Lettre de France

L’étude d'un programme architectural en France constitue pour son auteur une réelle épreuve de puissance et de patience, tant les obstacles à surmonter sont variés et en nombre, semble-t-il, très supérieur à ceux que rencontrent dans la plupart des autres pays européens les architectes ou les

De même, certains projets architecturaux se trouvent amputés, modifiés ou défigurés

citer l'option «Paris-Parallèle» présentée par le Comité de l'Architecture d’Aujour-

(étages supprimés, caractère architectural atténué, etc.) à la suite de campagnes de presse à caractère essentiellement démagogique.

d’hui, qui rejoint des solutions similaires

urbanistes.

Cette lente conquête se situe sur plusieurs

Clientèle

plans :

Les règlements Les règlements urbains sont établis par des fonctionnaires, c'est-à-dire pardes cerveaux qui appartiennent à un « service » déterminé et qui, chacun, pensent uniquement en fonction de la technicité limitée dont ils sont responsables : hygiène publique, voirie, ensoleillement, prospect, gabarit, densité, alignement, assainissement, infrastructure, etc.

Il en résulte des règlements juxtaposés et internes qui, par voie de conséquence, conditionnent et déterminent des formes et volumes (enveloppes ou coquilles architecturales), d'où sont exclues toute intervention

La clientèle française n'a hélas aucun jugement qualitatif et ne possède pas de critère d'appréciation de l'art moderne. Elle n’est pas à même de saisir ou de «sentir» la différence entre une œuvre architecturale (exemple: le Palais de l’Unesco à Paris) et une construction de même époque (exemple : la Faculté des Sciences à Paris), « moderne» et «contemporain» ne se distinguant pas dans l'esprit de l'utilisateur.

De plus, soit que cet utilisateur se confine dans le confort intérieur « bourgeois » qui lui est habituel et dont il possède de naissance les éléments mobiliers, soit qu'au contraire il aspire à se situer à ce niveau d'ostentation sociale, en tout état de cause il réclame des constructeurs une architeccréatrice et toute émotion artistique.

De plus, il est évidentqu’une réglementation, aussi pensée soit-elle, n'est valable que sur un sol libre, dégagé de toute servitude, mais qu’en revanche elle fabrique des monstres

ture essentiellement «traditionnelle», seul cadre susceptible à ses yeux de favoriser l'épanouissement de son «goût» (pierre

sur des parcelles réduites ou des terrains limités et grevés de servitudes.

Cependant, de nombreux architectes français, malgré ces conditions défavorables,

Les lenteurs et retards administratifs L'instruction d’un dossier nécessite, avant la délivrance d'un agrément, plusieurs mois, voire plusieurs années, de circulations chaotiques à travers les services intéressés, sans insister sur les multiples tracasseries administratives : limitation des jours et heures de réception des services, disparition des dossiers, insuffisance et déficience du personnel, retard dans la délivrance effective des pièces ou documents légalement accordés.

Enfin, l'examen d'un dossier par l'Administration semble toujours effectué avec la recherche intentionnelle de cause possible de rejet et non avec le souci d’une délivrance d'autorisation, l'architecte étant, a priori, présumé coupable.

De ce fait, ce « système » ouvre la voie à une architecture et un urbanisme conservateurs et routiniers qui, n'apportant ni novation ni inquiétude, et ne réclamant surtout aucun engagement de responsabilité de la part des services consultés, obtient aisément les agréments sollicités.

Politique L'affectation des terrains à certains programmes importants est fréquemment déterminée par des contingences strictement politiques, sans aucune liaison avec un plan d’aménagement ou d’équipement général.

de taille, baies séparées, pans de murs, ferronnerie, corniches, etc.).

restent conscients de la nécessité impérative d'une architecture de recherche, et de nombreuses et vivantes manifestations en sont le témoignage : ainsi le Congrès international

préconisées pour d’autres capitales, telles que Tokyo.

Il apparaît donc que la France est prête à prendre en considération le principe d’un aménagement général du territoire qui devrait relever d’un ministère au plan de modélation du sol national.

Les équipes de recherches responsables de cette œuvre générale devraient avoir à leur tête non pas des techniciens mais des architectes «techniciens des idées générales» conscients, afin que l'urbanisme poursuive son évolution, en passant de l'abstraction planifiée à une concrétisation architecturale.

Mais tous ces cerveaux qui seront appelés à porter la responsabilité de telles missions devraient savoir perdre la notion de l'érudition toute-puissante (fruit d'un enseignement d’informations et non de formation) pour se dépasser, pour «douter» et parvenir ainsi à un esprit de synthèse où la prospective aura une part prépondérante.

Si la France est sans doute en avance pour entreprendre et mener ces recherches globales, il est cependant indispensable que la notion d'art, de plastique et d'esthétique trop souvent absente ou ignorée devienne le souci dominant des créateurs, se souvenant que «l'art règle les hommes, lui montrant par la Loi architecturale sa propre forme, plus belle que lui, plus sage que lui ».

Lionel Mirabaud

d’urbanisme qui s'est tenu en septembre 1962 au Palais de l’Unesco et qui est complété au Musée d'Art Moderne d’une exposition d'architecture, où les critiques objectives sont vigoureusement et courageusement exprimées. Le prochain Salon d’Automne qui abritera une grande manifestation architecturale placée sous l'autorité de l'architecte Raymond Lopez.

La France qui fut à l’origine du système d'urbanisme du «grand ensemble» a reconnu l'erreur de conception initiale dès l'achèvement des premières et importantes réalisations.

Il faut attribuer cet échec grave au caractère inhumain de ces groupements et à diverses raisons d'ordre social. Aussi, en réaction, plusieurs équipes d’architectes étudient actuellement de nouvelles solutions telles que les zones à urbaniser en priorité: ZUP de Toulouse, ZUP d'Hérouville, etc. et les recherches s'orientent vers des régions de plus vaste étendue, telles que le Languedoc et l'axe Rhône-Rhin.

Enfin, il est indispensable de souligner l'intérêt que suscitent les différentes solutions proposées pour résoudre le problème dramatique de Paris et il faut principalement

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