Die bewegliche Architektur von Yona Friedman

H. R. Von der Mühll

Die Gestaltung der modernen Stadt beschäftigt die Neuerer. Wie soll dem steten Wachstum der Großtädte gesteuert werden, wie soll sich das Leben darin abspielen ? Die Vorschläge sind zahlreich. Yona Friedman überdeckt die bestehenden Stadtteile mit einem riesigen durch Pfeiler getragenen Gitter, in welchem die eingebauten Zellen sämtlichen Bestimmungen der Bewohner genügen sollen. Dieses bewegliche Gebilde, wo eine allgemeine Klimaanlage die Heizung ersetzen wird, wird hier einer kritischen Prüfung unterzogen.

The mobile architecture of Yona Friedman H. R. Von der Mühll The problem of ever increasing population is the principal preoccupation of today's planners. Yona Friedman proposes as a solution an overhead network of suspended "cells" of a multi-purpose character. This very flexible system has individual heating complemented by a central air-conditioning plant. It is presented and discussed here, not without some reserves.

L’architettura mobile di Yona Friedman H. R. Von der Mühll La creazione della città moderna preoccupa i cercatori. In qual modo alloggiare popolazioni sempre più numerose, come ordinare la vita delle città? Le proposte sono molteplici. Yona Friedman vorrebbe porre al di sopra delle città esistenti una rete sospesa di cellule destinate a tutti gli scopi, a tutte le funzioni. Questo sistema, molto mobile, nel quale la climatizzazione generale sostituisce gli impianti di riscaldamento centrale individuali, è presentato ed esaminato con qualche riserva.

L’architecture mobile de Yona Friedman ou le nouvel usage des constructions tridimensionnelles en urbanisme

H. R. Von der Mühll

La confusion créée dans les esprits parles difficultés que soulève l'accroissement de la population dans les agglomérations modernes atteint un degré inquiétant. Les uns préconisent la création de villes nouvelles, les autres préfèrent l'assainissement des centres existants, d'autres encore inventent des systèmes nouveaux pour accumuler les gens dans des récipients urbains, tantôt suspendus, tantôt superposés, tantôt éparpillés.

Les architectes se constituent urbanistes et transposent les problèmes domestiques ou monumentaux, qui peuvent être de leur ressort, au domaine de l'urbanisme qui par définition les dépasse, cette science étant aussi complexe et multiple que le sont les facultés universitaires, allant de l'humanisme à la biologie, de la technique à la physiologie, de l'économie au droit, de la géographie à la physique. Qui oserait prétendre dominer toutes ces branches?

Il est permis, aujourd'hui, d'avoir un aperçu critique sur les créations des villes nouvelles ; après l'engouement, la déception.

Le génie humain, sauf peut-être dans le domaine des arts, est tributaire de limites que lui assigne l'utilisation des objets créés par son imagination.

Ce n’est qu’en faisant ces réserves que l'on peut examiner avec fruit les propositions qui surgissent de part et d'autre pour tenter de résoudre le problème de la ville moderne.

Y a-t-il une solution véritable, d’ailleurs, ou bien ce problème n’est-il pas plutôt de ceux dont les données, constamment changeantes, échappentà l'emprise des hommes comme la vie, qui leur est donnée, leur échappe par la mort? Pour moi, enfant de la terre, il y a fort longtemps que je pense que la ville est du genre des choses fatales, inéluctables où se concentrent les souffrances et les peines humaines dans une perpétuelle tragédie sur quoi ni les

avenues ni les belles ordonnances ne parviennent à faire illusion ; le paradis, dès l'origine perdu, ce n’est pas dans les villes qu’il se retrouvera.

Pourtant, tel n'est pas l’avis de chacun ou plutôt, l’ambition de quelques esprits porte-t-elle ceux-ci à croire, plutôt à désirer, qu’il reste de l’espoir. Il est précisément dans la mission des architectes de créer, de prévoir, d’inventer. Mais l'urbanisme, bien qu'il comprenne ces dispositions, a cessé d'être un art de composition et de création, depuis que les tâches qu'impose la ville actuelle font appel à des notions plus étendues, à cette science complexe faite d’organisation, d’administration, d'économie, de sociologie, que sais-je encore.

Aussi, à part quelques grands ensembles industriels, n'y a-t-il pas, que je sache, de ville nouvelle dont on puisse affirmer qu'elle ait apporté la démonstration de ce que les maux dont souffrent actuellement les agglomérations humaines aient été essentiellement adoucis. Au reste, il est certes prématuré de conclure à la réussite ou à l'échec des cités nouvelles, le fonctionnement d'une ville ne se révélant heureux ou néfaste qu’à la suite d’une évolution longue s'étendant sur des siècles. Qu’intervienne un fait nouveau et l’appareil urbain se détraque (le boulevard Sébastopol à Paris dont on disait que Haussmann avait exagéré la largeur n'est plus utilisable aujourd'hui qu’à sens unique, à cause des autos, jadis inconnues).

L’information à laquelle se voue une revue ne saurait ainsi exclure les apports nouveaux ni les soustraire à l’examen des lecteurs.

C'est à ce titre que nous exposons ici les idées de M. Yona Friedman. Ses propositions, très amplement développées, partent d’indications suffisamment contestables pour qu’elles demeurent liées au jeu de l'imagination, et c’est là que se place leur intérêt.

Parmi les propos introductifs, on peut lire ces affirmations surprenantes: « A notre époque, les problèmes de la nourriture sont... techniquement résolus.

Nos systèmes techniques ont déjà éliminé la faim d'une grande partie du globe.... » « ... quant à la construction des bâtiments ou des villes pour l'avenir, ils (l’architecte et l’urbaniste)... ne peuvent assumer la responsabilité de décider par procuration au nom des millions d'habitants pour construire une ville.

La solution est simple : laissons à l'habitant lui-même la décision quant à la forme de l'habitat et de la ville ».

« ... Les facteurs économiques, quant à la formation d’une ville, sont secondaires... » En voilà assez pour libérer M. Friedman des hypothèques fatales dont il me paraissait, préliminairement, devoir faire état. Aussi lui laissé-je le soin d’exposer lui-même le système qui donnera à l'urbanisme de demain la clé de l'avenir.

«... La variabilité est une condition vraiment fondamentale pour la construction de notre époque. Il est essentiel que «n’importe quelle disposition » des espaces utilisés (cellules) et espaces vides soit réalisable.

Si nous voulons, par exemple, avoir une occupation d'espace plus dense dans les niveaux supérieurs que sur la surface du sol, nous devrons créer des niveaux artificiels sous forme de plateformes continues. Mais ces plateformes devront être transparentes ou ajourées, sinon, les plateformes inférieures ne pourraient plus être utilisées qu'avec la lumière artificielle et la ventilation mécanique.

Pour obtenir ces conditions absolument impératives (transparence et continuité) un seul système est possible, parce qu'il est à la fois aisément réalisable et économique : celui des structures tridimensionnelles, dont deux des caractéristiques sont: la continuité et la transparence des constructions.

Les structures tridimensionnelles peuvent être de deux types : 1) de structures « portantes », où les plateformes sont faites en dalles tridimensionnelles qui portent les espaces utilisés (cellules), 2) ou de structures «contenantes»; en ce cas les dalles tridimensionnelles contiennent les espaces utilisés.

Les structures contenantes semblent être plus avantageuses, car elles sont plus transparentes (1 couche de barres par niveau utilisé contre 2 couches de barres pour les structures portantes). De toute façon, une dalle tridimensionnelle à grande portée (30~35 m) devrait avoir une hauteur structurelle se rapprochant de celle nécessaire pour les structures contenantes (2,20 m).

Par contre les structures contenantes amènent certains impératifs techniques: leurs vides doivent être d'une «forme utilisable, c’est-à-dire orthogonale (carrée), dont toutes les barres tombent dans le plan horizontal (plancher), ou dans le réseau de plans verticaux qui se croisent orthogonalement (parois). Cette disposition permet l’usage des vides pour l’habitation, sans blesser nos atavismes. La grille triédrique, par exemple, correspond à ces demandes, sans perdre les avantages des systèmes tridimensionnels. » « ... Les éléments préfabriqués à utiliser pour unetelle structure triédrique pourraient être : a) des cadres triangulaires, b) des trièdres c) ou des paquets de 4 trièdres. » « ...Les agglomérations spatiales représentent l'aboutissement de l'étude sur les structures spatiales à l'enjambée et la réponse définitive aux problèmes généraux mentionnés plus haut. Elles comprennent

89

également habitations, surfaces publiques, surfaces de circulation, parties réservées à l’agriculture et à l'industrie, tous dans la grille tridimensionnelle à plusieurs étages (la nouvelle infrastructure) et tout en permettant le libre échange ou le regroupement de tous ces éléments utilisés.

«L’ossature tridimensionnelle est identique pour tous ces éléments: habitations, surfaces publiques, surfaces agraires ou industrielles. Cette identité de structure et l'étendue de la construction sont les sources mêmes de l’interchangeabilité des modes d'utilisation. La différenciation fonctionnelle des éléments d'utilisation est obtenue en transformant la disposition des unités du plancher et des parois. Cette disposition se conforme aux conditions spécifiques exigées parles différentes fonctions requises (par exemple: l'ensoleillement, la ventilation, la circulation, etc.). En déplaçant à volonté les éléments de plancher, la disposition des remplissages de l'agglomération peut se transformer en toute autre disposition, permettant un fonctionnement différent.

«L'agglomération spatiale peut faire faire un grand pas en avant à l’organisation industrielle de l'agriculture. Le fait que les surfaces agraires se pourront trouver dans la ville à grande densité (mille habitants par hectare), évite l'isolation habituelle et dangereuse de la population agricole en lui assurant les conditions de vie habituelle à la population urbaine.

D’autre part, sur le plan économique, grâce aux surfaces agraires comprises dans l’agglomération spatiale, le problème du ravitaillement des habitants est résolu aisément et économiquement: une grande part de la production agricole (notamment les légumes, fruits et produits laitiers) est recueillie dans la ville. De ce fait, les difficultés habituelles au ravitaillement des grandes villes pourront disparaître: transports routiers quotidiens, halles et entrepôts centraux, intermédiaires, etc. » «.. .Le principe de la ville spatiale est celui de la multiplication de la surface originale de la ville à l'aide de plans surélevés. La différence qui distingue cette multiplication de celle de la ville ordinaire, tient au fait que la multiplication de la surface ne se passe pas par points ou zones isolés (comme à Manhattan, à la Ville Radieuse, etc.), mais couvre entièrement la surface totale de la ville en plusieurs niveaux. Cette multiplication de la surface permet, pour les urbanistes, une différenciation de zones en trois dimensions: longueur, largeur et hauteur. (Par exemple, il devient possible qu'un centre civique soit au-dessus d’une zone industrielle, etc.).

L'application la plus importante du principe est celle de l'urbanisation par la hauteur: c'est ainsi qu’on réserve les surfaces surélevées pour les activités purement humaines ou biologiques (habitation, vie publique,

90

distractions, circulation des piétons) et qu'on utilise les surfaces inférieures pour les services divers (circulation mécanique, magasinage, production, alimentation et évacuation). » « ... La même homogénéité des deux types de surfaces (surface surélevée dans la structure et surface libre au sol) et leur indépendance l'une envers l'autre, (quant au fonctionnement), font perdre même au développement radio-concentrique son caractère nocif. Si, par exemple, l'aménagement de la partie surélevée, habitée, est du type radio-concentrique, la partie inférieure

desservant la circulation et les autres services peut être organisée totalement différemment. Les différents étages de la ville (habitation, vie publique, circulation, services techniques) restent indépendants les uns des autres, quant au fonctionnement et à la technique de l’occupation de l’espace.

L’organisation et le plan de la ville peuvent être différents à tous les étages. » «...La technique moderne arrive à une autre révolution : la climatisation des villes.

La tâche primordiale de l’architecture a toujours été la protection contre les intempéries. La climatisation totale des villes

obtenue, la protection climatique deviendrait secondaire; par contre les tâches actuellement secondaires, comme l’isolation sonore, l'isolation optique et surtout l'expression artistique, gagneraient en importance.

Les transformations résultant de la climatisation des villes seront encore plus importantes du point de vue de l'urbanisme: les habitants d’une ville climatisée auront leur mode de vie transformé. Imaginons que le climat d'une ville nordique devienne semblable au climat méditerranéen : les habitants flâneront dans les rues, ils se rencontreront et causeront, les bars auront des terrasses, etc. » «...La ville spatiale n'est pas seulement une couverture climatique: la grille tridimensionnelle à plusieurs étages, établie sur pilotis, est remplieà50%pardesvolumes utilisés. De ce fait la climatisation n'est nécessaire que dans les 50% de volume qui reste vide, ce qui représente une sérieuse économie. D'autre part, une autre économie est réalisée par l'utilisation de la même grille comme support à la couverture climatique réelle. » «...La nouvelle formule est: il n’y a plus d’architectes; il n'y a que des habitants, mais quelques habitants ont des connaissances techniques plus étendues que les autres.

Certains architectes qui voient et acceptent cette vérité, font pourtant fausse route.

Ils abdiquent devant l’habitant individuel, mais ils veulent donner une forme à la ville entière. Obliger la communauté à suivre une forme imposée, c’est de la dictature !

Je peux accepter n’importe quelle forme, si elle est « nécessaire », si elle est la conséquence d'un raisonnement utilitaire. Je ne l'accepte pas et je la nomme arbitraire, quand elle n’exprime que la volonté d'un technicien secondaire et inculte (l'architecte). Un artiste est toujours un dictateur, quelqu'un qui force le monde à accepter l'arbitraire. Néron était un artiste, Hitler aussi...

L'architecture nouvelle ne peut permettre aux architectes de chercher des solutions formalistes (v. Fitzgibbons, Kurokawa, Maymont, etc...). Elle ne permet pas non plus les raisonnements isolés d'un ingénieur (Le Ricolais, F. Otto), pour lequel les formes ont une maigre excuse: l'efficacité de la construction.

L’architecture nouvelle crée avant tout des structures utiles; utiles non d’un point de vue isolé, mais utiles pour tous.

De cette utilité, c’est l’utilisateur qui doit décider. L'initiative personnelle de l'utilisateur (habitant) est ce facteur qui nous mènera vers un nouveau langage des formes (et non pas vers un nouveau formalisme). » Et voilà !

H. R. Von der Miihll

91