La chronique de l’ASPAN Association suisse pour l'aménagement national
Le 11 octobre 1902 était votée la loi fédérale concernant les régions boisées. Elle répartit la forêt, qui représente un quart environ de notre territoire, en zones de protection et de non-protection. «Les zones de protection sont celles qui se situent à l'arrivée d'eaux sauvages de même que celles qui, par leur emplacement, offrent une défense contre les influences nuisibles du climat, les avalanches, les chutes de pierres et de glace, les glissements de terre.» Toutes les autres forêts appartiennent à la zone de nonprotection. Au début du siècle, leur rôle était apparemment de livrer de précieuses essences. Cette fonction économique avait beau occuper le premier rang, la loi valait et vaut encore: la surface totale boisée de la Suisse ne doit pas diminuer. Les faits, dans ce domaine, sont en contradiction avec la loi...
Contre les dangers naturels, la forêt ne protège en réalité qu'un nombre restreint de régions fortement peuplées. Au début du siècle, la nécessité de leur protection par le boisement était nulle. La Suisse comptait en 19003,3 millions d'habitants dontl million à peine se groupait dans les 21 villes que comptait notre pays. Les chiffres, en 60 ans, ont bien changé. Le 1er décembre 1960, plus de 2,3 des 5,4 millions d’habitants de la Suisse étaient répartis dans 65 villes. Nombreuses sont-elles à être entourées d’une banlieue où l’existence correspond pratiquement à l'existence citadine. Cet accroissement de la population — qui atteindra un plafond estimé à 10 millions (avec 6 millions d’habitants dans les villes et 2 millions dans les banlieues) — exige en attendant la solution rationnelle, par une planification judicieuse de la ville et de la région, à des problèmes se présentant toujours plus nombreux. Le bruit, la pollution de l'air, la consommation en eau sont en constante augmentation.
La triple planification locale, régionale, nationale vise à une utilisation du sol susceptible de nous assurer et d'assurer aux générations à venir un espace décent où vivre, travailler, se nourrir et se récréer.
Dans les régions à population dense, ce but ne peut être atteint que si la forêt, merveilleux agent de lutte contre la pollution et contre le bruit, est conservée à proximité des grands centres. La forêt sert encore de réservoir naturel. De plus, parce qu'elle appartient à la physionomie d'un pays, elle a pris pour le citadin une importance égale à celle que lui a valu, en montagne, son rôle efficace de protection. Pris dans ce sens, il n'y a plus de différences entre zones de protection et de non-protection. Si les cantons le veulent, le 17% de la surface
boisée peut passer de la deuxième catégorie dans la première, prévenant ainsi d'éventuelles interprétations de la loi.
Il est donc essentiel que les autorités compétentes n'autorisent pas le déboisement dans des buts privés et ne consentent des exceptions que dans les rares cas où, à proximité immédiate d'un sol déboisé, s’offre la possibilité de reboiser de manière à répondre avec une efficacité au moins égale aux justes prétentions de l'homme sur la forêt. Il est en outre recommandé aux cantons et aux communes de prescrire dans leurs arrêtés des distances de construction assez éloignées de la forêt. Il est également désirable que les autorités examinent avec l'attention la plus stricte les demandes de déboisage pour l'installation d'entreprises publiques. S'il n'existe aucune autre possibilité d'exploitation rentable — pensons, par exemple, à la construction en forêt de tronçons de notre réseau routier — il est évident que l'on ne saurait se refuser à l’essartage indispensable. Si les circonstances l’exigent, on s'efforcera de prévoir à proximité une compensation.
Protéger la forêt, c'est bien comprendre l'intérêt général.
La forêt est la source irremplaçable de la prospérité de notre peuple.
Dr. R. Stüdeli
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