Ionei Schein Paris

Forntes et fonctions Photos T. Cugini

Lorsque j’affirme que Brasilia est l’enterrement de première classe du fonctionnalisme et les sculptures-habitables d’André Bloc la faillite du formalisme-intellectualisant ■— il en résulte logiquement que le divorce des formes et des fonctions est consumé. C’est l’aspect le plus visible, le plus immédiat, le plus enseignant de cette constatation. 11 y a aussi l’aspect morphologique du non-sens qui voulait que la forme exprimât la fonction : à une fonction donnée pouvaient correspondre plusieurs formes, dont le degré de beauté subjective était différencié par l’attitude créatrice de son auteur.

Il y a encore cette précaire et inconcevable vérité qui voulait qu’une forme soit belle seulement quand elle s’accordait à une seule fonction, prédominante; l’influx que la fonction trouve ainsi dans la forme, constitue le reflux qu’exerce sur le spectateur (ou sur l’utilisateur) l’œuvre ellemême Si on analyse les composantes objectives de la « forme » on constate aisément que des vecteurs de valeur très inégale concourent à son aboutissement et que le vecteur « fonction » n’en est qu’un, très limité et de densité variable.

Inversement, les composantes de la « fonction » ne sont pas des vecteurs formels; ils le deviennent quand la fonction-idée se transforme en une réalité. Pour objectiver

la fonction on a nécessairement besoin d’une forme; mais pour cela il se propose à nous un éventail de formes; il faut faire un choix !

Ainsi apparaît la contradiction de base qui dissocie intrinsèquement la forme de la fonction: le choix est formel et non intellectuel; à l’unicité rigoureuse impliquée par la fonction, la forme oppose des choix !

Ce raisonnement a des racines dans un environnement logistique normal, dans un déroulement historique sans accidents mutationnels! Mais la réalité évolutive contemporaine fournit un tout autre contenu au raisonnement en question. Les entités vivantes de notre univers, « révélatrices de programmes essentiels », fournissent au monde, après le pluralisme formel, le pluralisme fonctionnel! De quoi changer la physionomie du cadre de vie et la démarche même de l’homme-consommateur et de l’homme-contemplateur à l’intérieur de ce cadre.

La liberté gestuelle et intellectuelle de l’individu qui seule peut assumer la liberté de la société, implique une création de lieux plurifonctionnels et simultanément multiformes. Le cheminement convergent de cette idée de base contient la totalité des actions nécessaires à la formation d’un cadre de vie accordé à son contenu dynamique. La perception « singulière » que l’homme avait jusqu’à maintenant de l’es-

pace, se trouve abolie et remplacée par une perception à caractère pluraliste (pluridirectionnel). Ainsi, formes et fonctions se confondent, sans différenciation possible dans le temps et dans l’espace: mutation essentielle de notre temps.

Un langage construit doit être créé pour pouvoir contenir cette nouvelle réalité et simultanément, pour permettre son développement qui, de son côté, doit nous acheminer vers d’autres mutations.

La simultanéité de la forme et de la fonction et la possibilité conjuguée qu’elles ont de provoquer, l’une et l’autre, des changements parallèles, conjoints ou disjoints, entraîne la modification urbanistique et architecturale.

Cela s’accorde aux nouveaux rythmes de vie, donc d’échanges; aux nouvelles structures sociales; aux bouleversements que subit la cellule familiale; à cette nouvelle échelle des valeurs que la société en restructuration met en place.

... Ainsi devront évoluer, Urbanisme, Architecture, Formes et Fonctions!

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