Kunio Mayehawa Tokyo
Formes et Fonctions
Saitama Community Center K. Mayekawa, architecte Auditorium et immeuble administratif
Après une éclipse à peu près totale de cent ans, pendant laquelle on avait perdu de vue le principe qui avait dominé l’architecture, la Forme et la Fonction paraissent avoir été les deux éléments fondamentaux avec lesquels on a essayé d’analyser et de résoudre les problèmes de l’architecture, surtout au commencement du XXe siècle, pourtant avec une prédilection tantôt pour la Forme et tantôt pour la Fonction, dont l’expressionisme et le fonctionalisme sont les témoins.
Evidemment, la Structure et la Fonction sont les deux éléments fondamentaux qui résident à la base même de toutes les existences dans le cosmos, soit dans le monde organique, soit dans le monde inorganique.
Tout ce qui existe dans l’univers, ce sont les existences-temps et espace; l'existence-
Photos Yoshio Watanabe
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1 Saitama Community Center Vue du nord. Esplanade, auditorium à gauche et immeuble administratif à droite
2 Auditorium
temps qui doit avoir une certaine durée du temps doit être quelque chose qui travaille, devient et fonctionne, donc doit avoir une Fonction, tandis que « l’existence-espace », qui doit avoir une certaine étendue et une profondeur, doit avoir nécessairement une Structure, donc une Forme.
L’architecture, se trouvant elle aussi parmi les existences dans l’univers, ne peut pas faire exception à ce principe de toutes les existences qui doivent être « l’existencetemps et espace », donc elle doit être la synthèse dialectique de la Structure et de la Fonction, mais, étant donné qu’elle est une création humaine au lieu d’une création divine, elle doit être en même temps la synthèse dialectique de la Structure, de la Fonction et en plus du symbole humain.
La crise de l’architecture dans le XIXe siècle a été évoquée uniquement par le bouleversement complet de la technologie traditionnelle et par la révolution économique et sociale, qui ont donné les impacts inouis aux Structure et Fonction, anéantissant complètement la discipline de la Forme des siècles passés.
L’architecture moderne du XXe siècle a continué le tâtonnement pénible pour retrouver le principe et le système qui se cachent dans la création divine et la création humaine, pour se sauver de l'éclectisme du XIXe siècle. Malheureusement, la réussite ne paraît qu’à moitié, et aujour42
d’hui il y a le grand danger pour l’architecture moderne d’être la proie d’une autre crise: celle du Symbole Flumain qui pourrait être détruit par la violence du machinisme, malgré n’importe quel sociologue politique, et dont les architectes eux-mêmes paraissent être complètement inconscients et insouciants.
Je me souviens d’un poème japonais qui dit: « Un palais splendide, mais nulle noblesse n’y réside ».
Je me demande, quand «il n’y a nulle noblesse », comment peut-on bâtir « un palais splendide »? Si ce sont les architectes eux-mêmes qui sont déjà inconscients et insouciants de cette faillibilité du machinisme, comment peuvent-ils répondre aux exigences de la société contemporaine pour le rétablissement des environnements humains?
Structure et Fonction, je le répète, sont les principes universels qui se trouvent dans toutes les existences sur la terre, et Forme et Fonction peuvent être considérées comme les principes qui gouvernent toute l’architecture, dont la Forme est la synthèse du Symbole Humain et la Structure.
La signification de la présente crise serait que la synthèse ci-dessus mentionnée est actuellement en danger par le désordre du machinisme.
Il y a longtemps que l’on parle vainement de la conciliation du machinisme et de l’humanité. L’heureuse spontanéité qui se trouvait si brillamment dans les milieux humains a disparu depuis longtemps.
C’était le politicien éminent Adlai Stevenson, décédé récemment en Angleterre, qui avait dit qu’aujourd’hui, il n’y a plus de danger d’être esclave, mais il y a le danger d’être robot. C’est précisément pour cela que je me suis demandé comment peut-on bâtir « un palais splendide » quand il n’y a « nulle noblesse ». Tout le monde, y compris les architectes, est en passe de devenir robots; comment peuvent-ils alors ressusciter la spontanéité qui est le seul témoin de l’être humain?
Les mots murmurés au commencement du XXe siècle par Paul Valéry continuent encore à tinter à mon oreille: « est-ce que l’esprit humain peut nous tirer de la situation dans laquelle l’esprit humain nous a mis? » Sans doute, il n’y a que l’esprit humain qui puisse créer un monde nouveau pour tirer l’humanité de la présente situation, comme il avait fait depuis l’aube de l’histoire humaine, en créant toujours l’environnement neuf, en partant des conditions qui l’avaient entouré.
La vie ne sera créée que par la vie et dans la vie elle-même !
Kunio Mayekawa