Ainsi, deux réservoirs immenses, créés à l’époque aghlabide fonctionnent encore de nos jours... (De même,l’une des premières préoccupations des Musulmans n’a-t-elle pas été de ressusciter l’œuvre des pharaons en construisant au Caire le Nilomètre de Roda?)
6. Samarra et Abou Dolaf
Si nous évoquons, avant d'en arriver à la réalisation d'Ibn Touloun, les deux gigantesques mosquées de Samarra et Abou Dolaf, c'est parce que leur influence sur le chef-d'œuvre de Fostat est indéniable. La grande mosquée de Samarra, construite en 847, et celle d’Abou Dolaf, en 859, sont des exemples typiques de l'épanouissement que l'Irak a su donner à l'art islamique. Malheureusement, l'une et l'autre sont très ruinées. Il ne reste de la première que la muraille d’enceinte qui ne mesure pas moins de 240 m.x156 (c'est la plus vaste mosquée du monde !), et de la seconde que quelques travées. Ces grands édifices, abandonnés dans l’ancienne capitale en ruine qui avait été fondée en 772 sur les rives de l'Euphrate, sont entièrement construits en brique. Leurs proportions gigantesques font
une part de leur intérêt. Mais on y trouve en outre un exemple d'architecture musulmane enfin libérée des influences antérieures et s'exprimant dans toute sa plénitude. Tant la décoration stuquée que |e rythme des espaces témoignent de la puissance des
créateurs iraquiens. On notera surtout, à Samarra, l'étrange minaret à rampe hélicoïdale qui s'apparente à la zigurat de Bel à Babylone, et s ’élève à 50 m de haut. Les 24 nefs profondes de 9 travées totalisent, avec les portiques, 464 piliers. Mais rien de peut mieux nous donner une idée de ces deux prodigieuses créations, presque méconnaissables aujourd'hui, que la splendide mosquée d'Ibn Touloun, au Vieux-Caire, heureusement préservée de la destruction et remarquablement restaurée.
7. Mosquée d’Ibn Touloun à Fostat
Ahmed Ibn Touloun est né à Samarra. Cela à soi seul permet de comprendre les rapports que nous signalions entre son œuvre et les grandes mosquées de sa ville natale. Nommé gouverneur de l'Egypte, il décide la construction d'un nouveau sanctuaire dans le Vieux-Caire, le peuple se plaignant de n'avoir pas assez de place à Amr. Les travaux commencent en 876. D’emblée le gouverneur décide de rompre avec la tradition d’Amr, longtemps agissante en Islam. S'inspirant de Samarra, il décide d'édifier au Caire une mosquée ne
comportant aucune colonne, hormis les deux qui flanquent le mihrab. Il recourt donc aux piliers. La structure de cette mosquée se fonde sur un système d'arcs brisés (légèrement outrepassés), soutenus par des piliers cantonnés de colonnettes.
Tout l'édifice est en brique, comme en Irak. Le sanctuaire proprement dit comprend 80 supports, alors que les portiques en tota lisent eux aussi 80, soit en tout 160. Le vaste quadrilatère, avec sa double enceinte, me sure 162 m. de côté. La mosquée elle-même
forme un rectangle de 140 m. x 116. Le plan de la salle est nettement barlong ; ce caractère est encore accentué par une division en cinq travées transversales, où toutes les ogives sont identiques. Les arcs de 5,80 m. de haut dessinent également un rythme
immuable autour de la cour. Ainsi, l'usage de la brique et le refus de la colonne traduisent non seulement d'adoption de la tradition iraquienne, mais la volonté de récuser l'acquis romano-byzantin, si souvent présent auparavant dans l'art musulman. Cette libération d’habitudes contractées avec les remplois marque l'accession à une authenticité totale. De plus, on prête une grande attention à l'ornementation, elle-même inspirée d'Abou Dolaf et de Samarra. Les bandeaux sculptés dans le stuc et les fenêtres ajourées sont
typiques à cet égard. Le décor, toujours soumis à la ligne architecturale, se fond dans le mur et fait corps avec le bâtiment. Ses motifs continus forment cadre. Une frise de rosaces couronne les murs et joue en contrepoint avec les petites ouvertures
en ogive alternant entre les arcs. Tout le décor floral dérive de l'acanthe antique, mais traitée selon une stylisation nouvelle. La fontaine originale avait brûlé en 986 ; elle fut reconstruite en style mamlouk en 1296. A la même occasion fut achevé le minaret de
pierre à base carrée, muni d’une rampe partiellement hélicoïdale, à l'imitation de Samarra. Construite en matériau relativement peu résistant, cette mosquée, très ruinée, fut longtemps utilisée comme logis ou madrassa. La première arcade de la salle de prière
s'était écroulée en 1877. Des restaurations menées avec intelligence furent entreprises depuis 1929. Ainsi l’exceptionnel chef-d’œuvre toulounide a retrouvé aujourd ’hui toute sa splendeur. Il représente incontestablement l'un des joyaux de l'art islamique.
III. ANALYSE DES ESPACES
Si nous avons procédé à cette rapide description de quelques mosquées particulièrement significatives durant les deux siècles d'architecture classique du monde arabe, ce n'est pas à seule fin d'énumérer des réa lisations remarquables. Nous avons voulu
rappeler des faits trop souvent méconnus. Mais il nous faut maintenant en tirer la leçon, rechercher les constantes de cet art dont on ne mesure pas suffisamment l'originalité. Car si l'examen des sources nous a appris bien des choses sur l'héritage dont les
Arabes ont usé pour élaborer leur architecture, il ne nous permet pas d'expliquer le caractère essentiel de cette création sans précédent qu'est la mosquée de type omeyyade. En effet, les remplois romano-byzantins que l'on trouve à Amr, à Kairouan ou à Cordoue
ont été utilisés dans un esprit totalement différent de leur destination première. Jamais Byzance ni Rome n'avaient prévu que les colonnes des villas à atriums joueraient le rôle que l'Islam leur a conféré. Travées en largeur ou en longueur Avant même d’aborder l'originalité des solutions apportées par les constructeurs musulmans, nous rappellerons que l'on distingue deux types de mosquées classiques : celles dont les travées sont disposées en largeur (sur le prototype de Médine), telles Damas et Ibn Touloun ; et celles qui
comportent une série de nefs perpendiculaires à la kibla, comme Amr, Kairouan, Cordoue, Abou Dolaf, etc. A travers chacune de ces deux solutions s'exprime une conception qui, malgré l'unité que l’on perçoit entre ces espaces internes similaires, diffère pourtant par l'impression qu’elle produit sur le spectateur. Ainsi, lorsque les divisions formées par les arcades sont disposées en largeur dans le sanctuaire, on obtient des volumes amples, souvent grandioses et relativement bien délimités les uns par rapport aux autres. Chaque travée est perçue comme un tout, et s'étend sur la plus grande largeur possible, puisque la salle omeyyade est le plus souvent barlongue. L'effet de grandeur est donc nettement accusé. De plus, la lumière se transforme en diminuant par à-coups successifs, et l'espace s ’épanouit perpendiculairement à l'axe de pénétration et à l’orientation sur la Mecque. En revanche, dans les mosquées à plusieurs nefs règne une lumière plus tamisée, qui conduit insensiblement de la clarté à l’obscurité. Il se dégage de cette forêt de colonnes
souvent frêles et fines une impression d’espace touffu, complexe, mais léger. C’est un dédale qui fait songer à la palmeraie. Les volumes sont fractionnés, fragmentés, et ce fourmillement de fûts, cet espace polydirectionnel et rayonnant se caractérisent par la subtilité de divisions qui ne semblent jamais rigides. Mais ici comme là, la vue pénètre avec aisance selon un nombre illimité de voies que peut également adopter la circulation des êtres. Cette liberté totale qui émane de la salle hypostyle islamique exprime une
constante de l'âme nomade. Il y a là une recherche spatiale très particulière, axée sur l'impression d'infini: dans la salle de prière de type classique, le spectateur ne discerne guère les limites dans l'enchevêtrement des fûts ou des piliers. Cet aspect propre
à l’architecture musulmane reflète bien le tempérament arabe. Pour le nomade, le lieu n'est jamais un élément fixe : il est fluctuant. Or la mosquée exalte au plus haut point ce espace dynamique.
Absence de façade
Dans cette architecture, (comme dans celle de Byzance, mais selon des solutions diamétralement opposées), to ut l'effort est donc porté sur l'espace interne. La façade joue un rôle négligeable. Elle n'a aucun caractère monumental et se borne à accentuer
l'horizontale. Au reste, c'est sur la cour que s'élève la façade principale ; elle est percée à jour et se résorbe en un système d'arcades. Ainsi la multitude des ouvertures empêche de la distinguer du portique. Quant aux façades externes de l'édifice, elles se com-
posent de murs souvent nus ; c'est l'enceinte sacrée, le téménos adopté par l'Islam.
Continuité spatiale
Avec ce type d’édifices, la façade sur cour cesse donc de former une délimitation nette entre l’intérieur et l'extérieur. Toutes les salles hypostyles classiques sont caractérisées par une notion de continuité: la transition se fait progressivement entre l'espace interne et la cour. La circulation s'établit sans peine de l’un à l'autre. Certes, cet aspect relève d'impératifs climatiques. Mais il est également possible d'y reconnaître le besoin d’infini propre à un peuple sorti du désert. Pour éviter des limites par trop rigoureuses entre le porti
que, la cour et la salle de prière, l'architecture classique de l'Islam met en harmonie, en rapport de consonnance, l'espace interne et externe par l'abolition de toute solution de continuité. A la limite indistincte entre l'espace ouvert et l'espace couvert, on a
affaire à une compénétration des volumes, à une confusion volontaire entre des concepts jadis antithétiques. Cette formule s ’oppose autant à l'Iran qu'à Byzance: elle aboutit à créer un espace inédit. Seule Rome, avec ses atriums, avait ménagé une
continuité quelque peu similaire, mais sans en tirer un parti aussi remarquable. Si l’on peut parler de continuité, d'absence de rupture dans la mosquée classique, il ne s'ensuit pas nécessairement que cette notion, pourtant proche de certaines ten
dances de l'architecture contemporaine, leur soit équivalente. Ainsi, on n'évoquera pas la continuité avec le paysage, telle qu'on a trouve chez un Wright ou un Neutra.
En revanche, on peut établir un rapport plus étroit avec certaines recherches de ces deux chefs de file et de Le Corbusier (villa Savoye), lorsque l’on envisage l'abolition de toute limite rigide à l'intérieur d'un espace construit. Car, si, dans la mosquée,
on passe presque sans s ’en apercevoir de la cour aux portiques et à la salle hypostyle, de même, dans l’architecture moderne, on met en liaison les espaces grâce au plan libre. Cette fusion réalisée pour la première fois par l'Islam est fondamentalement révolutionnaire. C'est cela, avant tout, qui per met de considérer la mosquée de type omeyyade comme une création réellement originale.
L’horizontalité
Mais la salle de prière se distingue également par son horizontalité. La proportion hauteur-largeur s'établit entre '/t et 1 /6, ce qui équivaut à un volume très bas par rapport à sa surface. Peut-être faut-il voir dans cette constante une illustration de l'aspect réso
lument terrestre de la religion musulmane. Il y a une humilité dans cette absence voulue d’envolée, mais aussi une adhésion totale au monde d'ici-bas. Seul le minaret, verticale qui n'en souligne que mieux le parallélisme de la mosquée avec l'horizon, dresse son appel. L'édifice entier, comme le fidèle qui s'efface dans la prosternation et l'adoration, reste en contact étroit avec le sol. Cette salle de prière qui refuse l'élévation se distingue aussi par sa forme barlongue: elle présente un front plus large que profond,
à l'inverse des églises chrétiennes. N'est-ce pas la marque d’un peuple dont les conceptions spatiales diffèrent des nôtres? Car lorsqu’ils marchent en groupe, les Arabes, nomades des déserts, progressent souvent comme dans les fantasias, sur un large front.
Ce sont les habitudes d'hommes qui ne recourent pas aux routes, mais déployent leurs rangs sur des étendues illimitées. Le désert a donc influé sur la conception même de l’architecture: la façade principale de la mosquée comprend une série d’entrées permettant d'accéder au sanctuaire sur toute sa largeur.
Evolution ultérieure
On peut affirmer, pour conclure, qu'une création comme Ibn Touloun, au Caire, est le témoignage d’un haut moment de civilisation. Cette mosquée ne peut se ramener à aucune réalisation antérieure à l’Islam. Par son harmonie recueillie, sa grandeur
équilibrée, ses proportions immenses, bien que n’y paraissant pas, et la subtilité de son ornementation parfaitement intégrée, cet édifice marque l'un des sommets de l'art des bâtisseurs. L'Islam a réussi à exprimer ici l'essentiel de sa culture. Ibn Touloun:
une œuvre qui porte la marque d'un classicisme authentique... Mais l'évolution qui aura lieu après cette période, avec les constructions de la fin des Fatimides, des Mamlouks et des Seld-joukides, bouleversera cette conception de l'espace. Dorénavant, les salles hypostyles cèdent le pas aux salles voûtées, avec iwans et coupoles. Ces éléments, utilisés dès les premiers siècles de l'Hégire dans les châteaux orientaux, sont alors appliquésaux mosquées. Ils trahissent l’origine iranienne du nouveau courant. Le sanctuaire se refer
me sur lui-même. L'angle d'ouverture sur le ciel s'amenuise, puis disparaît entièrement avec les plans centraux des Turcs, imités de Byzance. Il semble bien que l'on ait affaire à une évolution parallèle à la sédentarisation totale des tribus arabes. Les conceptions spatiales de l’Islam, d'abord très libres, se mettent progressivement au diapason des peuples de vieille culture citadine. Mais pendant deux siècles — les VIIIe et IXe — l'architecture n'en aura pas moins connu une aventure sans exemple, dont nous sommes aujourd ’hui plus à même que jamais d’apprécier l'originalité et la souveraine beauté.
Henri Stierlin