U. R. S. S.
Voici quelques années déjà que l’architecture soviétique a résolument abandonné certains canons éculés ayant longuement entravé son évolution naturelle. Après l’essor exceptionnel qui caractérisa la période post-révolutionnaire et se prolongea jusque vers 1935, diverses circonstances dont je n’ai pas à parler ici amenèrent le règne d’une architecture aberrante. Ce tournant eut les plus funestes conséquences tant sur le plan de l’évolution intérieure qu’à l’extérieur, au point que beaucoup de nos confrères de l’étranger s’étaient habitués à éliminer automatiquement notre pays chaque fois qu’ils procédaient à un tour d’horizon de l’architecture mondiale.
Je ne pense pas être dans l’erreur en affirmant que cette période est révolue, cet état d’esprit en train de faire long feu. J’ai eu l’occasion ces trois dernières années d’assister en qualité d’architecte-interprète à différentes manifestations internationales (commissions de l’U.I.A., Exécutif de l’U.I.A., rencontres professionnelles) ayant réuni à Moscou d’éminents architectes de tous pays. Leur réaction devant ce qu’ils voyaient ici, fort variée, suivait le plus souvent un schéma identique : intérêt poli, étonnement amusé d’abord, remplacés bientôt par ce que j’appellerai une sympathie déférente et même une certaine ...
jalousie.
Je m’explique. Nul de nos confrères qui viennent pour la première fois en U.R.S.S.
ou renouvellent un ancien séjour (le terme « ancien », chez nous, pouvant ne couvrir que quelques années) ne peut rester insensible à l’immense effort de construction entrepris à travers tout le pays. Mais ceci resterait un fait économique et social. Ce qui séduit nos visiteurs, c’est l’évolution même de notre architecture, son aspect sain et robuste fondé en un certain sens sur la permanence des traditions nées en 19201930, dans un contexte social et économique renouvelé. Une évolution extrêmement rapide, s’effectuant en surface et en profondeur. A un moment où les diverses écoles mondiales semblent à bout de souffle et cherchent une issue dans des pirouettes
220
parfois aventureuses, l’architecture soviétique, au contraire, connaît une période de gestation féconde et cherche à s’affirmer notamment à travers un structuralisme du meilleur aloi. Disons que les conditions mêmes de notre activité mènent objectivement à l’usage avoué des éléments préfabriqués en tant que partie constituante de l’expression architecturale du moment.
Les changements relevés sont profondément légitimes. Ils s’appuient sur le nouveau niveau atteint par notre économie, qui nous offre des possibilités neuves, avance des programmes neufs; sur la qualité de la formation qui, bien entendu, a devancé les réalisations. Ce que nos visiteurs voient par exemple à l’Ecole d’Architecture de Moscou, que dirige avec brio le professeur Ivan Nikolaïev, les remplit de stupéfaction, le mot n’est pas trop fort.
Les résultats ne se sont pas fait attendre, et les architectes soviétiques remportent leurs premiers concours internationaux.
Nos confrères suisses, en l’occurrence, savent sans doute que le monument des Télécommunications devant être érigé prochainement à Genève le sera par trois jeunes architectes de l’agence Mosproekt-I, de Moscou. D’autre part l’U.R.S.S. va, elle aussi, posséder son ouvrage « the biggest in the world », l’antenne TV de Moscou, 525 m de haut, une très belle réalisation devant être achevée l’an prochain.
Bien entendu, nous avons nos difficultés.
Souvent importantes, jamais infranchissables. Et c’est à ce sujet que j’évoquais une certaine «jalousie ». Celle qu’engendre la constatation du fait que nos problèmes, soviétiques, sont des problèmes à régler entre hommes, du métier ou non, qu’ils ne se heurtent pas à des barrières imputables au régime. Des barrières quasi abstraites dressées par l’action de lois intouchables sinon mystérieuses, telles celles de la propriété foncière, des intérêts privés et quelques autres totalement inconnues de l’architecte soviétique.
On pensera que voilà une « lettre » dont le ton tranche fort avec celui, par exemple, des véritables réquisitoires prononcés contre une certaine architecture nationale par Marc Gaillard (France) ou Anthony Krafft, le très considéré directeur d’A, F+F, dans de précédents numéros. Je crois que la chose est légitime. Elle découle de ce que j’ai relevé plus haut, à savoir que l’architecture soviétique connaît en ce moment un dynamisme exceptionnel, une période de croissance créatrice basée sur des principes très sains. Je suis heureux de pouvoir constater que mon opinion à ce sujet coïncide d’assez près avec celle notamment de la plupart des membres de l’Exécutif de l’U.I.A. réuni à Moscou ce dernier printemps.
Dans quelle mesure est-il permis de parler d’un phénomène soviétique pour un événement architectural qui recouvre un immense pays différencié selon les zones climatiques, les groupes de population, les possibilités techniques immédiates, les disponibilités en hommes et en cadres, etc.?
Sans entrer dans le détail de la vie publique en U.R.S.S., qui représente déjà en ellemême un facteur d’harmonisation suffisamment puissant et probablement connu du lecteur, il m’a semblé possible de suggérer ici quelques photos de réalisations récentes qui, sans être dans la majorité des cas des constructions privilégiées (programmes courants comme on en bâtit actuellement dans tout le pays), montrent toutefois les axes selon lesquels la recherche s’oriente. Outre le caractère structural de son esthétique, on remarquera d’évidence la grande diversité des programmes. Ceux-ci sont définis par une attention accrue aux besoins variés engendrés non plus seulement par des urgences comme l’habitat, l’industrie, mais par toute sorte d’activités de loisirs, de repos, culturelles, etc. Un garage pour voitures personnelles, un réfectoire de station balnéaire, un Palais des Pionniers (nos boys-scouts), un immeuble de studios, un théâtre de verdure, un aéroport, un théâtre de la Comédie musicale, un Palais des Mariages, des cafés et quelques coins de verdure dans des parcs ou sur la place publique montrent au lecteur le sensible enrichissement de l’architecture soviétique à l’étape actuelle, résultante d’un enrichissement identique de la vie matérielle, spirituelle et sociale de notre vaste pays. Ces diverses réalisations, à notre point de vue, sont reliées par un égal souci d’honnêteté dans l’expression architecturale et de sollicitude redoublée envers des aspects de l’activité humaine que les dures épreuves de l’histoire avaient pour quelque temps rélégués chez nous au second plan.
Alexandre Karvovski
1 Palais des pionniers. Kiev. 1965
A. Miletski, E. Vilski, A. Petchénegh, L. Linovitch, architectes Vue générale et plateforme de rassemblement
2 Réfectoire de la station balnéaire « Donbass ». Massandra (Crimée). 1963
A. Polianski, V. Sokolov, architectes 3 Garage pour 200 voitures. Erivan. 1963
A. Alessa-Youzi, architecte (inachevé sur la photo)
3
221
1 Immeuble de studios. Moscou. 1965
L. Karlik, architecte (inachevé sur la photo) 2 Théâtre de verdure. Bakou. 1962
A. Sourkine, M. Tovmassian, V. Choulguine, architectes I. Vassiliéva, A. Navassardov, ingénieurs 3 Aérogare. Kiev-Borispol. 1965
A. Dobrovolski, A. Malinovski, D. Popenko, architectes L. Dmitriev, M. Panitch, ingénieurs
222
1 Palais des Mariages. Tbilissi. 1965
Ch. Kavlachvili, R. Kinadzé, architectes Sculpture de G. Otchiauri 2 Théâtre de la Comédie Musicale. Tbilissi.
1965
O. Litanichvili, T. Matcharivili, architectes Décoration de K. Gourouli Terrasse d’été et vue intérieure
2
Habitat expérimental groupant une collectivité de 1000 personnes
Restaurant « Daïnava », Droujéninkaï (Lithuanie). 1964
Norilsk. Grand Nord soviétique. Projet 1965
A. Eugirdas, architecte Décoration Matzkelaité
A. Chipkov, Y. Truchynch, architectes
3 Café « Pégase ». Tallinn. 1964
A. Volberg, Y. Piartelnichus, architectes
Auf den ausserordentlichen Aufschwung, der dien ach-revolutionäre Epoche Russlands charakterisierte, folgte von 1935 an eine abwegige, heute glücklicherweise überwundene Architektur. Zu einem Zeitpunkt, an dem die verschiedenen Weltlehren ausser Atem zu geraten scheinen und in manchmal abenteuerlichen Pirouetten nach einem Ausweg suchen, durchwandelt die sowjetische Architektur eine Zeit fruchtbarer Entwicklung. Da sie sich besonders mittels eines besseren Strukturalismus zu bestätigen sucht, hat sie die Verwendung vorgefertigter Teile zum Bestandteil ihrer derzeitigen Ausdrucksweise gemacht.
Dieses durch das neue sowjetische Wirtschaftsniveau begünstigte Aufblühen wird auch durch die Qualität der Ausbildung ermöglicht und die sowjetischen Architekten haben bereits ihre ersten internationalen Wettbewerbe gewonnen (Fernsprech-Denkmal in Genf). Ein anderes ehrgeiziges Werk ist die Moskauer Fernsehantenne mit ihren 525 Metern Höhe.
Die bei der Ausführung gewisser Projekte gezwungenermaßen auftretenden Probleme lassen sich vorteilhafter zwischen Menschen, Fachleuten oder nicht, bereinigen, ohne je auf, der Staatsform zuzuschreibende, Barrieren zu stoßen (Grundbesitz, Privatinteressen, usw.).
Zum strukturellen Charakter der sowjetischen Architekturästhetik kommt die Verschiedenheit des Programmes, das in Abhängigkeit der Bedürfnisunterschiede aufgestellt wird, und dies sowohl auf dem Gebiet von Wohnung und Industrie als auch auf dem der Freizeit, der Kultur, der Erholung (Freizeitraum, Speisesaal in den Badeorten, Haus der Pioniere, Freilichttheater, Hochzeithaus, usw.). Alle diese Ausführungen haben eine gemeinsame Verbindung: die Sorge um Aufrichtigkeit im architektonischen Ausdruck, verbunden mit einer nach gewissen Gesichtspunkten der menschlichen Tätigkeit hin verstärkte Bemühung, die die schweren Prüfungen der Geschichte vorübergehend in den Hintergrund gestellt haben.
From 1935, following on the exceptional post-revolutionary growth in Russia, there was a period of misguided trends in architecture—now happily past. At a time when the various schools of architectural thought throughout the world give an impression of stagnation and of being over tempted by frivolity, Soviet architecture is passing through a period of fertile inventiveness.
It is seeking to express itself through refined structuralism based on the use of prefabricated elements.
This expansion is encouraged by the new economic bouyancy of the Soviet Union and made possible by the high standard of architectural education. In fact Soviet architects are now successfully competing in international competitions (Telecommunication monument, Geneva).
Such problems as arise in the undertaking of large projects are simplified by being solved between individuals, professional or not, without the complications entailed in dealing with private interest development organizations, etc.
To the structural character of the Soviet architectural aesthetic are added the diversity of design problems, housing, industry recreation, culture and sport. The resulting schemes have one thing in common: a passionate desire for integrity in architectural expression, linked to a preoccupation with such aspects of human activity as were temporarily relegated to the background by the trials of recent history.
El progreso excepcional caracteristico del periodo postrevolucionario en Rusia fué reemplazado, en 1935, por el reinado de una arquitectura desordenada, hoy dia felizmente concluido. En un momento en que las diversas escuelas mundiales parecen estar al cabo de su inspiraciôn y buscan una salida en las piruetas a veces arriesgadas, la arquitectura soviètica por el contrario, atraviesa un periodo de gestación fecunda.
Procurando afirmarse especialmente a través de un estructuralismo de la mejor calidad, ha adoptado el empieo de los elementos prefabricados corno parte constituyente de su expresiôn actual.
Este desarrollo, favorecido por el nuevo nivel econòmico soviètico, ha sido igualmente posible por la calidad de la formation y se puede ver a los arquitectos soviéticos que obtienen sus primeros concursos internacionales (monumento de Telecomunicaciones, Ginebra). Otra realization ambiciosa es la antena TV de Moscû, de una altura de 525 m.
Eos problemas encontrados inevitablemente en la realization de ciertos proyectos, tienen la ventaja de arreglarse entre hombres, ya sean del oficio o no, sin chocar jamâs con las barreras imputables al régimen (bienes ralces, intereses privados, etc.).
Al carâcter estructural de la estética arquitectónica soviètica se anade la diversidad de programas compuestos en función de la variedad de las necesidades, tanto en los dominios del habitat y de la industria corno en los del ocio, de la cultura, del reposo (garage, restaurant en estación balnearia, palacio de los Pionniers, teatro al aire libre, etc., etc.). Todas estas realizaciones tienen un lazo comün: la preocupación por la honestidad en la expresiôn arquitectônica unida a una solicitud redoblada hacia ciertos aspectos de la actividad humana que las duras experiencias de la historia habian relegado provisoriamente a segundo piano.
Immediatamente dopo la rivoluzione, la Russia visse uno sviluppo eccezionale della sua architettura, al quale succedette il regno di uno stile aberrante, oggi for-
3
lunatamente finito. Eppure, le varie scuole mondiali sembrano sfiatate e cercano un’uscita mediante giravolte avventurose.
L’architettura sovietica tenta invece di affermarsi attraverso uno strutturalismo di buon gusto, adottando l'uso di elementi prefabbricati.
Questo sviluppo, favorito dalla prosperità economica, è reso possibile anche dalla qualità della formazione professionale.
Gli architetti dell’URSS cominciano a vincere i primi premi dei concorsi internazionali (monumento delle Telecomunicazioni a Ginevra). Fra le realizzazioni ambiziose, possiamo citare l’antenna della televisione a Mosca, di 525 metri d’altezza.
Gli inevitabili problemi sollevati da certi progetti possono essere discussi fra uomini, senza che ci si urti a ostacoli inerenti al regime (proprietà fondiaria, interessi privati, ecc.).
Al carattere strutturale dell'estetica architetturale sovietica deve essere aggiunta la diversità dei programmi, composti secondo i bisogni dell’abitato, dell’industria, degli svaghi, della cultura, del riposo (garage, refettorio in una stazione balneare, palazzo dei Pionieri, teatro di verdura, palazzo dei Matrimoni, ecc.).
Tutte queste realizzazioni hanno un legame comune: l’onestà scrupolosa nell’espressione architetturale e la grande sollecitudine verso certi aspetti dell’attività umana, che le dure vicende della storia avevano provvisoriamente relegate al secondo piano.
225