Wie steht es um die abstrakte Kunst?

Vor dreißig Jahren proklamierte Marcel Breuer den grundlegend menschlichen Charakter der neuen Architektur als einer Architektur, die dem menschlichen Denken, seinem Verstand, seinen Ansprüchen und seinen Gesetzen mehr als denen der Natur entspricht. Seinen Worten zufolge betrachtet der Autor die abstrakte Kunst ebenfalls als eine Kunst der menschlichen Gesellschaft unseres Zeitalters und er versucht, uns in einigen Zeilen einen kurzen Abriß zu geben, eine Bilanz der gegenwärtigen Situation zu ziehen. « Steht die abstrakte Kunst in einer Krise » , die ebensosehr durch die Tatsache, daß ihre Geburt auf den Beginn des Jahrhunderts zurückgeht, hervorgerufen wurde, wie durch die heftige Reaktion einer Reihe andersartiger Bewegungen, wie des Tachismus, des Unformellen, der Pop-Kunst? Offensichtlich, ja: was aber gerade ihre Vitalität beweist. Die alten « abstrakten » Künstler übrigens verändern und bereichern Ihre Ausdrucksweise unermüdlich, die Kritik hat angefangen, Bekannte und weniger Bekannte zu suchen. In der Sowjet-Union studiert man endlich die Werke der Künstler, die in den zwanziger Jahren die große Bewegung der russischen Avant-Garde gründeten, und ganz besonders diejenigen Malevitsch's, Maler der reinen Abstraktion ; zur gleichen Zeit baut die junge Generation auf der ganzen Welt ihre originelle Ausdrucksweise auf den Gegebenheiten der abstrakten Kunst auf. Schließlich bringen uns einige Bemerkungen zum Problem der Integration der Plastik in die Architektur zu praktischen Fragen zurück, die menschliche Gesellschaft und Paradoxa der zeitgenössischen Kultur gleichzeitig betreffen.

Abstract art today 30 years ago, Marcel Breuer underlined the completely human character of the new architecture which seemed to correspond more to man’s thoughts, his reason, his demands and his laws than it did to the laws of nature. The author carries these thoughts further In considering abstract art as the art of the human environment of our century and sets out a short history clarifying the present situation.

Is there a crisis in abstract art at the moment, brought about as much by the multiplicity of other movements—tachlsm, the Informal, pop art, etc. — as by the fact that it dates back from the beginning of the century? The answer Is clearly yes, although this only proves its vitality. The older generation of abstract artists are constantly changing and enriching their style; critics are beginning to research little known and unknown artists; in the U.S.S.R. the work of the artists who in the twenties created the avant-garde movement In Russia is beginning to be studied —particularly that of Malevitch, the pure abstractionist. Meanwhile the younger generation of artists draws freely on the abstract movement in the elaboration of their own styles. In conclusion the author discusses the problem of the integration of the plastic arts with architecture, bringing us back to the practical aspects of the human environment and the paradoxes of contemporary culture.

A che punto siamo con l’arte astratta ?

Marcel Breuer proclamava, circa trent'annl or sono, il carattere essenzialmente umano della nuova architettura come architettura corrispondente al pensiero deH'uomo, alla sua ragione, alle sue esigenze e alle sue leggi, più che alle leggi della "natura". In base a queste parole, l'autore considera anche l’arte astratta come l'arte dell'ambiente umano del nostro secolo, e cerca di tracciarne in poche righe una breve storia, al fine di stabilire un bilancio della situazione attuale. Esiste una “crisi" dell'arte astratta, provocata, sia dal fatto che la sua nascita risale agli inizi del secolo, sia dalla violenta reazione di una serie di movimenti polemici, il "tachisme”, l'informale, la pop—art? SI, evidentemente: ma questo prova la sua vitalità. I vecchi artisti "astratti”, d’altronde, modificano e arricchiscono incessantemente il lorro linguaggio, la critica comincia a ricercare quelli ignoti e i poco noti, nell'U.R.S.S. si stanno finalmente studiando le opere degli artisti che, negli anni venti, hanno creato il grande movimento dell'avanguardia russa, e soprattutto quelle di Malevitch, il pittore della pura astrazione; mentre i giovani, un po' dappertutto, elaborano sui dati dell'arte astratta II loro linguaggio originale. E, perfinire, qualche nota sul problema dell'integrazione delle arti plastiche all'architettura ci riporta alle questioni pratiche concernenti, nel medesimo tempo, l’ambiente umano e I paradossi della cultura contemporanea.

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Dónde nos encontramos con el arte abstracto?

Marcel Breuer proclamaba, hace unos 30 aöos atrâs, el caràcter profundamente humano de la nueva arquitectura slempre que la arqultectura corresponda al pensamiento del hombre, a su razón, a sus exlgencìas y a sus leyes antes que a las leyes de la « naturaleza ».

Segün estas palabras, el autor considera igualmente el arte abstracto corno el arte del ambiente humano de nuestro siglo y trata de darnos en algunas tineas una corta hlstoria, a fin de establecer un balance de la situación actual. £ Existe una «crisis» del arte abstracto, provocada tanto por el hecho de que su nacimlento remonta al comienzo del siglo, corno por la violenta reacción de una serie de « otros » movlmientos, el « tachisme », el Informai, el « pop-art »-? Evidentemente, s( : pero esto demuestra su vitalldad. Los viejos artistas « abstractos », ademés, modiflcan y enrlquecen continuamente su lenguaje, la critica comienza a buscar de nuevo los desconocidos y los poco conocidos. En U.R.S.S., se estudian finalmente las obras de los artistas que, en los aftos veinte, crearon el gran movimiento de la vanguardia rusa, y sobre todo las de Malévitch, pintor de la abstracción pura, mientras que los Jóvenes, un poco por todas partes, preparan su lenguaje originai tornando en cuenta los antecedentes del arte abstracto. Y, para terminar, algunas observaciones sobre el problema de la Integraclón de las artes plàsticas a la arquitectura nos llevan a las cuestiones pràcticas concernientes, al mismo tiempo, al medio ambiente humano y a las paradojas de la cultura contemporànea.

Où en sommes-nous avec l’art abstrait ?

Giulia Veronesi

Il y a une trentaine d'années, l'un des protagonistes de la grande aventure des arts du siècle, Marcel Breuer, publia un texte très précis et très intéressant sur ia nouvelle architecture, autour de laquelle la culture internationale avait engagé une lutte acharnée : pour ou contre.

« C'est une architecture de cristal », écrivait-il. «Ses formes correspondent à la pensée humaine, aux lois et aux fonctions humaines. Elle représente, par sa forme, la garde des exigences des hommes, de leur vie et de leur maison.

Ses formes sont différentes de celles de la nature et des êtres organiques. Elle est l’expression de la nature humaine et se distingue foncièrement de tout ce qui est naturel. » Il faudra toujours se rappeler ces mots simples et clairs pour retrouver le vrai sens de l'architecture de notre temps, trop souvent jugée inhumaine; en quoi donc est-on humain sinon dans le pouvoir de notre pensée, de notre esprit, de notre raison ? La cité — non pas la nature, bois ou pierre — est le milieu humain.

La cité, témoin de l'homme, organise par son architecture, par sa forme, la vie humaine, avec «sa» verdure, «ses» bois, «ses» pierres, «ses» plages, mais surtout avec ses lois, sa liberté, sa beauté, son art. Qui, pour la cité du temps de Breuer — de notre temps — n'est autre chose que l'art dit « abstrait », né justement avec cette même architecture et, comme elle, fonction des «exigences des hommes, de leur vie, de leur maison ».

Où en sommes-nous maintenant avec l'art abstrait? Il est temps de poser la question; on l'a, d'ailleurs, déjà posée.

Un demi-siècle, ce n’est pas «l’espace d'un matin»; et l’art abstrait a, justement, un demi-siècle de vie. On comprend donc qu’on l'ait remis en question, que l'on soit revenu à l'ancienne querelle de ses débuts. On comprend que l'on ait voulu — après avoir établi un bilan, bien difficile, sur des documents encore en partie inconnus et même parfois introuvables — le « vérifier » rigoureusement.

Il en est découlé que la forme « pure », ou « absolue », ou « non objective », ou « non figurative », ou — finalement, et nous en passons — « abstraite », dans toutes ses variations, la géométrique de Mondrian ou la fantaisiste de Kandinsky, la violente de Schneider ou la délicate de Wols, ce langage plastique qui un beau jour a voulu se donner pour modèle le langage de la musique et celui de l’architecture, se refusant à jamais au service traditionnel de l’illustration mimétique afin d’atteindre une liberté totale, cette forme apparaît aujourd'hui plus que jamais — et même au-delà de toute « crise » probable ou réelle, de langage ou d'actualité historique — l’une des conquêtes capitales de la culture moderne, de l'esprit contemporain; qui ne renie pas pour cela les valeurs et l'actualité encore possible — depuis Picasso et Dubuffet jusqu'à Ben Shan et à Berni — des conquêtes précédentes, dans les œuvres authentiques de l’art figuratif.

Déchus — vis-à-vis de l’actualité — les impressionnismes et les expressionnismes immédiats de I'« informel », par le rythme absurde dont les modes évoluent, c'est toujours dans le cadre de l'expression abstraite qu'on a vu naître l’un après l'autre les courants de la « new vision », qui essayaient la collaboration — ou la combinaison — paradoxale de l'art et de la science, par des jeux d'optique en trompe-l'œil et surtout par des recherches de mouvement réel (non pas métaphysique et illusoire: en bref, non pas pictural), un mouvement obtenu par des petits engins mécaniques élémentaires qui font songer aux expériences des physiciens de l'illuminisme se proposant la divulgation des principes élémentaires de la mécanique par des jouets animés.

Il ne faut pas réduire à ceci, évidemment, tout ce qu'on a fait dans ce domaine, et surtout il ne faut pas oublier la charge polémique qui a poussé les artistes si loin dans leur réaction au désordre — élu et voulu — des taches et de la non-forme ; d'autant plus que certains résultats sont étonnants, aussi bien par la magie du « temps » introduit visiblement dans l'expression plastique (auquel correspond l’évidence du « relatif » de la forme) que par la découverte d'immenses possibilités inconnues jusqu’ici : celle, par exemple, du « piano à couleurs » présenté à Paris l'année dernière au Musée des Arts Décoratifs par Nicolas Schöffer. Au pôle opposé — au royaume de l'art « autre », de l'art du « geste » — on arrive au « signe », c'est-à-dire aux frontières du symbole, par le Zen (assez superficiellement assumé, d'ailleurs, en Occident, sans se soucier du fait que le Zen correspond à une religion et ne peut exister sans s’y rattacher), qui nous introduit au mystère des calligraphies d'Extrême-Orient; qu'il suffise, ici, de nommer le peintre chinois Li-Yuen-Chia, auquel un point d'or, ou noir, ou rouge, minuscule, peut suffire pour remplir l'espace tout blanc d'une toile et dont la source Zen est authentique; et le Belge Aleschinsky, qui en a intelligemment tiré parti sans aucune mystification. Qui donc pourrait fixer des limites à l'art abstrait?

Entre-temps, que sont-ils devenus, que deviennent les peintres qui ont imaginé, les premiers, un art non figuratif, qui ont lutté — il y a des dizaines d’années, déjà — pour en affirmer le droit de vivre, contre de longs siècles de tradition et des armées d’artistes et de critiques incapables

d’accepter la grande révolte? Eh bien, ceux-là qui croyaient à cette image nouvelle de l'art, à sa signification et à leur propre travail (les autres n'ont aucun intérêt) cherchent à renouveler, à enrichir leur langage par des expériences subtiles et diverses: depuis Albers jusqu'à Richter, depuis Vantongerloo jusqu’à Hartung, depuis Lucio Fontana jusqu'à César Domela; tandis que d'autres, restés trop à l’écart, sont en train de percer le voile d’ombre qui les sépare des plus connus, grâce, justement, au travail de quelques critiques finalement penchés sur le demi-siècle de vie de l’art abstrait pour établir ce bilan, désormais improrogeable, dont nous avons parlé' : depuis le Russe Charchoune jusqu'au Sud-Américain Pettoruti, que Paris vient de découvrir; depuis l'Italien Veronesi jusqu'au Polonais Janikovskj, parmi tant d’autres. Et dans tous les pays des jeunes existent qui n’ont pas peur de trahir l'indépendance et l’originalité de leur langage en acceptant les données toujours valables de cette peinture vivante: tels le Suisse Jean Baier, ou l'Italien Arturo Bonfanti.

L’alternative art abstrait-art figuratif ne se pose plus du tout, maintenant, dans les termes conventionnels d'il y a encore trente ans. Il existe dans le cadre du «pop art» une «nouvelle figuration» dont on ne voit pas les débouchés possibles et qui, d'ailleurs, n'a pas donné, jusqu’ici, des œuvres importantes. Au contraire, l'art abstrait subit ses propres crises et les résout en tant que crises de langage, mais aussi, évidemment, de contenu. Il se modifie et renouvelle, se pose des problèmes et des questions, comme il en est toujours de l'art dans tous ses temps de vie, dans toutes ses définitions : del'artentantquedélivrance de l'esprit dans l'univers fantastique, en tant que «communication» désintéressée, la plus désintéressée qui soit.

A ce propos, il ne sera pas déplacé, ici, de rappeler que dans l’U.R.S.S. on est en train de renouer les fils brisés d'une expérience «abstraite» qui fut, peutêtre, la première dans le monde entier à se donner la structure d’un «mouvement », à se réaliser — c'est-à-dire-comme le fait de la conscience critique d’une culture totale, vivante et mouvante, non seulement comme la fulguration ou I’« essai» ou la révolte isolée de quelques individus. Ces tendances, très marquées en Russie pendant les années de la guerre 1915-1918 et de la Révolution, on les groupe d'habitude en deux courants : le futurisme, d'abord, concernant surtout la peinture, et le constructivisme, dix ans plus tard, concernant surtout l'architecture. Mais, avec Malévitch, l'abstraction est présente et active en Russie dans sa forme la plus pure et exacte, si bien que ce peintre appartient aussi à l'histoire de la « Bauhaus », ayant fait partie de son équipe et publié dans la série des «Bauhausbücher» son texte le plus important.

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Le fait que ces œuvres — de Malévitch et d’autres — restaient à récupérer à l'histoire actuelle de l'art européen a empêché les courants « géométriques » de l'art abstrait d’être relégués dans l'histoire « passée » — ou dépassée, comme l'auraient prétendu les mouvements, du tachisme à l'informel qui refusaient toute ingérence de la raison (c'est-à-dire, pour les esprits simples, tout élément géométrique) dans la praxis de l'art. Ces « impromptus » chromatiques — de tache ou de matière — ont été parfois des chefsd'ceuvre; mais la formule n’a pas tenu longtemps: la couleur elle-même y était bien souvent réduite à un contrepoint de taches monochromes dans le gris ou le brun (que l'on songe seulement à l’Espagnol Fejto, l'un des vrais peintres de l'informel). Partant, malgré certains noms et certaines œuvres non périssables, la « lignée » qui date le moins est peut-être celle qui — dépouillée de tout le côté orgiastique des grandes et épaisG. Schneider, 1964

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ses touches de couleur, du tourbillon chromatique (très séduisant et inquiétant, surtout dans les toiles de quelques peintres américains) qui ont envahi les toiles jeunes du monde entier pendant une saison — a essayé, au contraire, d'introduire dans cette liberté sans limites un contenu, une chose à dire, une raison d'être précédant la peinture (et par conséquent des limites), en se reliant, par exemple, au Zen.

Une «chose à dire» millénaire: c'est cela que le monde actuel demandait?

Sur cette situation internationale (les caractères nationaux ne sont pas, ne sont jamais les plus importants, dans ce domaine), il y a bien peu d’années — et le sommet ne dépasse pas 1964 — une réaction bruyante, qui a remis en question tout l’art abstrait non pas seulement dans sa réalité mais aussi dans sa définition critique, dans sa justification la plus haute, a éclaté, comme une bombe, par le soi-disant réalisme du «pop art».

C'était la protestation de l’objet contre le non-objectif, la révolte de la réalité au décantage que les philtres de l'abstraction en avaient effectué. Toutefois, maintenant que les clameurs se sont tues et que l'on commence à soupçonner d'avoir jeté trop de millions dans l'affaire « pop », malgré l'intérêt, sur le plan social, des exigences que cet « assaut » des artistes, aux Etats-Unis, nous a révélé (les exploitations des marchands sont, naturellement, autre chose, même en considérant leur poids), on y voit suffisamment clair : on voit, par exemple, que ce n’était pas une révolte de la peinture, tout en étant (le paradoxe n’est qu'apparent) une révolte des peintres. De certains peintres.

Il s'agissait, justement, du contraire : les origines du « pop art » sont à rechercher d'abord — sans remonter, comme il serait tout de même nécessaire, jusqu'à la philosophie du « phénomène » — dans les suggestions de plus en plus puissantes (voir « Le Mépris » de Godard)

Arturo Bonfanti, huile, 70 x 60 cm, 1964

du cinéma, avec ses premiers plans éloquents, ses objets qu’anime et remplit de magie le rapprochement hors mesure à l'œil ; et, plus directement, on les trouvera dans I’« école du regard » du roman français d'il y a un an, deux ans, avec son fétichisme de l'objet vu de près, de l'objet protagoniste, mais non pas à la façon dadaïste (comme il a été dit, parfois) : car, maintenant, il s'agissait d’opposer à l'absolu de la « forme » l’absolu — non pas le banal, comme chez les dadaïstes — de la réalité. C’est-à-dire, encore (il est donc inévitable), une nouvelle image de la réalité: les objets réels étaient même déguisés sous une couche de couleur unie, chez certains peintres: rouge, ou blanc, ou autre. Une image qui se proposait de se surposer à l'image «abstraite » — essentielle—jusqu'à l'effacer.

Quel en a été le résultat, finalement?

A-t-il, ce nouveau réalisme, repoussé et classé définitivement au-delà des limites d’une période historique (qu'il voudrait close) l'art abstrait, un art qui, d'ailleurs,

était né comme «forme», la forme unique d’une essence historique prévue, annoncée, mais toujours non réalisée?

Il ne serait pas aisé de l’affirmer; les contrastes, cinquante ans n'ont pas réussi à les composer. Mais, à travers toutes les crises et les retours en arrière, à travers toutes les complications et les simplifications, un fait demeure: la « libération » opérée dans le langage expressif par cette réduction à l’essentiel, par cette «intériorisation» des raisons et des motifs de pure forme, qui a été, il y a cinquante ans, l'invention de l’art abstrait. Et dont tout l’art contemporain, même le figuratif, est redevable; dont toutes les nouvelles folies des jeunes — ces éternels anarchistes à la recherche d'un ordre nouveau — découlent, « pour en finir» — déclarent-ils, tout simplement — « avec l'art ».

Mais, depuis la naissance de l’art abstrait, il s'est produit dans notre siècle, sur le plan des réalisations pratiques, un autre phénomène étrange et presque inexplicables : le refus, de la part des architectes, de considérer en général l'œuvre d'art pictural ou plastique comme indispensable, aussi bien pour la vie de l'architecture que pour celle des êtres humains. Ces iconoclastes ont dépouillé nos parois, ont blanchi tous nos murs, ont méprisé nos tableaux: l’espace dont ils recherchaient une définition dans la forme devait être vide. Absolument vide.

Les philosophes, les psychologues pourraient expliquer cet « amor vacui» («l'angoisse existentielle» ne suffit pas à l’expliquer), bien mieux que nous, les critiques, qui voyons, d'autre part, les efforts accomplis par les créateurs de l'architecture dépouillée, depuis Le Corbusier jusqu’à Gropius, pour essayer de retrouver l'équilibre, cette intégration des arts dont il est impossible de se passer, et que le « Bauhaus » n’avait pas négligé: au contraire.

On refuse les toiles, les œuvres d'art à notre taille, à qui nous demandons de nous accompagner dans notre vie, même

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lorsque nous déménageons, pour essayer de reprendre des techniques périmées: la fresque, par exemple, après la mosaïque. Mais les jardins sont en général vides; et vides les grandes terrasses créées par les architectes de nos jours.

Pourquoi ? Ce problème se pose partout ; André Bloc a essayé de le résoudre, il y a quelques années, en organisantà Paris, chez le groupe « Espace » (art abstrait), une collaboration internationale, active, entre les architectes, les peintres, les sculpteurs. En Italie, la Triennale de Milan a choisi une fois le thème de l’intégration des arts, afin d’en venir à des propos valables. Mais tout, ou presque tout, a échoué. Le divorce entre l'architecture et les arts plastiques va être sans fin, même si quelques mosaïques en plein air (voir le musée Léger en France, le parc Pagani près de Milan), ou quelques reliefs (comme les reliefs de Nivola en Amérique) nous prouvent que l'intégration souhaitée n’est pas impossible.

Là, il faut ajouter que l'art abstrait nous semble — aujourd'hui — le plus propre à intégrer l'architecture contemporaine, dont il partage les exigences, les origines, le destin.

Giulia Veronesi 1 II est bien de rappeler, parmi les premières manifestations de recherche et d’étude sur l'art abstrait, l'exposition «Art abstrait, les premières générations (1910-1939) », organisée en France par Maurice Allemand, au Musée d'Art et Industrie de Saint-Etienne, en 1957.

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1 Luigi Veronesi, 1963 2

E. Chillida. 55x 70 cm. 1963.

Photo Galerie Maeght 3 Mark Rothko. 266 x 230 cm. 1960

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