Un certain humanisme d'un certain intérieur

Toujours dans la problématique d'un Humanisme à repenser ou à retrouver, Sofu Teshigahara, grand maître d'arrangement de fleurs (Sogetsu), sculpteur, peintre, s'est penché sitile sens possible d'une architecture d'intérieur japonaise. Si ce qu'on appelle « l'intérieur » n'est qu'un ensemble de significations, l'intérieur japonais, trop européanisé, doit selon Teshigahara, revenir et exprimer les caractères propres de la sensibilité japonaise par un style authentique fait de dépouillement et de « néantisation ».

C'est pourquoi, cet article prend bien place dans le vaste domaine du débat sur « l’Humanisme et T Architecture ».

Sofu Tcshiyahara

Il y a déjà longtemps que Tagore est venu au Japon. Il était poète, philosophe et directeur d’école. Sa visite au Japon avait pour but de connaître le peuple japonais et sa manière de vivre. Mais apparemment, il a été particulièrement intéressé par l’architecture japonaise et l’intérieur japonais. Je l’ai accompagné moi-même dans ses visites de maisons et d’intérieurs japonais, et surtout, je lui ai montré le « Tokonoma » qui est le cœur de la maison japonaise.

Aujourd'hui, le « Tokonoma » ne fait plus partie de la vie quotidienne, aussi les gens l’oublient-ils, et il semble ne plus avoir de charme vis-à-vis du public. Par contre, Tagore a été émotionné par le « Tokonoma », et il a dit: « C’est ici que se trouve le Japon! » Avant de venir au Japon, il avait visité plusieurs pays d’Europe, et le Japon a été le dernier pays de son voyage; et, il a dit que par conséquent, il pouvait connaître exactement le caractère du Japon. Il a visité des monument historiques (temples, maisons de cérémonies, de thé, châteaux...) soit à Kyoto, soit à Nava. Mais, je vais essayer de raconter le jour où je l’ai conduit chez le baron Shibusawa qui est un des plus grand bourgeois au Japon.

C’était au commencement de l'été, sa maison était entourée d’arbres, et Tagore avait particulièrement aimé la grande salle de Tatami. Cette grande salle était recouverte de Tatami neufs qui donnent une couleur verte végétale, et qui sentent très bon. En général, au Japon, on change le

Tatami une fois par an, et cette salle de cent Tatami venait juste d’être refaite.

Deux côtés de cette salle étaient ouverts vers le jardin, un autre côté séparé d’avec l’autre chambre par une porte coulissante, et enfin entre le dernier côté et le Tokonoma est le mur en terre. Dans ce Tokonoma, il y avait un Kakimono et un arrangement de fleurs (cf. illustrations). Et il n’y avait pas d’autre décor! Il y avait un coussin pour s’asseoir et un petit cendrier dans lequel de l’encens brûlait doucement...

Dans le jardin, on entendait l’eau qui coulait, et l’oiseau qui chantait...

Après s’être assis, Tagore dit: « Que c’est divin! Et quelle richesse! J’ai connu le cœur de la Beauté qui n’existe pas ailleurs.

C’est ici la Beauté du Japon quej’admire! » Tagore ne connaissait que l’aménagement intérieur européen, où les gens montrent tout ce qu’ils possèdent. 11 avait trouvé la vraie richesse au Japon où il n’y a presque rien à montrer dans la salle.

Dans cette composition d’intérieur de la maison japonaise, ce n’est guère le Néant.

C’est après avoir passé le Tout. Dans ce cas, le Néant dépasse le Tout. Cet Esprit, seulement l’Homme comme Tagore devait le comprendre.

Tout le monde sait que c’est facile de poursuivre le Complet, mais il est difficile de rester ferme dans le Néant. Dans sa sensibilité actuelle vis-à-vis de la Beauté, le Japon est bien influencé par la vie européenne. Il y a une tendance de plus en plus, à suivre la vie extérieure complète, non la vie intériéure « Néant ». Je crois que c’est maintenant que l'on devrait repenser au Japon que Tagore avait admiré! Demain ce sera trop tard!

1. Décoration de « Tokonoma » par Sofu. CaUgraphie de Kobo-taishi (8e siècle) et vase en Chine du 11e siècle.

2. Sculpture et fleur de Sofu. Sculpture : l’hommage de «Kojiki» (la plus ancienne légende).

Fleur : Le pin et l’azalée.

36

37