Victor Bourgeois 1897-1962
« L'architecture présente trois aspects essentiels : l'aspect lyrique ou d’inspiration, l'aspect technique ou d’exécution, l’aspect social ou d'expansion. » Cette définition de Victor Bourgeois dans la revue « 7 Arts » qu'il avait fondée en 1922 avec son frère Pierre, le poète, et PierreLouis Flouquet, peintre et poète à la fois, Karel Maes et Georges Monier, caractérise l'envergure intellectuelle de l'architecte et de l’urbaniste, du professeur et de l'humaniste.
Né à Charleroi le 29 août 1897, il prend place dans l'histoire de l'architecture européenne dès après la guerre.
Au moment où il avait terminé ses études d'architecture à l’Académie Royale des Beaux-Arts à Bruxelles, la guerre venait de cesser. Les premières tâches furent celles de la construction de logements à bon marché. Sous l'influence de Berlage, constructeur de la Bourse d’Amsterdam et passionné par les conceptions de la « Cité industrielle » du maître lyonnais Tony Garnier, Victor Bourgeois confère à son architecture la simplicité, la limpidité et l'économie qui en font des œuvres classiques. La première réalisation importante, la « Cité Moderne » à Berbem-Sainte-Agathe près de Bruxelles, comprend dans un ensemble urbanisé par Louis Van der Swallmen 300 maisons à la toiture plate et dontun des bâtiments d'angle comporte des vitraux de Flouquet.
Victor Bourgeois marquait ainsi du premier coup l'exacte position qu’il adoptait en précisant qu'un des titres de noblesse de l'architecture contemporaine était d'avoir mis au premier rang l'étude de l’habitation. Il fut également un des premiers à proclamer l'importance primordiale de l'urbanisme dans le renouvellement des villes.
Aussi n’est-ce pas par hasard qu'il fut choisi avec Huib Hoste parmi les architectes belges pour représenter son pays au premier Congrès d’architecture moderne à La Sarraz, en 1928, sur l'initiative de Madame Hélène de Mandrot.
Sa pensée lucide, la démarche assurée de ses raisonnements, lui valurent l'estime même des plus sectaires parmi les architectes d’orientation «moderniste» ou «fonctionnaliste », comme on disait à cette époque.
Il a réalisé d’importants bâtiments: l'Office des chèques postaux à Bruxelles, de 1937 à 1949, des bâtiments administratifs et des usines, l’Hôtel de Ville d’Ostende en 1954, le centre médico-social à Charleroi, l’hôpital Sainte-Camille à Namur, sans parler des études d’urbanisation à Bruxelles, à Kessel Lo, Jemappes, Charleroi et tant d'autres.
L'enseignement l'attirait; c’était un des traits de son caractère empreint de dévouement et de rayonnement. Ses propos incitaient à la recherche intellectuelle, à la transfiguration de la technique par la pensée.
Victor Bourgeois avait l'envergure d'un véritable humaniste. Professeur à l'Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et des Arts décoratifs, il a formé une génération d’élèves. Il a déposé dans plusieurs ouvrages qu'il écrivit les marques d'une profonde culture. Ses connaissances dépassaient de loin la discipline professionnelle; il savait que toutes les connaissances sont reliées entre elles par des notions communes. Les
arts plastiques, la poésie, la musique l'intéressaient à ce même titre qu'ils dérivent tous de la création humaine.
C'est ainsi que la Belgique, dans la révolution de l'art moderne, inaugurée par Hoste et continuée par Henry Van de Velde, a trouvé en Victor Bourgeois l'architecte dont la personnalité sur le plan international égale les plus grands innovateurs de notre époque.
Henri-Robert Von der Mühll
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