L’urbanisme dans la deuxième révolution industrielle
Mot d’ordre : Urbanisme — fonction de la prise de conscience humaine Stichworte zum Städtebau als Funktion menschlicher Bewusstwerdung
Städtebau in der zweiten industriellen Revolution
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Urbanism in the second industrial revolution
Urbanism, the expression of human conscience
— L’autonomie de l'homme, de la femme, de l’enfant dans le cercle de famille.
— L’intensification du travail et la diminution des heures de travail; l'augmentation des loisirs. Soit, en réalité: plus de temps pour la participation de i'individu à la création de son univers personnel, auquel il est actuellement fortement étranger.
La crise de notre urbanisme, c’est: — L’absence de participation de la masse au processus de la formation de son propre univers.
Le résultat : La ville monotone ne donnant plus à la créature anonyme la possibilité de parvenir à l'identité par la construction de son univers.
Etre un homme, cela implique la prise de conscience des lois de son existence.
Son intérêt réel est d'être un hommecomplet au sein de la société, soit d’exploiter totalement ses capacités afin d'éprouver et de présenter le miracle de son existence et de ses lois. L'évolution a certes un but; enseigner à tout individu à mieux comprendre la légitimité du miracle de l’existence.
L’espace construit est l'expression des fonctions humaines de deux sortes : — se protéger des influences de la nature (espace universel), — créer un lien avec la nature (espace universel).
Dans l’édification des bâtiments, notre technique approche d’un stade permettant la création d’immenses structures urbaines, avec le concours d’une production intensive, à durée de travail limitée. Ses loisirs prolongés permettront alors à l’homme de façonner son univers personnel.
La planification ne se permettra de s’étendre qu'aux seules structures urbaines. Pour le reste, une liberté aussi totale que possible sera laissée à l’usager.
La planification ne se permettra jamais de décider de l’univers individuel de l'homme jusqu’à son lit et à sa table. Ceci parce que la pensée et la sensibilité de l’individu ne se laissent pas cataloguer par une équipe de planification.
On ne peut régler que des généralités, soit: problèmes du trafic, des places de parc, des canalisations (eau et électricité), du drainage, des ordures ménagères, des installations centrales de chauffage. On leur donnera des solutions sainement étudiées, afin de ne susciter à l’usager aucune difficulté.
Le but est unique : créer grâce à l’urbanisme des ensembles collectifs où l'individu retrouve son intimité.
Autrement dit: grâce à l'urbanisme, une forte cohésion permettant autant de liberté que possible aux variations architectoniques.
Font encore défaut les représentations générales spatiales de l'interpénétration
des espaces publics et privés utilisés.
Par exemple : la rencontre du trafic mécanique et du trafic pédestre reste encore hostile et exige d'être minutieusement réglementée. La même chose est valable aussi de la rencontre du moyen de transport stationnaire et du trafic actif.
Il manque une manière de penser simultanée qui entrelace les trois dimensions spatiales avec la dimension temps. En architecture et en urbanisme, notre méthode de travail reste hiérarchique et nous ne voyons que trop les objets avant de percevoir les rapports entre les objets.
Par exemple, on voit dans l'ordre: premièrement la région, puis le site, ensuite la ville et enfin l'architecture, ou vice versa. On ne comprend pas encore ce que pourrait être l'architecture régionale et urbaine.
La période de l'objectivité nouvelle et du fonctionalisme nous a appris à différencier choses et fonctions, à poser des blocs dans l’espace, à construire des routes, à planifier des quartiers industriels séparés des quartiers d’habitation, à créer des magasins centraux pour piétons.
S'impose la nécessité d’étudier à nouveau le rapport entre les objets et les fonctions.
Le fonctionalisme ne peut poursuivre son développement que si la fonction de la forme est reconnue: dans ces conditions seules la planification devient possible au moyen de l'architecture, et l'architecture au moyen de la planification.
L'aménagement spatial architectonique et urbain peut signifier: expérience humaine de l'espace naturel par le milieu ambiant construit.
Et l’expérience humaine n'aura sa pleine signification que par comparaison entre diverses variétés.
L'organisation pour l'établissement de la liberté est un devoir vital.
L'organisation pour l'établissement du pouvoir tient par contre de la bureaucratie ou de la terreur.
L'aménagement de l'espace en tant que contribution à la prise de conscience humaine du miracle d'exister est une contribution à la liberté.
Construire afin d'imposer interrompt au contraire la continuité de la vie.
Il est possible de rendre perceptible à l’homme la continuité de la vie ou la continuité totale de l'espace en créant des unités et des groupes d’habitation en harmonie avec l’échelle constante de la table et du lit aussi bien qu'avec celle, toujours croissante, des voies de communication et des installations de parcage.
Les échelles de transition sont, en l'occurrence, aussi importantes que les pôles.
L'idée du groupe d'habitation est à réaliser
en même temps que devient perceptible visuellement la multiplicité des formes d'habitat.
En 1963, nous connaissons les grands immeubles où l’on a son horizon. Il subsiste aussi la forme d’habitation la plus ancienne de tous les temps: la maison familiale blottie au milieu d’un nid de verdure. Entre ces deux pôles se situent les formes de transition.
Nous savons que les rues intérieures peuvent être aménagées en grandes unités d’habitation. De cette façon, le trafic est transféré organiquement de l’extérieur jusqu’à l'intérieur, à la porte de l’appartement de chacun. Derrière cette porte, on doit se sentir vraiment seul. Chaque membre de la famille y trouvera son propre coin, sans être soumis à la passion pour la TV des autres membres. Donc: bien des coins et bien des niches pour protéger l'indépendance familiale !
Beaucoup de coins dans les villes aussi, afin de pouvoir s’y réunir en petits groupes, sans la perspective unique de longues lignes droites le long de longues façades.
L'unité d’habitation ne sera d'ailleurs bonne que si l'ensemble n’est pas la multiplication par cent d’un type d’habitation. Dans un tel bâtiment on aura besoin d’autant de rues intérieures que de places. Car l'intimité ne prend son sens vrai qu'en fonction de la rencontre possible et l’individuel n’a sa valeur que s'il est le résultat d’un choix entre plusieurs.
Il importe donc de rendre accessible le choix de ses propres espaces afin que l'individu puisse se libérer d'un certain anonymat à lui imposé !
Pour permettre l’établissement des différentes échelles, de la bouteille à lait en passant par le lit et la table jusqu'à l'autoroute, à la place de parc et à l'aéroport, on doit apprendre à mieux comprendre que les plans urbanistiques architectoniques commencent dès le programme de construction déjà. Là est le point décisif !
Trop souvent l'architecte n’est appelé — que ce soit dans le quartier d’habitation, du travail ou des divertissements — qu’une fois le programme de construction établi. Le résultat: soit une architecture décorative, soit une architecture monotone.
La création commence à la table ronde où siègent ensemble faiseurs de projets, urbanistes et architectes. Il sera décidé là si la structure de notre espace construit sera une contribution à la création d’une société ouverte.
Il manque malheureusement dans nos écoles d'architecture la branche d’enseignement mettant en évidence le rapport existant entre structure des bâtiments et structure de la société.
J.B. Bakema