Essai de synthèse du phénomène urbain Versuch über den urbanen Aufbau Attempt at rationalization of the urban phenomenon Sous ce titre, beaucoup trop ambitieux bien sûr, il n'est envisagé en vérité, qu’un côté matériel du phénomène urbain, à l'exclusion de facteurs sensibles essentiels. Mais toute spéculation intellectuelle ne prend-elle pas son envol à partir de faits plus terre à terre?
En tout état de cause, l'expérience pratique montre qu’aujourd'hui où tout le monde croit posséder la vocation d'urbaniste, il est fait un usage abusif de quelques-unes des données techniques fondamentales de la science urbaine.
Le danger de jongler avec les chiffres et de leur faire dire des contre-vérités va croissant.
La présente étude tend à clarifier certains facteurs complexes, et ceci par une présentation graphique et imagée, accessible au public non spécialisé.
Tout acte d'urbanification se traduit en définitive par une occupation du sol. L’étude systématique de la distribution des différentes fonctions humaines sur le territoire d'une agglomération peut donner lieu à d’intéressantes constatations.
Nous nous sommes proposé d'étudier plus particulièrement le milieu urbain des grandes agglomérations européennes, de caractère occidental, à économie évoluée.
Nous cherchons à définir un étalon de comparaison « standard », correspondant à la moyenne des ressources réelles de ces villes, tout en tenant compte de l’équipement collectif minimum, qui tend à être universellement exigé, pour garantir un sain épanouissement humain de la collectivité.
La comparaison de portions de territoires déjà équipés ou de projets d’aménagement nouveaux, soit entre eux, soit rapportée à l’étalon standard précédemment proposé, doit permettre de caractériser dans une certaine mesure les variétés infinies de groupements urbains.
Il est clair que ces besoins chiffrés ne donnent que les indications quantitatives, correspondant à des valeurs nécessaires mais non suffisantes pour assurer une qualité d'aménagement difficile à définir et que seule la disposition de détail permet d'apprécier, de cas en cas, compte tenu des réalités physiques du lieu ainsi que de la nature de sa population et du développement de son économie.
Méthode
Nous avons défini, par l'analyse, les différents besoins humains se traduisant par un aménagement du cadre physique de l'habitat. Ces besoins ont été répartis en fonctions actives et complémentaires.
Les fonctions actives ont été groupées en composants suivants : a) habitation (y compris les prolongements du logis; espaces verts, jeux, réseau de desserte, etc.) ;
b) éducation — institutions sociales et religieuses ; c) récréation — régénération, sports et loisirs ; d) production et distribution (industrie, artisanat, entrepôts, jardins ouvriers, surfaces maraîchères; non compris surfaces agricoles) ; e) services et administration (commerce, banques, etc) ; f) circulation (routes principales, à l'exclusion de la voirie de desserte; transports publics, aéroports; installations portuaires non comprises).
Les principales fonctions complémentaires ici représentées sont: g) les surfaces d’eau (cours d'eau, lacs naturels ou artificiels) ; h) les surfaces boisées ; i) les réserves de terrains en gestation (nécessaires au renouvellement de la ville en constante évolution).
Les besoins spatiaux ont été déterminés pour chaque fonction, dans leurs moindres détails, et collectés sous forme tabellaire; ceci en considérant respectivement les besoins d’un nombre croissant d'invididus (1, 10, 100, 1000, etc.). — fig. 1 — Chaque objet a été analysé dans l'ordre suivant : 1. désignation et définition de l'objet (fonction spécifique) considéré; 2. classes d'âge intéressées (avec report sur pyramide des âges, idéale, non perturbée, d'une population stationnaire); 3. pourcentage de la population totale
fig. 1
1:100 CULTURE
DIVERTISSEMENTS
120
susceptible de s'intéresser à la fonction spécifique considérée; 4. pourcentage de la fréquentation réelle; 5. pourcentage de la population totale fréquentant la fonction spécifique; 6. nombre de personnes intéressées ; 7. unité de surface nécessaire par personne intéressée ; 8. surface totale nécessaire pour l'objet considéré ; 9. surface totale récapitulée pour chaque fonction considérée; 10. pourcentage de la surface totale du territoire aménagé intéressant chaque fonction.
En considérant l'ensemble des activités humaines, on parvient ainsi à constituer d’une manière synthétique une image de l'occupation du sol, comparable à la « réalité » d'un milieu humain idéal.
Les résultats obtenus synthétiquement pour l’ensemble des fonctions actives concordent bien avec les investigations inventoriées d'aménagements réalisés.
Pour l'habitation, y compris les prolongements du logis, nous avons admis à l’intérieur des périmètres qui lui sont réservés, une surface moyenne de 58 m2 de terrain par habitant, correspondant à une densité de 174 habitants par hectare.
Cette moyenne de densité relativement faible tient compte de l'incidence des quartiers de villas.
Cette valeur admise comme demeurant constante, quelle que soit l'échelle d'une même population citadine, est en fait assez variable et dépend beaucoup de la tradition urbaine d’une région.
Remarquons qu’il est souvent malaisé de dissocier clairement les activités humaines projetées sur le sol. C'est le cas, par exemple, dans le centre des villes non transformées en city, où le commerce et l'administration se sont superposés à l'habitation.
Pour les fonctions complémentaires, très variables d'une ville à l'autre, nous avons admis des valeurs en pourcents globaux arrondis, correspondant aux moyennes calculées sur un ensemble de cités européennes.
La récapitulation des résultats traduits en surfaces (colonne 9) et présentée sousforme de tableau permet une vision d'ensemble révélatrice : — fig. 2 — Le choix d’une progression logarithmique, pour le nombre d’individus considérés, s'accompagne d’une réduction correspondante inverse de l'échelle des surfaces à l’échelle 1 :100 \/n où n = nombre d’habitants considérés.
De la sorte, les besoins simplement cumulés se traduisent par des surfaces identiques (se référer, par exemple, à la constance admise pour la fonction «habiter»). Par contre, les besoins nouveaux, intéressant un groupe d'individus plus important, apparaissent comme un supplément de surface (voir, par exemple, les variations de la fonction « circuler », qui présente une inflexion pour les villes de grandeur moyenne qui, dans ce domaine, sont d’une exploitation plus rationnelle).
La récapitulation des résultats traduits en pour-cent (colonne 10) est non moins riche d’enseignements : les pourcentages en surfaces ont été traduits en considérant, en premier lieu, les surfaces actives seules — fig. 3 — puis, en y ajoutant les surfaces complémentaires — fig. 4 —.
La partie du sol occupée par les constructions (surface bâtie) a été estimée de cas en cas pour chaque fonction considérée.
On obtient ainsi une représentation simplifiée mais très proche de la réalité sensible d’un paysage urbain, soit que l’on considère par exemple la parcelle d’une maison familiale (colonne de 1 à 10 individus), ou l’unité de voisinage (colonne de 1000 à 10 000 individus), ou encore une grande agglomération urbaine (colonne de 100 000 à 1 million d’individus), etc.
Ce qui est frappant, c'est l'augmentation impressionnante, par ordre croissant des habitants, des surfaces intéressant les besoins collectifs.
En contrepartie, cette croissance s'accompagne naturellement d'une diminution proportionnelle du pourcentage des surfaces dévolues à l'habitation.
Cette constatation devrait faire réfléchir les édiles en veine de promouvoir des extensions explosives de leur ville.
Trop souvent, l'attention n'est portée que sur la création inconsidérée de quartiers d’habitation, en oubliant qu'un nécessaire équilibre d'ensemble entraînera une augmentation plus considérable des autres fonctions de l’habitat humain, pour lesquelles d'importants espaces doivent pour le moins être réservés.
Les densités calculées, au bas des graphiques, se rapportent toujours à l'ensemble des fonctions vitales dès que leur présence
rooo’ooo i
MMD’dMMD 1 0
9
10
0
1:10 000
9
10
1:\fiÔ 10 000
PYRAMIDE
DES
CP0PULATI0N
15 -70
31500
15 - 70
24500
2500
15-70
20 500
2500
15 -70
25 000
AGES „IDEALE"
STATIONNAIRE 0
10000 10 000
-THEATRE -CINEMA -STADE
70 000 (0 000
7 105
ETC
4-10® 12 10*
HOMMES
FEMMES
121
HABITANTS
1
ECH REPRES.GRAPH.
10 1100
100 1VTD*100
11000
1000
10000 100000 1 MILLION
1:VT0x1000
1:10000
1:VTDx10000
1:100 000
STRUCTURE OE L'HABITAT UNITES SOCIOLOGIQUES
M2
HA
HA
HA
HA
58
A
I
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FONCTIONS
ACTIVES
(J
HABITATION EDUCATION INST SOCIALES REGENERATION SPORTS I OISIR
I
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I I
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PRODUCTION ARTISANAT INDUS' DISTRIBUTION
» ] -i J
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17
CIRCULATION TRANSPORTS PUBI
EAUX LACS FLEUVES
FONCTIONS
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SERV PUBLICS RAVITAILLEMENT COMERCE DE PET
II
BOIS FOREI5
I
I
TERR EN PESTAT.
RESERVES 0.006 HA
I
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0.07 HA
fig. 2
122
devient indispensable pour le groupement social considéré.
L'ensemble des six fonctions actives se trouve réuni à partir de 1000 habitants. La densité moyenne des habitants tombe alors à quelque 100 habitants par hectare.
Pour 1000 habitants, la surface réservée à l'habitation seule doit être doublée pour tenir compte des autres nécessités vitales ; pour 10 000 habitants, elle doit être triplée, et quadruplée pour 100 000 habitants, etc.
A l'intérieur d'un périmètre de plus de 1 million d'habitants, les zones d'habitations ne représenteront qu'une part très réduite du territoire, si l'on veut empêcher un déséquilibre malsain.
Cela confirme ce qu'avait constaté Gaston Bardet en affirmant que «dans toute recherche d'extension, il faut tenir compte du type ou de l’échelle de l'agglomération et ne point partir de la surface à bâtir mais des espaces à réserver ! ».
Citons encore, avec lui, Robert de Souza, qui, il y a 50 ans, disait: « Toute ville qui a la campagne ouverte devant elle doit se
demander d'abord où elle ne bâtira point ! » Comparaisons
Les résultats établis par synthèse ont été comparés à ceux obtenus par inventaire sur la base d’enquêtes publiées.
— fig. 5 —
Par exemple, nous trouvons pour la ville universitaire américaine de Cambridge (Boston), totalement urbanisée, de 130 000 habitants, une frappante correspondance des résultats inventoriés avec nos résultats de synthèse théorique.
Les petits décalages constatés s’expliquent d’ailleurs parfaitement par le caractère particulier de la ville universitaire considérée.
L’étude et la comparaison de l’évolution des pyramides des âges d'une population renseignent sur la formation et la structuration des sociétés humaines et permettent d'expliquer certaines anomalies constatées dans la distribution de leurs activités.
Les résultats obtenus peuvent également se comparer à des projets d'aménagements théoriques ou en vue de réalisation. La comparaison des intéressantes études d’une new town anglaise (Hook study) ou de la Neue Stadt suisse de Furthal avec nos résultats «idéaux» permet de bien caractériser ces divers projets.
La présente étude, à laquelle l’auteur a surtout attaché une valeur didactique, au profit des étudiants ayant participé aux investigations de détails, se rapportant aux diverses fonctions de l'habitat humain, mérite par ailleurs un intérêt général évident.
Les recherches ayant abouti aux résultats publiés ci-contre mériteraient d’être poursuivies avec soin afin de parvenir, avec plus de sûreté, à des indications indiscutables, recevant la sanction des organisations professionnelles intéressées.
Nous avons intentionnellement limité notre étude au milieu urbain caractérisé.
Une étude semblable, considérant également le milieu agricole — présentant une homogénéité semblable —, serait d'un intérêt certain.
Dès lors, disposant d’une base de comparaison sûre, établie sur des données
1 %
10
100
1000
10000 100000 1 000000
HAB.
SURFACES ACTIVES SEULES
Habitation
(Education Inst, sociales) Récréation (sports, loisirs, parcs) Production (artisanat, Industrie) Services publics (administration, ravitaillement) Circulations (parcages, aéroports, gares) SS = ha 0,07 Y = hab/ha
0,7 143
10,0 100
170 59
1700 59
21 200 47
% SURFACES ACTIVES + COMPLÉMENTAIRES
Eau, fleuve, lac
Forêts, bois
S s =• ha 0,07 Y = hab/ha
conventionnelles de calcul parfaitement définies, l'instrument de travail esquissé serait susceptible de rendre de grands services aux urbanistes conscients de leurs responsabilités.
Il est inutile d’insister sur le fait que ces études théoriques ne représentent pas une panacée universelle.
La qualité d’un aménagement dépendra, nous le répétons, du juste groupement, de la juste répartition des différentes fonctions dans l'espace et le temps, afin de créer des entités organiques bien dosées.
Le «zoning», hier encore en vogue, doit faire place aux réalités sociales et se traduire par des aménagements organiquement structurés.
Le lieu, sa population, leurs ressources et besoins sont des données que seules les qualités humaines etsensibles de l'urbaniste sauront accorder en une vivante synthèse.
Paul Waltenspuhl
0,7 143
11,1 90
210 48
2820 35
53000 19
Réserves (terrains en gestation)
3 <d cÜ<="" p=""></d>
fig. 5 Neue Stadt « Furttal » (ville projetée) New Town G.B.
(Hook study) Cambridge (Boston) (ville universitaire) inventaire état existant Neuchâtel (inventaire 1955) Neuchâtel (projet Furter) E.T.H. (voir figure 3) projet de synthèse interpolé
â
I 1
30 000
327
109
92
30,4
4,1
19,2
13,9
9,8
22,6
100 000
1650
165
61
35,5
13,3
18,1
22,3
5,8
5,0
130 000
1550
119
84
32,6
10,0
14,2
19,9
6,6
16,7
30 000
414
138
73
(46,5)
5,2
9,1
7,4
(6,0)
25,8
50 000
587
117
85
(50,5)
5,4
6,8
9,3
(8,0)
20,0
10 000 30 000 100 000
170
170
1700
170
59 59 59
35,0 35,0 35,0
4,0 5,0 7,0
8,0 10,0 14,0
20,0 20,0 20,0
3,0 4,0 7,0
30,0 26,0 17,0
123