Ebauche tPune solution au problème urbain:

Unité sodati* de Jean Bossu

Avec son projet d'Unité sociale, Jean Bossu a tenté de poser les premiers jalons d’une solution véritable au problème urbain.

Ebauche de solution dont l’intérêt premier est dans le sérieux de la démarche. En effet, le problème urbain étant infiniment complexe, il s’agit avant tout, de l’aborder par étapes, et de tirer progressivement des éléments de solution. C’est dire la nécessité d’une analyse aussi complète que possible des données réelles du problème, avec toutes les incidences et implications. C’est dire aussi, la nécessité d’une analytique de l’Homme-Social — puisqu’humanisme il y a.

Or — et Bossu l’a très bien compris — l’homme social présente une contradiction essentielle qui le déchire, mais qui le définit en même temps. Etant social, il est urbain, mais étant humain encore (c’est-à-dire avec ses exigences naturelles ou animales) il est aussi homme de loisirs. Attrait des centres urbains, et besoin d’évasion, il s’agit de concilier deux éléments contraires. C’est ce qu’a entrepris Bossu, c’est ce qu’essaie de concilier son projet d’Unité sociale.

« Cet établissement, sorte d’unité sociale, est, en fait, un lieu de détente et de loisirs dans lequel on habite. Pour obtenir son équilibre, l’homme doit pouvoir s’isoler, se rassembler et cheminer. Cette étude répond à ces trois critères en intensifiant l’occupation du cheminement central sur 430 m de développement et en offrant la libre disposition de 40 ha de parc qui, contigüment, procurent une chambre verte de détente pour les 8000 habitants de cette unité. » 44

L’Unité sociale de Bossu présente donc un double visage de centre urbain corrigé et de centre de loisirs adapté.

I. Centre urbain: a) Composé urbain: « J’ai voulu — explique Bossu — rassembler, sur un double travelling de 430 m, tous les thèmes urbains que nous recherchons et qui nous attirent par leur caractère, leur intimité, la façon de les vivre et de s’y enchâsser, par l’écran qu’ils nous offrent et qui nous renvoie les images des activités quotidiennes...

» Dans un périmètre d’environ 30 000 m2, j’ai voulu retracer les physionomies et les atmosphères urbaines du Faubourg SaintHonoré, de la place des Vosges, des rues de Rivoli et Buci, j’ai voulu recamper le Marché aux oiseaux, le Marché aux timbres, la place Mouffetard; une pièce d’eau nous offre des rives qui sont les plus précieux cheminements urbains... Le sol est encombré par un « mobilier urbain » qui favorise les échanges humains et suscite le bric-à-brac des propos quotidiens. Ce mobilier est, soit une gravure qui sculpte un Forum ou les étals permanents d’un marché, soit une tour de Pise qui abritera une galerie ou un restaurant, soit les terrasses des « Deux Magots » ou de cafés à musique comme à Saint-Marc, ou de bistrots comme la place Dauphine et la rue de Seine savent les styler...

» J’ai rassemblé sur cet infime territoire, comme sur un rocher de Monaco aplani, ce qu’une dizaine d’arrondissements de Paris révèlent en attraits urbains. »

b) Correction des désavantages urbains:

Habitat libre:

« La structure générale de cet ensemble est traitée en « génie civil ». Le gros œuvre doit être apparent et subsister... Cette structure se présente sous la forme d’un immense carroyage, rompu, çà et là, par des saignées et des saillies qui répondent à des types de logements... J’ai voulu la brutalité de cette géographie, dans laquelle viennent s’enchâsser les «cultures», c’està-dire les fenestrages. N’ayant plus de crainte d’être troublées par un geste particulier et souvent malheureux, les façades pourront être traitées ou choisies directement par leurs occupants... J’ai sciemment, là encore, poussé les solutions dans leurs retranchements. J’ai admis la cohabitation de l’Empire et du style Métro, d’un parement de cabine de bateau ou d’un colombage, d’un élément Prouvé ou d’une Sécurit articulée... En outre, l’ensemble de cette nef, sillonnée par trois ponts successifs, est visitable par deux plages au niveau 4 et deux boulevards au niveau 8. La vue de ces coursives découpe 360°. Ainsi, les 1800 logements sont au centre d’un livre ouvert et possèdent, avec leur double orientation, la vue sur un jardin du PalaisRoyal et la vue sur le Parc. » Problème de la circulation: piéton privilégié « Le réseau automobile est pratiquement

inapparent dans le périmètre construit. Les arrivées et les sorties (résidents et commerces) s’effectuent par un bouclage en saignées à — 4 m. A ce niveau, se situent les dessertes des réserves commerciales, 4 garages totalisant 2400 boxes, une stationservice et réparations complète ce réseau.

« Cet établissement, sorte d’unité sociale, est, en fait, un lieu de détente et de loisirs dans lequel on habite. »

Plan masse: 1. Route secondaire 2. Voie d'accès 3. Gare routière 4. Parking visiteurs 5. Allée centrale, piétons 6. Lac artificiel 7. Bassin et piscine 8. Théâtre de plein air 9. Jardins, maternelle 10. Récréation et sports, groupe scolaire 11. Terrain de sports 12. Foyer de jeune travailleurs 13. Jardin floral 14. Parc public 15. Zone verte de protection 16. Voie de promenade (autos: 20 km/h)

« Nous devons passer du régime de la concentration urbaine à celui de la répartition ordonnée des équipements sur un territoire entier. »

« J’ai rassemblé sur cet intime territoire, comme sur un rocher de Monaco aplani, ce qu’une dizaine d’arrondissements de Paris révèlent en attraits urbains. »

Ainsi, les 8000 habitants de l’Unité sociale peuvent-ils disposer d’un « Pas perdu » à pied sec de plus de 1700 m. »

II. Milieu de détente/Loisir : Autour de ce composé urbain, Bossu offre également un « Parc Monceau, Montsouris avec ses Buttes ou Bagatelle avec ses compétitions de fleurs... Un théâtre de verdure se situe à la pointe d’un long cheminement d’eau qui axe transversalement le Forum.

Un équipement sportif est éclaté sur les 40 ha comprenant un stade d’intérêt interlocal, des terrains de tennis et de volley.

Une piscine couverte et de plein air ouvre sur l’envers du mur de scène du théâtre de verdure. Cette façade du « théâtre d’Orange » est transparente et laisse aux spectateurs une fenêtre sur les jeux nautiques. Un jardin botanique et des jardins d’essais, un aquarium contrebalancent le

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théâtre dans la seconde moitié du parc. Ces équipements extérieurs peuvent revêtir les formes les plus diverses et se multiplier à l’infini (bowling, karting...). Certains peuvent se rattacher directement à la Maison de Jeunes et avoir un caractère d’enseignement récréatif. »

III. Vers de nouvelles structures urbaines : Cette Unité sociale, conçue comme résidentielle, peut donc fonctionner d’une manière autonome puisqu’il est prévu « hormis les commerces, dont un Inno, l’administration publique, les professions libérales, un centre culturel, des services médicaux-sociaux, deux maternelles et un groupe primaire qui trouvent dans le parc leur prolongement récréatif ». Mais, à partir de ce projet, on pourrait concevoir une Unité sociale complète comprenant des éléments économiques (centres industriels).

En fait, le projet de Bossu n’est qu’une esquisse « d’une architecture qui cherche encore sa définition sociale dans le contexte urbain moderne », mais, une esquisse qui pose un véritable impératif: « Nous devons passer du régime de la concentration urbaine à celui de la répartition ordonnée des équipements sur un territoire entier. »