Ombres et lumières Licht und Schatten Radiation and shading
Les idées de R. J. Neutra, d’après André Hardy
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Introduction
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Au seuil de la huitième décade de la vie de Richard Neutra, le moment semble venu de faire le point sur ses efforts si importants et si significatifs.
Richard Neutra lui-même ne voudrait pas être considéré comme un adepte du seul progrès technique quels que soient ses perfectionnements ; il a trop de profondeur pour ne pas laisser la primauté à l'esprit.
Ce qui l'intéresse avant tout, c’est l'être humain et son comportement; c'est de savoir comment l'homme réagit à la lumière et à la chaleur, à l’ombre et à la fraîcheur; en effet, l'être humain après avoir été troublé par une sensation extérieure s'empresse de reporter jusqu'en son for intérieur les impressions reçues.
Chaque structure et chaque mécanisme ne peuvent être adoptés qu'à la lumière de considérations physiologiques d'abord, pécuniaires ensuite. Les dépenses de brisesoleil, par exemple, de stores à lamelles ou de verres thermiques ne sauraient être judicieusement conseillées que si elles se fondent dans «l’économie humaine».
De ses longues recherches, Richard Neutra a tiré des schémas graphiques à l'usage des clients qu'il fallait convaincre du bienfondé de ses théories. La conception de ses façades, vitrées et munies de stores, de lames ou d’autres systèmes, résulte également de recherches sur le réchauffement ou sur le rafraîchissement des surfaces et sur l'incidence que peuvent avoir ces éléments sur l'économie de courant électrique dans les locaux climatisés, sans parler des
soucis créés par l’entretien des grandes façades vitrées.
Richard Neutra reconnaît toujours qu’il a bénéficié davantage des entretiens qu'il a eus avec ses clients ou avec ses collègues qu'il ne l'a fait dans ses études universitaires.
Si Richard Neutra s'est lié d'amitié avec plusieurs éminents ingénieurs contemporains c'est qu'il lui a toujours semblé qu'eux aussi ne faisaient que s'inspirer des besoins réels de l'être humain. Concevoir un plan ou des murs résistant aux séismes ne forme qu'une seule démarche de l'esprit.
Ce qui détermine la véritable architecture, comme la bonne santé d’un organisme, c'est la continuelle fusion de milliers d’intentions éparses en un grand tout.
Ombres et lumières Depuis le jour où Richard Neutra étudia les stores à lamelles et réalisa le moyen d'éviter le soleil et le vent chargé de sable dans la « Maison du Désert », et plus tard dans un immeuble d'assurances à Los Angeles, il s'ingénia à trouver un système capable de diffuser la lumière par les surfaces incurvées des lames d’aluminium afin de créer des intérieurs plus agréables et plus reposants.
Il s’inspira du mouvement journalier de la lumière et chercha à obtenir, de nuit, une lumière uniformément répartie où la position des baies n'intervient pas pour troubler les effets.
L'idée de lamelles amovibles et maniables a été une des contributions importantes de Neutra à l’architecture américaine. Grâce aux nombreuses publications suisses, italiennes, allemandes et françaises, ces idées se sont répandues en Europe et partout l’œuvre de Neutra a trouvé des adeptes.
« Une façade est stéréomorphe », a dit un jour Richard Neutra dans une conférence donnée à l'Université de Harvard, ce qui veut dire qu'elle est immobile, immuable, rigide, passive dans l'ambiance de vent, de pluie ou de lumière qui l’enveloppe.
Longtemps, les hommes ont tenté par des efforts subtils et intelligents d'adapter les édifices aux conditions très diverses auxquelles ils sont soumis ou de les façonner de manière à obéir aux destinations nouvelles que leur imposait l’époque actuelle.
Des volets ou des stores ont été posés sur des bâtiments qui ne supportaient que fort mal des adjonctions pour lesquelles ils n’étaient pas préparés.
Les lamelles verticales utilisées pour la première fois dans l'éblouissant paysage du désert du Colorado, après des essais sur papier et dans un atelier de tôlerie, ont été conçues dès le départ d'une manière bien déterminée afin de s’intégrer au bâtiment et non pour sembler être des accessoires destinés à agrémenter la vie journalière. L'architecture tout entière acquiert une vie nouvelle, mouvante, dynamique, au lieu de demeurer inerte ou rigide. Elle devient vivante à l'image des fleurs qui ouvrent et ferment leurs pétales ou des arbres dont les feuilles s'orientent au gré de la lumière qui en règle le jeu.
Richard Neutra a fait une série de prises de vue, minute après minute, montrant comment se modifie la vue à travers la fenêtre d’une chambre à coucher, longtemps avant
1 Lincoln Center, Gettysburg
R.J. Neutra et Alexander, arch.
4 Recherche de tamisage de la lumière • Erforschung der Lichtdurchlässigkeit ■ Research on light filtration 2 Villa à Pasadena
R.J. Neutra, arch.
4 Brise-soleil horizontaux • Waagerechte Sonnenstrahlenbrechung • Horizontal brise-soleil
3 ACWA, Los Angeles
R.J. Neutra et Alexander (D. Neutra, R. Pierce, H. Miller, R. Stadelmann, H. von Escher, coll.) 4 Lames verticales en façade • Senkrechte Lamellenverzierung an der Fassade « Vertical fins in a façade
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le lever du soleil et immédiatement après, montrant ainsi l'allongement et le raccourcissement extraordinairement rapides des ombres, les reflets éblouissants et l'intensité progressive de la luminosité.
On peut dire que ce genre de recherches des architectes s'apparentait aux recherches faites par des ophtalmologues.
Afin d'être acceptés par les clients, il faut que ces systèmes, mis soigneusement au point par les architectes, soient justifiés non seulement par leur parfait fonctionnement mécanique ou électronique mais aussi et surtout par leurs propriétés humaines, c'està-dire par leur influence sur les milliers de personnes qui travaillent ou qui vivent derrière ces stores ou ces lamelles.
Le phénomène de la fatigue peut s'évaluer très exactement en fonction de l'éclairage et de la transmission de la chaleur à travers les vastes surfaces vitrées qu'on ne saurait complètement voiler sans risquer d'interrompre le contact avec l’extérieur et de créer ainsi un isolement fâcheux pour l’esprit.
Richard Neutra a remarqué que la lumière pénétrant de face dans les yeux était plus facilement atténuée par les réactions naturelles de la rétine que les rayons obliques.
D'autre part, si, d'un point sombre, l’intensité lumineuse augmente concentriquement jusqu’à la limite du champ visuel, l'œil se sent contraint de regarder à gauche et à droite et du haut en bas afin d’éviter instinctivement un effet obsédant et d'ailleurs malsain. Sur une façade nord, des lames verticales permettent de compléter l'éclairement des plafonds réfléchissant la clarté et de réfléchir la luminosité afin de limiter la fatigue oculaire. Sur une façade sud la situation est plus délicate; l’incidence varie en effet continuellement au gré des heures et il faut y parer par des lames verticales orientables ; mais tout en créant l'ombre, ces lames diffusent la lumière qui à son tour est réfléchie par les éléments environnants.
Il est évident que ce ne sont pas seulement les effets lumineux qui ont été pris en considération, mais aussi la diminution des frais de chauffage dans des locaux soumis à des contrôles de température. A la suite de ces recherches et des résultats convaincants obtenus, les études se portent sur les problèmes esthétiques de l'apparence des stores à lamelles.
En outre, le verticalisme a apporté d'abondantes satisfactions esthétiques à travers les siècles; c'est pourquoi il n'y a pas lieu de craindre l'utilisation des effets verticaux des lames. Celles-ci, en quelque sorte, rappellent les cannelures dont les lignes se répandent désormais sur toute la façade au lieu de se limiter à orner une série d'étages superposés.
Les premières façades largement vitrées ont été créées au début de la Renaissance, en particulier à Brême et en Hollande, dans les brumeuses cités de la côte septentrionale de l'Europe. Aujourd'hui, les grandes baies vitrées sont utilisées largement dans le monde entier.
L'humanité, qui a inventé le verre, ne s'en privera plus jamais, mais il y aura des applications toujours nouvelles au gré des circonstances et des besoins nouveaux.
Le verre, cette matière qui fait vibrer la lumière, avec comme corollaire les éléments d'atténuation et de tamisage des rayons, de
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4 Villa dans le désert du Colorado
R.J. Neutra, arch.
A Première application de brise-soleil mobiles verticaux aux USA • Erste Anwendung der senkrechten Sonnenstrahlenbrechung in USA ■ First application of movable louvers in the USA 5 Maison du disque (Hall of records) Los Angeles
R.J. Neutra et Alexander, arch. (Honnold & Rex, H.C. Light, R.J. Friend, coll.) 4 Façade en lames • Fassade in Lamellenform ■ Finned façade
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climatisation et de fonctionnement électronique, formera désormais une partie essentielle de la conception architecturale.
Ainsi l’être humain, dans sa continuelle élévation s'oppose-t-il graduellement au désordre, à l'inertie, en créant des œuvres dont la matière est transfigurée par le génie inventif. Il revient à l’architecte un rôle prépondérant dans l’élaboration des ensembles qui répondent aux aspirations profondes de l'homme et qui satisfont ses goûts, ses désirs et ses élans.
6 Centre médical, San Bernardino, Californie
R.J. Neutra, arch.
4 Lames verticales mobiles • Veränderliche senkrechte Lamellen » Movable vertical fins 7 Villa à Bel-Air, Californie
R.J. Neutra et Dion Neutra, arch.
4 Effets de contraste des lames • Kontrasteffekt der Lamellen ■ Contrast obtained by the use of fins
8 Eglise méthodiste, Riviera, Palos verdes
R.J. Neutra et Alexander, Dion Neutra, coll.
4 Porche avec lamelles horizontales • Kirchenhalle mit waagerechten Lamellen ■ Porch with horizontal slats 9 Immeuble administratif, Los Angeles
R.J. Neutra, arch.
4 Lames verticales en façade • Senkrechte Lamellenverzierung an der Fassade « Vertical fins in a façade
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Eglise à Garden Grove, Californie
R.J. Neutra, arch. (B. Fischer, S.
J. Blanton, coll.) » Ombre et lumière • Licht und Schatten ■ Light and shade
Koschin,
11 Caserne de police, Santa Anna
R.J. Neutra et Alexander, arch. (Ramberg & Lowrex, Dion Neutra, coll.) 4 Lames horizontales et verticales • Waagerechte und senkrechte Lamellen ■ Horizontal and vertical fins Photos: L.S. Williams, J. Shulman, A. Farr