Intarsien, Theater und Städteplanung im Italien des XV. Jahrhunderts André Corboz Die Forschungen Brunelleschis haben der Kunst der Einlegearbeit einen sehr starken Impuls gegeben.

Die Theorie der Zentralperspektive, angewandt auf die « intarsiatura », brachte eine Fülle von Werken, die wie geometrisierte puzzles entworfen waren, hervor. Zahlreiche unter ihnen stellen imaginäre Architekturen vor.

In einer Gruppe von Malereien, die erdachte Musterstädte darstellen, ist die Kompositionstechnik eng verwandt der der Einlegearbeiten. Gewiß, die Funktion dieser Werke ist nicht gänzlich aufgeklärt und ihre Datierung war Gegenstand einer langen Auseinandersetzung, da sie zwischen 1460 und 1518 schwankt. Aber man kann mit hinreichender Wahrscheinlichkeit annehmen, daß eine Beziehung zwischen dieser Malerei und der Bühnendekoration mancher Theaterstücke besteht.

Die Kritik nimmt allgemein an, daß die Städte der Architekten denen der Maler gefolgt sind. Nun werden aber die Architekturen, in den Intarsienarbeiten, ebenso wie in den Dekorationen abgebildet, in Pienza ab 1459 Wirklichkeit.

Es ist also interessant, festzustellen, daß Pienza von einer Anwendung der Technik der Intarsienarbeit auf den Städtebau zeugt, und daß diese Verwirklichung den imaginären Städten vorangeht. Diese Transposition war übrigens in den Werken Brunelleschis selbst vorbereitet.

Indem er seinen Entwurf in Sonderheit auf den « Außenraum » ausrichtete, beschränkt sich Rossellino, der Erbauer Pienzas, nicht darauf, eine gewisse Anzahl von Fassaden zu planen, sondern schafft einen Microkosmos, der die philosophische Haltung des Menschen in der Renaissance wiedergibt.

Jedoch führte die Umsetzung einer spezifisch malerischen Komposition, der des perspektivischen Kubus, in den Städtebau, in eine Sackgasse; denn der direkte Übergang vom bildlichen zum realen Raum konnte nur unvereinbare und vor allem dem zeitlichen Charakter des Stadtbildes fremde Wirkungen hervorbringen.

Marquetry, Theatre and Urbanism in XVth. century Italy André Corboz The theories of Brunelleschi provoked a strong interest in the art of marquetry; the principle of central perspective, applied to the intarsiature, resulted in a host of works conceived like geometric puzzles—many of them figuring imaginary buildings.

Much of the painting of the second half of the XVth century represents different versions of the ideal town, the compositional technique approaching very closely that employed in marquetry. Although the original use to which they were put has not been clearly determined, it can be fairly safely assumed that there was a connection with the stage-sets of certain theatrical plays. The earliest known date for one of them is 1460.

Some are to be seen in the Place of Pius II, at Pienza, which was begun in 1459 and is of two-fold interest : it is earlier in date than the imaginary cities (it is generally assumed that the city propositions of the architects came after those of the painters), and it signifies an application of the technique of marquetry to urbanism. The application of a specifically pictorial concept to urbanism, however, resulted in dilemma.

Intarsiatura, teatro e urbanismo nell’Italia del XVI secolo André Corboz Le speculazioni del Brunelleschi hanno dato un forte impulso all’arte dell'intarsiatura. La teoria della prospettiva centrale, applicata all'intarsiatura, produce quantità d'opere concepite come combinazioni geometriche. Alcune propongono architetture immaginarie.

Nella seconda metà del secolo appaiono dipinti che rappresentano città ideali ; la loro tecnica di composizione si apparenta strettamente a quella dell’intarsiatura. La loro funzione non è stata elucidata, ma è lecito supporre che esistevano rapporti fra queste pitture e certe decorazioni teatrali. La data più remota avanzata per una di esse è il 1460.

Queste architettura figurate s’incarnano nella piazza Pio II a Pienza, cominciata nel 1459, che offre un doppio interesse : è anteriore alle città immaginarie (la critica ammette generalmente che le città degli architetti hanno soltanto seguito quelle dei pittori), ma soprattutto è un esempio di applicazione all'urbanistica della tecnica dell'intarsiatura. Però, appunto la trasposizione all'urbanismo di un’idea specificamente pitturale, quella del cubo prospettico, condusse a un vicolo chiuso.

Marqueterie, théâtre et urbanisme dans l’Italie du XVe siècle André Corboz

Les rapports qui unissent au XVe siècle la marqueterie et l'urbanisme n'ont presque pas retenu l'attention des historiens de l'art.

On peut pourtant observer entre ces disciplines une relation fondée sur leurs techniques de composition.

Vasari relate dans un passage souvent cité que Brunelleschi peignit un jour la place S. Giovanni, à Florence, vue de la porte médiane de la cathédrale, «avec la répartition des marbres noirs et blancs incrustés dans les murs, dont les bandes allaient en diminuant avec une grâce singulière»; on voyait au centre le baptistère et, symétriquement, les différents édifices qui l’entourent.

L'œuvre ne devait pas être considérée, comme un tableau ordinaire, sous un angle quelconque: par un trou foré au centre du panneau, on en contemplait le reflet, dans un miroir tenu à la distance requise (1).

Le but du procédé, qui restituait le point de vue idéal choisi par Brunelleschi (2), était notamment de créer un rapport visuel fixe entre l'objet et le spectateur.

Ce panneau et celui où Brunelleschi a représenté, suivant les mêmes principes, la place de la Seigneurie (3), ont inauguré un ordre de spéculations dont l’art occidental devait vivre plus de cinq siècles. Il en est issu l'essentiel de la théorie de la perspective, c’est-à-dire une méthode permettant de conjuguer les recherches techniques et les œuvres d'imagination (4); Alberti s'en inspire directement pour ses «boîtes d’optique»; Durer en applique les principes à l’observation du sujet vivant; Canaletto, après bien d'autres, adoptant un procédé général depuis le début du XVII“ siècle dans toute la peinture hollandaise de paysage et

d'intérieur, use d'un appareil portatif, la «camera ottica», qui lui permet de relever le panorama vénitien (5). Cette chambre-là est l'ancêtre direct de notre caméra (6).

Les artistes du XV“ siècle s’enthousiasment d’emblée pour ce nouveau processus d'appréhension du réel, ou plutôt de transfert sur le réel d'un besoin de cohérence contrôlée par la raison. Cette méthode combinant la poésie de l'imaginaire avec la plus stricte rigueur figurative deviendra, on le sait, une morne recette lorsqu’elle aura cessé d'être un moyen de connaissance; mais, au Quattrocento, elle nourrit l’ensemble des arts plastiques.

Une précieuse étude d'André Chastel, « Marqueterie et perspective au XV“ siècle » (7), montre quelle fut la vogue des perspectives de Brunelleschi et leur immédiate postérité. L'auteur y met en évidence le lien existant entre les panneaux brunelleschiens, malheureusement perdus, et le développement de la marqueterie de bois. Brunelleschi, dit Chastel, avait conduit l’étude de la perspective par plans, profils et intersections ; sa démonstration était fondée sur la réduction de volumes formés eux-mêmes de plaques encastrées (8). Les praticiens de la tarsia (art de combiner les bois de couleur) apprécièrent tellement cette méthode qu’« il faut considérer comme une articulation significative, pour toute l'histoire artistique du siècle, le fait que la technique nouvelle de la marqueterie et la mise au point de la perspective moderne sont proprement contemporaines ». Les panneaux de marqueterie qui nous restent revêtent ainsi une importance considérable.

Au cours d'une première phase, les marqueteurs témoignent d'une vive inclination pour le trompe-l’œil (Chastel distingue les thèmes du faux placard, de la fenêtre illusoire et de la niche feinte). Plus tard, à partir de 1460, ils s'engouent pour les vues de places et de rues: on connaît l’extraordinaire studiolo de Gubbio (14801485, aujourd'hui à New York) et celui d’Urbino, qui ne lui cède en rien; Urbino possède en outre une superbe série de portes marquetées où se voient des vues urbaines, et où l’influence de Piero della Francesca n'est pas douteuse. On trouve ailleurs d'autres œuvres, moins célèbres mais aussi parfaites, comme les marqueteries du Santo de Padoue, dues aux Canozzi da Lendinara, amis de Piero, et celles de Fra Giovanni da Verona, à S. Maria in Organo de Vérone (1499).

Tous les procédés de perspective qui deviendront de vulgaires trucs d'école sont ici appliqués avec une verve tout étrangère à l'exercice académique, plaçant ces travaux au rang des grands ouvrages du XV“ siècle.

Le goût des marqueteurs pour la division géométrique des plans se transmit à la

peinture. La curiosité d'Uccello pour la perspective s'exprime, par exemple, dans la disposition des lances brisées qui jonchent le sol de la « Déroute de S. Romano » (panneaux de Londres et de Florence, 14561460?): elles esquissent un carrelage.

Quant à Piero, il suffit de rappeler sa « Flagellation» (vers 1456), qui contient, accomplies, toutes les spéculations des marqueteurs.

La fonction de ces diverses œuvres n'est pas discutée. Il en va tout autrement d’un petit groupe de panneaux énigmatiques aujourd'hui répartis entre Urbino, Baltimore et Berlin. Ce sont, matériellement parlant, des peintures; mais l’univers formel delà marqueterie y est entièrement assumé. Plus encore: le thème est aussi celui de la ville, dépouillé de toute anecdote. Les auteurs et surtout la destination de ces ouvrages ont fait l’objet d'une interminable polémique.

Peu importe ici que ces panneaux soient de Piero, de Francesco di Giorgio, de Luciano Laurana ou de quelque autre encore: c’est leur signification qui nous intéresse. P. Francastel (9) reproduit le panneau d'Urbin — qu'il estime de 1460 — sous le titre de «La scène comique» ; se référant à l'élucidation qu'en a tentée R. Krautheimer, il le considère comme la représentation-type d'une place publique destinée à servir de cadre à la nouvelle comédie. «En 1460, les villes italiennes n'étaient pas encore modernisées: ce ne sont pas les tableaux qui ont reproduit les villes — ou les scènes — modernes: la visualisation, au contraire, est partie des peintres et des littérateurs. La Renaissance a, d’abord, créé un cadre imaginaire. » A quoi Chastel réplique que la date est trop haute et l’interprétation trop rigide; il se range à l’avis de Sanpaolesi (10) qui voit dans ces ouvrages non des décors mais des architectures «idéales », contrairement à Krautheimer (11), lequel les considère « en fonction de la théorie des divers types de décors de théâtre selon Vitruve » ; le format, estime Chastel, fait notamment penser à des devants de coffre...

La polémique sur la fonction des panneaux s’est toutefois poursuivie avec des arguments nouveaux en faveur du décor. En 1954, paraissait un excellent essai de Licisco Magagnato, «Teatri italiani del Cinquecento » (12), qui décrit magistralement l’évolution du théâtre en Italie du XIV“ au début du XVII“ siècle et examine longuement le rapport marqueterie-panneaux-théâtre. On voit dans ce livre des peintures imitant la marqueterie, comme celles de la collection Strozzi, à Florence (1520), et certains dessins de Peruzzi et de Serlio, qui, très proches parents des panneaux d'Urbin, représentent explicitement des scènes de théâtre. Si la figuration de l'architecture idéale a abouti à la scène, s’ensuit-il qu’elle était, déjà beaucoup plus tôt, liée à la fonction théâtrale?

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Marqueterie du palais ducal de Gubbio ; exécution de Baccio Pontelli sur dessins de Francesco di Giorgio (conjectural) ; seconde moitié du XV' siècle Intarsien im Palast des Herzogs von Gubbio; Ausführung von Baccio Pontelli nach Zeichnungen von Francesco di Giorgio; (mutmaßlich); Zweite Hälfte des XV. Jahrhunderts Marquetry atthe Ducal Palace of Gubbio, executed by Baccio Pontelli after the drawings of Francesco di Giorgio (assumed). Second half of the XVth century Document: The Metropolitan Museum of Art, Rogers Fund, 1939. N.Y.

Magagnato, nous semble-t-il, fait faire à la solution de ce problème un progrès décisif. Il observe que lors de la représentation de la Calandria de Bibbiena, mise en scène en 1513 à Urbino par Balthasar Castiglione, le décor, tel qu’il est décrit par un contemporain, figure des bâtiments fort semblables à ceux du panneau de Baltimore, et placés dans le même ordre (13). L’interprétation de Krautheimer paraît ainsi réhabilitée: les panneaux que nous possédons pourraient s'expliquer, malgré leur forme inusitée, par une relation avec le théâtre.

Cette opinion est appuyée par A. Parronchi, enfin, dans une étude extrêmement ingénieuse et séduisante, quoique assez hasardée (14), où l'auteur conclut que les trois panneaux, peints à Florence, datent de 1518, que celui d'Urbin, dû à Franciabigio, représente le décorde la Mandragore de Machiavel, tandis que ceux de Baltimore et de Berlin, de Ridolfo del Ghirlandaio, reproduisent respectivement les décors de la Falargo et de la Nutrice de Lorenzo Strozzi.

Ce n'est d'ailleurs pas au XVe siècle, ni même en Italie, que la peinture et le théâtre nouent leurs premiers rapports. Il s'en faut. Partout, à la fin de la période gothique, la figuration sacrée s'inspirait directement du théâtre. Emile Mâle n'a-t-il pas démontré qu’à partir de la seconde moitié du XIV' siècle au moins, les scènes peintes avaient d'abord été jouées? (15). Chez les Flamands, les architectures où sont répartis les personnages reproduisent la disposition des jubés, des parvis ou des « mansions » élevées en plein air sur des tréteaux.

On connaît aussi l'Annonciation de Jacquemart de Hesdin qui figure dans les « Petites Heures du Duc de Berry » (16) : la Vierge et l'Archange sont sous lejubé, tandis que Dieu apparaît à l'étage. On objectera peut-être qu’il s’agit de thèmes nordiques, étrangers à l'évolution de l’art en Italie. Mais l'Annonciation de Piero, à Arezzo, révèle la même distribution...

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Pienza, 1459-1464; architecture et urbanisme de Bernardo Rossellino. (Photomontage) Pienza, 1459-1464; Architektur und Städtebau von Bernardo Rossellino. (Fotomontage) Pienza, 1459-1464. The architecture and urbanism of Bernardo Rossellino (Photomontage) 2

Ville idéale; marqueterie; détail d'une porte du palais ducal d'Urbin ; avant 1482 ; auteur incertain Idealstadt; Intarsien; Teilstück einer Türe des Herzogspalastes von Urbin; Künstler ungewiß The ideal town; marquetry; detail of a door of the Ducal Palace of Urbin; pre 1482; author unknown

Qu’il ne subsiste pas de traces d'une liaison indubitable entre nos trois panneaux et la représentation théâtrale, ne prouve pas l'inexistence de cette liaison. Certes, cela ne permet pas non plus d’affirmer que ces panneaux sont des projets de décors ! — Toutefois, les liens attestés entre la peinture et la scène inclinent en faveur d'une conclusion positive.

Eugenio Battisti, qui reprend et approfondit cette recherche dans « Rinascimento e Barocco » (17) interprète lui aussi le panneau de Berlin comme proscenium et scène, et restitue par hypothèse le décor du «Philodoxe» d'Alberti. Cet important article est toutefois consacré surtout à la reconstitution de la scène vitruvienne au XVe siècle ; il nous intéresse donc dans la mesure où il permet lui aussi de passer des panneaux, ou « perspectives », au théâtre.

1 2

Revenons à l'article de Chastel. « L'autorité des perspectives brunelleschiennes venait de la structure clairementintelligible qu'elles conféraient à l'espace; elles apportaient en même temps une méthode de construction pratique. L’armature simple des orthogonales et des lignes de fuite convergentes déterminait par le jeu des « intersections » un réseau géométrique; ce réseau se résolvait en un groupement de figures élémentaires faciles à découper, les carrés du dallage placés normalement à la surface devenant, dans l'effet perspectif, des trapèzes, les carrés tournés sur l'angle des losanges, etc... Ce qu'on recueillait au terme de la décomposition de l'espace se construisait sur le tableau comme un « puzzle », c'est-à-dire comme une marqueterie. Le principal résultat de la mise en perspective telle qu'on la calculait dans ces cas privilégiés, était donc de ramener les formes distribuées dans l'espace à des figures géométriques faciles à dessiner ; et inversement, l'emboîtement bien conduit de quelques figures géométriques suffisait à imposer irrésistiblement la troisième

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dimension... En somme, lafonction unifiante de la perspective exprime bien une pensée mathématique cohérente, mais le procédé d’analyse et de construction qui en résulte est la technique de la marqueterie. Le choix de l'exemple initial, la vue d'architectures urbaines, n'est donc pas indifférent. Les revêtements de marbres de couleur, les combinaisons de bandes et de panneaux sur les façades des édifices étaient depuis toujours familiers à l'imagination florentine ; ce sont ces dallages et ces décors géométriques qui intervenaient pour garantir la vigueur et la clarté de la représentation moderne. Et c'est pourquoi l'espace cristallin, centré et carrelé du Quattrocento, tout en arêtes et en «intersecazioni», est proprement, à l'origine, une espace « d'intarsia ». La nature abstraite et la fixité du répertoire de la marqueterie et, aussi, certaines habitudes durables de la peinture, ne se comprennent bien qu’à partir de cet accord. » Ce texte, en exposant parfaitement la nature des processus figuratifs en usage à la Renaissance, les ramène à une commune conception spatiale, géométrisée, démontable en éléments simples et juxtaposés, la séparation restant nettement indiquée.

Tout comme la marqueterie et la peinture, d'ailleurs, il qualifie aussi l'architecture de Brunelleschi, conçue comme un jeu d'écrans, de panneaux rapprochés et « montés », d'où résulte un espace strictement mesuré, non tant rythmique que métrique.

Il y a toutefois une différence essentielle entre les architectures « idéales » et la réalité multidimensionnelle de l'édifice bâti.

Du reste, à l'intérieur même du groupe formé par les marqueteries et les peintures (projets de décors ou tableaux de chevalet) se discernent déjà de sensibles nuances.

Kenneth M. Clark (18) a distingué à juste titre entre le simple arrangement perspectif et le sens spatial, entre géométrie, structure et relations. Il observe que la « Flagellation» (qu'il date de 1445) instaure une relation spatiale entre ses éléments, que Piero ne se contente pas d'une simple organisation en vertu du point de fuite, mais qu'il s’attache à résoudre le problème de la combinaison de la profondeur avec un schème.

Il n'en reste pas moins que, des vues de Brunelleschi aux panneaux d'Urbin et de Baltimore, on se meut dans un espace identique: celui de la perception visuelle.

Mais lorsque ces maquettes de décor deviennent décor, que des acteurs réels se déplacent sur le sol quadrillé, entre des bâtiments, qui, fussent-ils de bois, de stuc et de toile peinte, ont plusieurs dimensions, l’expérience s'enrichit. Certes, elle est encore spectacle.

Faisons un pas de plus: n'oublions pas que les auteurs de ces œuvres étaient à la fois peintres, mathématiciens, comédiographes, ingénieurs militaires, architectes et urbanistes. Les architectures idéales relèvent de la peinture par leur matière, du

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théâtre par leur fonction, mais aussi de l’urbanisme par leur thème. C'est ce qu'a bien senti Giedion (19) devant les minuscules personnages du panneau de Baltimore. Théâtre ou non, c'est une place qui est représentée; il l'interprète donc comme si c'était réellement un projet de place: « L’usage intelligent de niveaux différents, la conception spatiale, moderne d'une façon surprenante (20), révèlent l’expérience d'un sculpteur consommé. Les figures humaines éparses çà et là montrent qu’il voyait les colonnes dans l'espace, les plans divers et les sculptures en fonction des personnes en mouvement. » (Suit une pertinente allusion à l’œuvre de Giacometti ; le panneau d'Urbino incite à un parallèle non moins justifié avec les meilleures toiles de Chirico — qui devait d’ailleurs les connaître; comme elles, Chirico excelle dans l’imminence — et cela aussi rappelle la scène vide, pour un instant, au lever du rideau.) Nous parvenons ainsi, avec l’urbanisme, à un espace différent des précédents, parce que fondé sur l'espace physique. Celui de la marqueterie et de la peinture est seulement figuré; il n’est vécu qu'en imagination. Celui de la scène, dans la mesure où il forme une catégorie distincte, n’est pas accessible à quiconque: le spectateur le regarde du dehors, il n'y baigne pas. En urbanisme, l'expérience, de visuelle, devient avant tout motrice: elle requiert que l’on se déplace (21).

Pour Francastel et d'autres auteurs, l’architecture Renaissance a été inventée par les peintres bien avant que les architectes ne la réalisent (22). L'urbanisme ne ferait donc pas exception à cette règle; Giedion, à propos du panneau de Baltimore, confirme implicitement cette idée.

Pourtant, il serait injuste de méconnaître que l’application à l'espace «externe» de la métrique fondée sur la perspective est latente dès le début du Quattrocento. Brunelleschi lui-même aurait pu tirer toutes les conséquences de sa découverte s'il en avait eu le loisir. Bien qu'il n'ait laissé aucune façade achevée (la chapelle des Pazzi devait recevoir un fronton) et qu'aucun de ses programmes n'ait impliqué l'aménagement d'espaces externes, il est prouvé que, là encore, il était capable d’innover.

G.C. Argan (23), montrant à propos des Pazzi comment le Florentin concevait la liaison entre les espaces externe et interne, relève que ce dernier se projette sur la façade, qui l’exprime au dehors et répète sa valeur; la façade fonctionne comme le plan d'intersection de la pyramide visuelle, soit comme la zone où les profondeurs deviennent mesurables par comparaison et se constituent en proportions :’d'où une communication, une réciprocité " entre le dedans et le dehors de la boîte murale.

Cela signifie que Brunelleschi, en mesurant ses espaces internes, produisait nécessairement des conséquences du même

ordre pour l'espace entourant ses édifices.

En d’autres termes, la méthode de Brunelleschi, même appliquée uniquement à l'intérieur des édifices, entraînait des effets externes rigoureux. Le portique des Innocents, la chapelle des Pazzi, Santo Spirito dans sa rédaction originale — où les files de chapelles devaient former à l'extérieur un mur ondulé — témoignent de sa sensibilité à l'espace de l'urbanisme.

C’est cependant à Alberti qu'il devait appartenir, comme on sait, de transposer sur la façade, par des lésènes, la métrique modulaire qui informait les espaces internes de Brunelleschi. Mais le palais Rucellai, lieu de cette expérience, n’exerce pas une influence très forte sur la petite place triangulaire qu'il domine: projetée sur le plan de façade, sa distribution interne demeure un phénomène bidimensionnel. Il restait à appréhender l'espace externe comme tel, par un ensemble architectonique cohérent répondant aux recherches nouvelles en toutes ses parties.

La place « idéale » rêvée par les peintresarchitectes-théoriciens, celle qu'ils n'ont pu — comme ce fut probablement le cas pour Alberti — réaliser qu'à travers les illusions d'une scène fugitive, existe, quoique à un seul exemplaire. A Pienza, on passe enfin d'une hypothèse à une démonstration.

Relevons d’emblée que les plans de ce complexe monumental, sans doute de peu postérieurs à la « Flagellation », sont nettement antérieurs à la fois aux fameux trois panneaux et aux marqueteries représentant des cités imaginaires.

Pienza, au sud-est de Sienne, présente un ensemble de bâtiments construits de 1459 à 1463 par Bernardo Rossellino, Pie II étant maître de l’ouvrage. Les caractéristiques de cette brève zone répondent entièrement à la conception spatiale dont nous venons de suivre l'évolution. Ce n'est pas assez dire : à aucune autre création de l'urbanisme Renaissance ne s'applique mieux la remarque de Chastel suivant laquelle « la fonction unifiante de la perspective exprime bien une pensée mathématique cohérente, mais le procédé d'analyse et de construction qui en résulte est la technique de la marqueterie ».

Rossellino était un disciple d'Alberti.

C'était lui, déjà, qui avait conduit les travaux du palais Rucellai (1446-1451). A Pienza, il œuvre seul. Ce n'est pas un grand architecte: comme Michelozzo, son rôle consiste à traduire en prose le langage des novateurs. La cour du palais Piccolomini est assez rustaude, et les proportions de l'extérieur incertaines; la cathédrale ne témoigne pas non plus d’une extrême cohérence figurative (mais Pie II y est pour beaucoup): Rossellino y habille de formes Renaissance une structure toute

Piero della Francesca, Flagellation. Huile sur bois; palais ducal d’Urbin Piero della Francesca, Geißelung; Öl auf Holz; Herzogspalast von Urbin Piero della Francesca. Flagellation. Oils on wood; Ducal Palace of Urbin

Saint François, marqueterie de Lorenzo Canozzi da Lendinara, 1476; basilique Saint-Antoine, Padoue Heiliger Franziscus ; Intarsien von Lorenzo Canozzi da Lendinara, 1746 ; Basilika Sankt Anton ; Padua St. Francis, marquetry by Lorenzo Canozzi da Lendinara, 1476. Basilica St. Anthony, Padua.

gothique, tandis que la façade résonne des échos « romains » déjà chers à Alberti.

Mais l’importance n'est pas là. Rossellino, poursuivant la transposition commencée par son maître, applique pour la première fois la métrique brunelleschienne à une portion d’espace externe tout entière. La place n'est pas une ordonnance simple,faite de plans et bordée de portiques, comme le deviendra celle de SS. Annunziata à Florence. Elle est, façades et sol, soumise à une même loi, exprimée et même soulignée. Il ne s'agit pas d'un espace compris entre des édifices (comme une conséquence indirecte de leur groupement autour d’un «vide»), mais d'un espace déterminé et qualifié par eux, c’est-à-dire voulu comme tel. A Pienza, l'espace qui vibrait dans la « Flagellation » s’est incarné dans la cité.

Les rapports harmoniques sont devenus cage lumineuse à l'intérieur de laquelle on se déplace.

Tous les édifices obéissent à ce dessein unitaire — sauf le palais Nolli, jouxtant celui du Préteur, qu'on n’eut pas le temps de reconstruire (Rossellino et Pie II meurent en 1464).

La métrique s'exprime d'une part sur les façades: le palais Piccolomini se divise en pilastres et corniches selon la recette albertienne ; la cathédrale montre une triple et forte articulation verticale; la loggia du palazzo Pretorio présente son portique; le palais épiscopal s’intégre à l'ensemble par son volume et ses corniches.

La même métrique préside à la disposition du pavement: rectangles de briques en épi, placées de champ, que séparent des bandes de marbre répondant aux divisions verticales.

Au milieu de la place, un cercle de marbre indique le lieu géométrique de la composition : il forme en effet le centre de la circonférence idéale à laquelle toutes les

façades sont tangentes, sauf celle de la cathédrale, qui s'inscrit comme une corde.

Placé en ce point, le spectateur se comporte donc comme au foyer d'un édifice à plan central ; immobile, il n’est plus au centre, mais le centre; il devient «mesure de toute chose ».

Mais Pienza s'interprète surtout d'une autre manière. Lorsqu'on se tient à la sortie de la ruelle débouchant dans l'axe de la cathédrale, l’ordonnance qui s'offre au regard est d’une similitude étonnante avec celle du panneau d'Urbin: un cube perspectif où le bâtiment central — ici la cathédrale — refuse la profondeur de champ, tandis que les côtés de la scène sont fermés par des palais et qu'à droite comme à gauche du sanctuaire des échappées sur la campagne inscrivent de très belles «vedute» entre les architectures.

Dans l'un et l'autre cas, la disposition générale rappelle la place S. Giovanni telle

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que Brunelleschi l'avait peinte. A Pienza, l'expérience revient donc en quelque sorte à son point de départ: la révolution est accomplie...

Rossellino a créé un bloc d'air cristallin, dont les plans de clivage mesurent et ferment, par un jeu d'équivalences modulaires, un espace parfaitement défini. Tout ce que Chastel écrit de la technique des marqueteurs se vérifie ici : les éléments sont rapprochés, accolés comme des pièces de bois dans un cadre. La photographie, lorsqu’elle obéit aux axes ou qu'elle prend des vues « de coulisse » obtient des images qui sont les sœurs des marqueteries d'Urbin, du Santo de Padoue, des maquettes de décor.

Mais ici le théâtre s'est fait métaphorique: c’est celui de la vie quotidienne. Les personnages du panneau de Baltimore sont devenus vivants, tout en restant pris dans un système de coordonnées qui les situe comme des pions sur un échiquier. L'urbanisme seul était capable d’assumer, au niveau du réel, la synthèse de ces diverses composantes.

Cet univers est compté. Il est réseau avant d'être milieu. Tous ses éléments servent à mettre des relations en évidence. L’homme est néanmoins le maître de cette harmonie calculée, puisqu'il en est la mesure. C'est par cette organisation anthropocentrique que l’espace signifie. La métaphore du théâtre devient à son tour métaphore d’un ordre qui s'identifie avec une idée de la

société, c'est-à-dire avec une philosophie.

C’est un truisme d'énoncer que la place de Pienza atteste une conception immanente de l'univers: au milieu du XVe siècle, elle marque cet instant magnifique où l'homme croit pouvoir résoudre l'énigme du monde et de la vie en en réduisant les données à un petit nombre de catégories aisément maniables.

1. Cf. Alessandro Parronchi, «Le due tavole prospettiche del Brunelleschi », in « Paragone » no 107 et 109, Florence 1958.

2. « Paragone » no 107, p. 14. Le lieu d'exécution était en effet l'atelier, et non le motif.

3. Le second panneau aurait toutefois abandonné la vision par réflexion ; cf. « Paragone » 109, p. 21.

4. Cf. P. Francastel, « Peinture et Société, Lyon», 1951, p. 291 ss.

5. Cf. C. L. Ragghianti, « Procedimento del Canaletto » in Seie Arte no 42, juillet-août 1953, p. 33 ss., à propos de: Terisio Pignatti, «Il Quaderno di disegni del Canaletto alle Gallerie di Venezia», Venise 1959. Les Arabes avaient inventé la chambre noire au Xllle siècle — sans en tirer la perspective.

6. Cf. B.-A. Schmoll-Eisenweth, « Des origines, fonctions et possibilités créatrices de la photographie », in « Camera », Lucerne, no 3-1959, p. 19.

7. In « La Revue des Arts,» Paris, septembre 1953, p. 141 à 154.

8. La très savante étude de Parronchi, renouvelant entièrement le sujet, prouve que les tables brunelleschiennes n’ont pas été peintes à l'aide du système de I'« intersegazione ». Cela n’infirme cependant pas l’exposé de Chastel, fondé sur la manière dont les contemporains ont compris la leçon de Brunelleschi (en la rendant commune, ils la réduisirent à une recette ; Alberti lui-même en donnera une interprétation tendancieuse, qui finira par s'imposer; cf. «Paragone» 107, p. 25). Tout se passe donc comme si, aussitôt connue et adoptée, la découverte de Brunelleschi avait été assimilée au système des intersections.

9. Op. cit., p. 53.

10.

11.

12.

13.

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L'avenir, on le sait, s’est bientôt chargé de le détromper. Aux limites intellectuelles du Quattrocento répondaient nécessairement celles de sa volonté esthétique, qu'il est temps, pour conclure, de tracer brièvement.

Nous venons de constater que l’urbanisme de Rossellino, tout en descendant en ligne directe de Brunelleschi, par Alberti, procède avec des moyens identiques à ceux des marqueteurs. Pienza, c'est à la fois l’application de la marqueterie à l’échelle urbaine et l’idéal réalisé des fameux projets de décor: une sorte de trompe-l'œil devenu cité. La composante scénographique, que l'on donne pour particulière à l'urbanisme baroque, était donc déjà présente dès le Quattrocento (24). Tout se passe comme s'il existait une continuité entre l'espace pictural (figuré), l'espace théâtral (symbolique) et l'espace urbain (social). « Le baroque refuse que la ligne divisant la scène et le parterre soit visible », relève

In « Bolletino d'Arte», IV, 1949, p. 322 à 337.

In «Gazette des beaux-arts»,XXXIV, 1948, p.327 ss.

Venise, 1954.

Op. cit., p. 26-27.

14. Cf. «La Bibliofilia», 1962, p. 37 à 86. Voir aussi Ludovico Zorzi, « La scena veneta prima del Palladio », in «Comunità» no 119, mai 1964, p. 40 à 57, et Claudio Buttafava, « Visioni di città nelle opere d'arte del medioevo e del Rinascimento », Salto, Milan 1963.

15. Cf. «L’art religieux en France à la fin du moyen âge », Paris 1908.

16. Paris, Bibliothèque nationale.

17. Turin 1960; cf. chap. IV, «La visualizzazione della scena classica nella commedia umanistica», p. 96 à 111.

18. «Architectural Backgrounds in Renaissance Pictures », in «Journal of Royal Institute of British Architects», VII, 10 février 1934.

19. In «Space, Time and Architecture», Harvard 1954, p. 66.

20. Lisez : conforme aux canons du rationalisme architectonique 1920-30.

21. Précisons, pour éviter toute équivoque, que nous entendons ici le mot d’urbanisme au sens de «ville comme œuvre en soi » et non comme articulation d'une localité en zones, réseau routier, centres directeurs, etc., ni a fortiori comme problème économique, technique, social et politique de planification.

22. Cf. par exemple la «Crucifixion» de Masaccio, 1427 (Florence, Sainte-Marie Nouvelle).

23. In « Brunelleschi », Milan 1955.

Pevsner (25), qui ajoute: « il y a plus qu'un pur expédient scénique dans ce flux de la réalité à l'illusion et de l’illusion à la réalité...; la frontière entre notre monde et celui de l’art est annulée avec une suprême habileté»: remarques déjà partiellement valables au milieu du XVe siècle.

Comme toutes ces spéculations se fondaient sur le cube perspectif, principe pictural, l'urbanisme était condamné à modeler des épisodes isolés, — sans compter que l’arsenal dogmatique ne contenait pas de règle permettant de les coordonner. Pienza, malgré son intérêt, inaugurait donc une formule incapable d'évoluer, parce que d'emblée imperfectible : de la leçon des vues brunelleschiennes, on avait retiré tout ce qui pouvait l’être, mais, comme dans un syllogisme, on recueillait finalement ce que contenaient ses postulats, et rien de plus (26).

Tout l'urbanisme s’engouffra dans l'impasse (27). On sait les efforts gigantesques d'un Michel-Ange, au Capitole, pour briser comme de l'intérieur cet idéal statique. Il adoptera d'ailleurs une solution dont la place de Rossellino offrait déjà le germe, et dont on n'a pas encore, sauf erreur, analysé les motifs (28) : un plan trapézoïdal à symétrie centrale, dont il fera, un siècle plus tard, l'une des plus formidables machines à compresser l'espace qu’ait connue l'histoire de l'urbanisme.

André Corboz

24. Ceci.bienentendu.n'inflrmepaslavaleurexpress ve de la place. Même si le «temps » n’entre pas dans sa conception, il est introduit par le biais du mode d’appréhension : le mouvement.

25. N. Pevsner, «An Outline of European Architecture», Londres 1948, pp. 129 s.

26. Il n'est pas sans intérêt de relever que les deux sites dont Brunelleschi a tiré ses fameuses vues étaient — fatalement— médiévaux, c’est-à-dire qu'ils ne relevaient nullement des critères qui allaient sortir de leur observation. Le processus de rationalisation ne pouvait partir, cependant, que d'un objet déjà conçu dans le mode rationnel. Rien de nouveau dans cette remarque, mais elle atteste, une nième fois, la continuité entre le moyen âge et la Renaissance que certains s'obstinent encore à méconnaître.

27. A une seule exception, mais de taille: Biagio Rossetti élabore et réalise à partir de 1492 le plan régulateur de Ferrare, I'« Addizione Erculea,» sans être influencé par le dogmatisme florentin. De tous les urbanistes de la Renaissance, il est le seul qui ait su rationaliser le dynamisme de la ville médiévale. D’emblée, il surmonte donc les implications picturales de l'urbanisme Renaissance, à la faveur d'une conception si moderne qu'il aura fallu attendre l'architecture organique pour la percevoir. Expérience, hélas, sans lendemain. Rossetti, incompris, est en outre systématiquement négligé des historiens, du moins jusqu'au grand ouvrage de B. Zevi : «Biagio Rossetti, architetto ferrarese, il primo urbanista moderno europeo », Turin 1960.

28. L. H. Heydenreich, «Pius II. als Bauherr von Pienza», in «Zeitschrift für Kunstgeschichte», Berlin 1937, p. 142, y fait une timide allusion.

Panneau d’Urbin; huile sur bois; date et auteur controversés Wandmalerei auf Holz, Urbin; Datum und Künstler umstritten Panel at Urbin; oils on wood; date and author uncertain

Panneau de Berlin ; huile sur bois ; date et auteur controversés Wandmalerei auf Holz, Berlin ; Datum und Künstler umstritten Panel at Berlin ; oils on wood ; date and author uncertain

Panneau de Baltimore; huile sur bois; date et auteur controversés Wandmalerei auf Holz, Baltimore; Datum und Künstler umstritten Panel at Baltimore; oils on wood; date and author uncertain Courtesy of the Walters Art Gallery, Baltimore

Photos: Editions Alinari, Florence; Staatliche Museen zu Berlin; M. Arceci ; Danesin, Padoue