L?humanisme et F architecture

Kunio Mayekaiva

Sans doute, la raison pour laquelle le thème dit « Humanisme et Architecture » attire l’attention des architectes d’aujourd’hui, serait définitivement due aux situations générales des environnements humains qui prennent de plus en plus des aspects désastreux, à cause des mécanisations qui se manifestent dans tous les domaines de la société actuelle. Le problème de 1’« Humanisme et Architecture » ne manquerait pas d’être une des plus grandes préoccupations des architectes contemporains, puisque ce sont eux qui sont responsables des environnements humains, mais, quant à moi, architecte d’Extrême-Orient, je dois avouer que je commence à avoir le sentiment que l’Humanisme, tel qu’il a été conçu par les Occidentaux, ne pourrait plus nous révéler le salut, parce que l'Humanisme lui-même étant l’enfant de la pensée européenne — qui a été le berceau de la civilisation occidentale avec tous ces fléaux du monde moderne — ne pourrait jamais trouver une sortie efficace du cercle vicieux dans lequel elle nous a mis.

L’Europe a bien peiné à travers les deux mille ans de son histoire pour établir une civilisation splendide, toujours appuyée par une heureuse conviction que le monde a été créé par Dieu pour servir aux hommes.

N’est-ce pas cette conviction qui a dicté toutes les attitudes occidentales envers tous les objets en dehors des hommes, qui ont considéré ces objets comme des choses qui doivent être façonnées, subjuguées et conquises par les hommes, faisant toujours une stricte ségrégation entre les hommes et les objets en dehors d’eux-mêmes? L'Humanisme lui-même, n’a-t-il pas été leur invention intelligente pour rationaliser ce principe de la ségrégation, qui a été la source inépuisable de la pensée européenne, donnant jour aux pensées rationnelles, et mère de la civilisation technologique de l'Europe. On ne peut ignorer que c’est 38

grâce à elle, si on a pu atteindre la présente apogée de l’édifice grandiose de la civilisation machiniste, mais aussi, à la présente dévastation des environnements humains qui exige aujourd’hui notre réflexion sur 1’« Humanisme et Architecture ».

On dirait que l’homme a bien réussi à établir la présente civilisation industrielle en travaillant depuis l’aube de son histoire pour contrôler la nature, et qu’il est maintenant temps d’essayer de trouver le moyen de contrôler, cette fois-ci, la civilisation industrielle elle-même; et, l’Humanisme nous paraît être considéré comme un critère efficace pour cette nouvelle aventure humaine. Mais, ce que je crains, c’est qu’en tant qu’Humanisme, basé sur le principe traditionnel de la pensée européenne, on aboutirait finalement à créer des nouveaux maux du siècle, en détruisant les anciens, remplaçant tout simplement l’aliénation de l’humanité présente par une autre. On n’échappera jamais du cercle vicieux où nous sommes pris!

La nature, telle qu’elle a été conçue par les Occidentaux, a toujours été quelque chose qui existait en dehors des hommes, tandis que dans la nature considérée par les Orientaux, les hommes y ont toujours été inclus.

En ce moment où l’impératif est de trouver un nouveau pôle d’orientation, je crois bien qu’on a besoin d’un nouvel instrument pour s’orienter, et que ce nouvel instrument ne serait possible à trouver que dans un répertoire jusqu’ici inconnu aux Occidentaux.

L’Humanisme occidental a mis l’homme au centre de l’univers qui l’entourait, d’où une ségrégation complète de l’homme de la nature ou de son entourage. L’abandon de ce principe millénaire nous entraînera nécessairement aux engagements dans la nature, dans les entourages, ou bien dans les environnements humains que nous avons déjà créés. Je regrette profondément que mon vocabulaire de la langue française soit loin d’être suffisamment capable de faire un exposé éloquent pour vous en persuader, mais je serai très content si je pouvais vous dire que je suis franchement inquiet de la situation de l’architecture et des environnements humains de l’Europe d’aujourd’hui, puisque le destin de l’Europe d'aujourd’hui pourrait être le nôtre demain.

V Cet article nous a été remis en langue française par /’auteur. ( Réel.)