La construction industrielle en montagne Le Barrage de la Grande-Dixence

L’aménagement hydroélectrique de la Grande-Dixence est issu du principe de la création en un lieu adéquat d’un seul bassin de grande capacité, destiné à recevoir les eaux de plusieurs vallées, au moyen de tunnels d’amenée percés sous les massifs montagneux. Ces tunnels-collecteurs sont situés à haute altitude et déversent leurs apports dans le lac d’accumulation du barrage. Les eaux plus basses des vallées sont pompées et refoulées dans les collecteurs par de puissantes usines qui ont fait l’objet d’études architecturales importantes et soulevé de nombreux problèmes techniques et pratiques que nous allons essayer d’analyser plus en détail.

Les tâches de l’architecte dans la construction d’usines comparables à celles de la Grande-Dixence, ne sont pas, comme on l’imagine trop souvent encore, uniquement

Z’Mutt

Stafel

réduites à rendre esthétiques des bâtiments abritant des installations de caractère industriel. En effet, l’expression architecturale d’un ensemble exige que la recherche d’une harmonie commence dès l’instant où sont connues les caractéristiques du complexe à étudier, en d’autres termes dès que le programme est établi. Pour atteindre ce premier but, un travail d’équipe est naturellement nécessaire. Il convient en effet de préciser la disposition des machines, leur montage, leur condition de marche, l’importance des locaux d’exploitation et leur distribution, les circulations, les agencements, les revêtements, l’éclairage, les couleurs. L’étude de tous ces éléments ne saurait être possible sans que se manifeste un esprit de collaboration très large entre les spécialistes de chaque partie et l’architecte. Chacun apporte sa contribution:

Arolla

le géologue, l’ingénieur civil, les ingénieurs mécaniciens et électriciens, et ceci jusqu’à la réalisation du projet.

La disposition des conduites servant à l’amenée et au refoulement de l’eau exige l’intervention de l’ingénieur et du constructeur spécialisé. Il en est de même pour ce qui concerne le choix des machines, pompes ou moteurs, transformateurs de courant, et l’établissement des circuits reliant ces installations.

Une fois connu le schéma de principe des organes essentiels, intervient l’étude de la détermination des surfaces nécessaires au montage et au démontage, à la manutention des engins de levage, ainsi qu’à tous les éléments de la partie active de l’usine, qui lui donnent sa forme et ses dimensions générales.

Afin que le programme soit complet, il

Grande-Dixence

Dessin de Berann

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reste encore à fixer les caractéristiques des salles de commande, ateliers, magasins, ainsi que des locaux destinés au personnel de service.

Comme nous l’avons dit auparavant, les usines qui nous intéressent présentement sont situées en altitude; certaines sont édifiées en plein air, d’autres dans des cavernes de grandes dimensions. Ce choix est dicté par la nature des terrains ou par la disposition des collecteurs, dans le cadre de l’économie du projet.

Les constructions en caverne, contrairement à ce qu’il apparaît au premier abord, offrent à l'architecte une voie nouvelle fort intéressante. L’exemple de la Suède prouve que l’on peut réaliser en souterrain des écoles, des hôpitaux et des usines. Cette architecture en négatif, avec ses façades tournées vers l’intérieur, mais aussi avec ses rues en galeries éclairées à l’infini, montre des perspectives d’une réelle beauté.

Telle apparaît par exemple l’usine de Z’Mutt, à la manière d’un laboratoire enchâssé dans une caverne au cœur même de la montagne.

Lors de l’exécution des usines souterraines, les difficultés principales relèvent de la nature du rocher, de l’évacuation des eaux d’infiltration et de la ventilation. L’expérience acquise dans ce genre de réalisation permet, une fois l’excavation terminée, de construire à l’intérieur du roc, de la même façon que s’il s’agissait d’un bâtiment à l’air libre, mais dans des conditions idéales de température et d’état hygrométrique, des ensembles de grande qualité architecturale.

Dans un siècle où l’on parle beaucoup d’espace, et où les terres de surface deviennent de plus en plus encombrées, il n’est pas impossible d’imaginer, si l’on y ajoute le péril atomique, que l’on songe dans les temps à venir à une vie souterraine qui permette de contempler à loisir à l’extérieur les beautés d’une nature rendue à l’état pur.

Les usines en plein air posent à l’architecte des problèmes plus ardus et plus complexes.

L’adaptation au terrain, les fondations souvent très importantes, l’altitude, l’enneigement, les grandes différences de température, le gel, de même que, dans le domaine de l’intégration au site, la proximité des agglomérations ou des centres touristiques, nécessitent des études très détaillées.

Les recherches architecturales sont liées de façon étroite au choix des systèmes de construction et des matériaux. Habituellement, l’ossature porteuse est réalisée en béton armé, les agrégats étant obtenus sur place, sans transports importants. Les bétons restent apparents, dans leur état naturel après le décofifrage. Aucun crépissage n’est toléré à l’altitude des usines de montagne, car le gel détruirait rapidement toute couche superficielle de ce genre. Les revêtements de façades font l’objet d’études

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basées sur la mise en condition de matériaux locaux. Il est bien évident que dans une région montagneuse, l’utilisation de moellons et de bois crée un lien naturel avec le paysage alpestre. C’est ainsi que l’on a intégré dans la plupart des ensembles des murs en maçonnerie indigène et des revêtements en bois apportant à la ligne résolument moderne des usines un caractère extrêmement intéressant.

Parmi les autres éléments figurent à une place de choix le verre et l’aluminium. Les vitrages des façades, qui sont munis de verres isolants, comportent selon les cas jusqu’à trois glaces juxtaposées, enfermant entre elles un coussin d’air déshydraté maintenu par des compensateurs de pression atmosphérique. Les encadrements sont en aluminium éloxé à l’extérieur, en

bois à l’intérieur, pour éviter toute condensation. Le toit, revêtu de cuivre, est incliné vers le centre de la construction; ce mode d’exécution permet d’éviter tout glissement, toute chute accidentelle de neige ou de glace le long des façades.

A l’intérieur, la salle des machines et celle des tableaux de commandes sont l’objet de soins particuliers. C’est en effet dans ces lieux que des équipes d’exploitation vont se succéder vingt-quatre heures par jour pendant toute la durée de la vie de l’usine; le problème humain prend donc ici une valeur particulière. Une attention spéciale est accordée en premier lieu à l’éclairage artificiel, qui doit en quelque sorte rétablir des conditions normales de travail durant les heures de nuit. A ce même titre, le choix des systèmes de chauffage, de ventilation ou

Situation du barrage et des ouvrages annexes 1 Prise d’eau (avec vannes batardeaux) 2 Chambre des vannes 3 Vidange principale 4 Galerie d’amenée à l’usine de Fionnay (45 m3/sec.) 5 Galerie d’amenée à l’usine de Chandoline EOS (10 m3/sec.) 6 Prise d’eau de la vidange de fond 7 Galerie d’évacuation de la vidange de fond 8 Joints transversaux 9 Retenue minimum (2170) 10 Retenue maximum (2364)

Situation of the dam and related structures 1 Intake structure with gates 2 Gate chamber 3 Main outlet 4 Main intake tunnel for the Fionnay power station (Draught capacity 45 m3/sec) 5 Intake tunnel for the Chandoline power station EOS (Draught capacity 10 m3/sec) 6 Intake structure for lower outlet 7 Lower outlet tunnel 8 Transverse joints 9 Minimum level of water retained (2170) 10 Maximum level of water retained (2364)

Lageplan der Sperrenstelle und der zugehörigen Bauwerke 1 Einlaufbauwerk mit Schütze 2 Schieberkammer 3 Hauptentleerungsstollen 4 Zuleitungsstollen zur Zentrale Fionnay (45 m3/s) 5 Zuleitungsstollen zur Zentrale Chandoline EOS (10 m3/s) 6 Einlaufbauwerk des Grundablasses 7 Grundablaßstollen 8 Querfugen 9 Tiefste Absenkung (2170) 10 Höchstes Stauziel (2364)

I.0

4,

m

de conditionnement d’air est très important. Mais l’un des problèmes principaux à résoudre est celui du bruit. L’isolation phonique pose la question préalable de l’intensité sonore provoquée par la marche des machines; celle-ci est comprise entre 90 et 110 décibels pour des cycles de fréquence de 100Hz environ. C’est un bruit qualifié d’excessif, puisque le seuil insupportable se situe à 120 décibels, soit l’équivalent d’un moteur d’avion à un mètre de distance. Il faut donc assurer à la construction un système d’isolation extrêmement important, pour combattre les bruits aériens et les vibrations, de même que la résonnance, laquelle ne peut être diminuée que grâce au pouvoir absorbant des faces intérieures des locaux où sont installées les machines. Le côté psychique de l’être humain est influencé par le milieu ambiant, et c’est pourquoi l’architecte ne peut manquer de se pencher sur l’étude des couleurs.

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Les couleurs créent un climat, et les notions que nous avons de leur influence se précisent toujours davantage. Le bleu, par exemple, ne donne pas de bons résultats dans les ateliers; par contre, il convient dans le cas particulier, et c’est la raison pour laquelle ce ton est utilisé dans les usines de la Grande-Dixence, où les tâches essentielles sont le contrôle et la surveillance des appareils et des machines.

Les aménagements extérieurs sont essentiellement conçus en fonction de la restitution des abords à leur cadre naturel. Ce contact immédiat avec le paysage, dominé par les montagnes environnantes, contribue directement et de façon exceptionnelle à la mise en valeur des ensembles industriels en altitude, et nous souhaitons aux architectes la possibilité de réaliser un jour dans des lieux aussi attachants des oeuvres qui leur apporteront des joies nouvelles.

André Dousse

A l'intérieur du rocher, à 300 mètres de l'entrée, la salle des machines de l'usine de Z'Mutt, au-dessus de Zermatt. Le contact avec l'extérieur est coupé. Seule la mosaïque du sol rappelle le massif alpin dans lequel l'usine est taillée.

Les murs et les plafonds sont insonorisés. Les machines sont dissimulées sous te plancher, car leur bruit est comparable à celui d'un moteur d'avion. Comme seuls apparaissent dans leur blancheur l'extrémité des moteurs des pompes verticales.

A 2000 mètres d'altitude, dans un paysage d'une très grande beauté, l’usine d’Arolla.

Les volets verticaux de la façade sont insonorisés à cause de la proximité des hôtels de la station.

Les matériaux choisis sont le béton pour les parties portantes, les moellons pour les murs de fermeture. L'aluminium contraste heureusement avec les panneaux de mélèze qui marquent ta structure des piliers de l'ossature de l’usine.

La plupart des usines sont situées dans des sites alpestres connus. De ce fait, une grande attention doit être apportée à l'élément d’intégration, la forme extérieure doit rester paisible, les matériaux adaptés au paysage. Les moellons de Stafel ont été taillés sur place. Les revêtements en bois sont en mélèze. Les grands piliers extérieurs qui servent de supports aux pontsroulants de la salle des machines sont à l'échelle du paysage qui entoure l’usine.

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Grande-Dixence The official inauguration of the electrical installation of the Grande Dixence dam on 15th September 1966, brings to a conclusion one of the great engineering undertakings of our age. It has taken 15 years to build, has cost more than 1,500,000,000 Swiss francs and is one of the most important of such schemes ever undertaken in Switzerland.

We do not intend, here, to give a detailed analysis of the whole complex, but rather to discuss the special role of the architect in the construction of the ancilliary buildings, and in particular of the pumping stations which supply water to the main reservoir and which are all builtat high altitudes.

In passing, however, we should like to describe briefly the dam itself. It is the world’s highest—920 ft.—and is also one of the biggest, entailing the use of 60 million cu.ft. of concrete. The early site works were described and illustrated in A.F.F.

No.2 (1955).

“They add boldness to our dreams—they can be built”. (Excerpt from the chapter on ‘The Dam’ from “Urbanism”, by Le Corbusier, published by G. Cres & Co.)

The role of the architect in industrial construction in mountain regions.

In connection with the hydro-electric installations of the Grande Dixence, the architect's skills were required for the design of the power station itself and for other constructions at high altitude.

These posed an interesting problem of integration with the magnificent environment and of minimum disturbance on and around the sites.

For economic reasons, much, though not all, of the construction has been carried out in artificial caves hewn out of the rock,

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and this has presented many opportunities for a new approach to design. Those buildings which have had to be sited above ground were more difficult to handle successfully. Structural systems have had to be related to existing buildings, particularly where the site is close to a tourist area; and also to the site itself. This discipline, far from compromising a modern approach to design, encourages a respect for traditions which are worthy of preservation.

In addition to being designed to house a specific technical installation, these buildings have to be manned 24 hours a day.

This has posed an environmental problem, particularly in view of the fact that there is constant machine noise.

The structures themselves must be resistant to very wide climatic variations, and in winter, to snow, avalanches and storms.

On completion, such buildings are, as it were, handed back to nature and the author concludes by discussing the external landscaping which plays such an important part in the success or failure of projects of this kind.

Grande-Dixence Mit dem 15. September 1966, dem Tage der offiziellen Einweihung des Wasserkraftwerkes der Grande Dixence, ist ein bedeutsamer Abschnitt in der Geschichte der großen Werke unserer Zeit erreicht.

Dieses Werk, das eine 15-jährige Anstrengung und eine Ausgabe von einundeinhalb Milliarden Franken notwendig gemacht hat, befindet sich unter den größten in seiner Art in der Schweiz unternommenen.

Es liegt nicht so sehr in unserer Absicht, dem Leser einen breiten Überblick über diesen vielseitigen Komplex zu geben, als vielmehr das Problem des Architekten beim Bau der Fabriken und besonders der Pumpstationen, die das Speicherbecken des Staudammes versorgen und alle in großer Höhe gelegen sind, vorzustellen.

Indessen drängt sich eine Betrachtung des wichtigsten Werkes dieses großen Projektes auf: des Staudammes der Grande Dixence. Mit seinen 284 Metern ist er nicht nur einer der höchsten Staudämme der Welt, sondern auch einer der größten, da zum Bau der Staumauer 6 Millionen Kubikmeter Beton verwendet wurden. Angesichts dieses gigantischen Baues im Herzen der Alpen wird man sich an Le Corbusier erinnern, der in seinem Buch « Städtebau » in bewundernden Worten die Lehre aus dem Grande Dixence-Staudamm zog. Der Baubeginn dieses Monumentes moderner Zeiten war in Nummer 2 (1955) der Revue AFF Gegenstand einer Ausführung und einer Photoreportage über Einrichtungen und Wohnstätten für

das Personal und zeigte die Geburt des Dammes.

« Dies verleiht unseren Träumen Kühnheit: sie lassen sich verwirklichen».

(Randbemerkung am Kapitel über den Damm. Le Corbusier. Städtebau. Sammlung des Esprit Nouveau. G. Crès und Cie Verleger.)

Der Architekt beim Bau von Fabriken im Gebirge.

Im Rahmen der Erstellung des Grande Dixence-Kraftwerkes wurden die Dienste des Architekten sowohl bei der Konstruktion der Zentralen zur Stromerzeugung als auch beim Bau anderer in großer Höhe gelegener Fabriken in Anspruch genommen. Diese Bauten sind insofern interessant, als sie das Problem stellen, Industriewerke in nicht allein in der Schweiz, sondern in der ganzen Welt bekannte Orte einzufügen. Es galt also, Lösungen zu finden, die, obschon technischen Geboten gehorchend, geliebten und geschützten Plätzen ihre von der Natur geprägte Schönheit erhielten.

Einige dieser Werke wurden unterirdisch angelegt, andere unter freiem Himmel.

Wie der Autor zeigt, bietet das Bauen unter der Erde neue und sehr interessante Wege. Freiliegende Industriebauten stellen insofern ein heikleres Problem dar, als die Nähe von Ansiedlungen oder Touristenzentren für die Wahl der Konstruktionssysteme ausschlaggebend ist, die oft unter dem Einfluß des von der Vorstellung des Architekten geschaffenen traditionellen Modus’ stehen. Diese Art von Anpassung, des Werkes an ein besonderes Klima, hält, weit davon entfernt, eine moderne Auffassung des zu schaffenden Ganzen zu verhindern, im Gegenteil eine gültige Tradition aufrecht, die es verdient, erhalten zu werden.

Der Architekt führt danach die verschiedenen, diesen industriellen Bauten mit ihren besonderen Normen eigenen Probleme an. Das menschliche Problem hat eine spezielle Bedeutung und der Komfort des Personals, das im Innern dem ständigen Kontakt mit geräuschvollen Maschinen ausgesetzt ist, mußte besonders berücksichtig werden. Vor den Gebäuden breitet sich die Schönheit der Alpenlandschaft aus; im Winter drohen aber auch Schnee, Sturm und Lawinengefahr.

Der Artikel schließt mit einem Bericht über die Anlage der unmittelbaren Umgebung dieser Werke, die der Natur am Ende der Arbeiten gewissermaßen wiedergegeben wurden und es wird dem Architekten gewünscht, mit ähnlichen Projekten in Berührung zu kommen. Sie werden ihnen neue Freuden in einem wunderbaren Beruf, der Tag für Tag zur Lösung neuer Probleme auffordert, schenken.