J. B. Bakema, Rotterdam
Photo Carel Blazer
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L’homme — la société — l’architecturbanisme
1 Je crois que nous construisons en ce moment une monotonie comparable à celle des sociétés
d’esclaves11
L’homme est avant tout un être conscient, et un être conscient, selon Bergson, de son évolution d’un état à un autre. Sa faculté la plus caractéristique est peut-être la faculté de «mettre en rapport», de «comparer». Il compare, par exemple, cet arbre-ci avec la silhouette de ce village à l’horizon, ou le soleil avec la montagne, ou encore le mouvement des vagues de la mer s’intégrant avec le mouvement du sable et contrastant avec les rochers. Il met en rapport les choses mobiles avec les choses immobiles, le trafic avec le bâtiment.
Cependant, l’homme évolue, ainsi que ses capacités. Contre la nature qu’il ne comprend pas - pas encore - il se cherche une protection, avec la maison, avec l’environnement bâti ; mais parallèlement, il recherche le contact intime avec cette nature, avec l’espace universel.
L’évolution de l’homme et de l’environnement bâti a pour point de départ la recherche d’une défense contre la nature, et pour but d’«être familier» avec la nature. C’est ainsi que l’habitat urbain a évolué de la ville fortifiée vers la ville ouverte et radiante sur la campagne.
De plus en plus, les éléments de notre environnement bâti, comme les toits, les murs, peuvent fonctionner directement comme des éléments «transitionnels» entre l’homme et l’existence, avec la terre, l’espace, le soleil, la lumière, le mouvement et l’énergie. En 1924, le manifeste du Groupe Stijl écrit par Théo Van Doesburg, avec Mondrian et Rietveld, entre autres, mettait déjà en lumière cette idée: la composition des espaces séra définie par des plans correspondant à des plans imaginaires dans l’espace universel.
Les éléments bâtis seront de plus en plus dans la vie de l’homme comme des boîtes de mesure dans l’espace universel. Il y a une relation obligatoire entre l’opinion de l’homme sur l’espace universel et l’expression architecturale. Et l’élément essentiel pour les décisions architecturales est la relation entre l’opinion qu’on a sur l’espace universel et l’expression spatiale de cette opinion par les éléments construits.
La société évolue vers une existence à deux temps: d’une part, un temps de travail automatisé et impersonnel, et, d’autre part, un temps libre pour les
loisirs. Il s’agit, dans ces loisirs, d’expérimenter de plus en plus profondément l’existence, par la création, la création de nouveau, ou recréation. Or, l’espace défini par des éléments construits comme murs et toits ne peut être une fonction récréative. (L’habitat actuel, pour le plus grand nombre, n’est d’aucune valeur récréative; c’est pourquoi le weekend est une fuite sur des routes qui ne seront jamais d’une capacité suffisante si l’on ne change pas l’habitat.) Quand je parle de l’espace à cet égard, c’est du même espace qu’il s’agit : l’espace entre les murs et l’espace entre les bâtiments sont deux aspects d’une même idée, du même phénomène. Nos logements actuels, pour le plus grand nombre, ne sont pas source de recréation, mais au contraire détruisent l’initiative personnelle. Nous réalisons une fausse interprétation de l’idée d’«égalité», entendue comme droit à la différence.
La ville est comme une peinture dont le fond est l’habitat pour le plus grand nombre. Or, si le fond est mauvais, on ne peut sauver la peinture par des bâtiments spéciaux (quelques accents de couleur).
En 1947, les CIAM, reconnaissant les besoins des jeunes architectes après la guerre, ont formulé qu’il fallait travailler à la création d’une ambiance physique qui satisfasse les besoins émotionnels et matériels de l’homme en stimulant son esprit.
En 1958, à Otterlo, le team X a posé comme but la réalisation d’une architecture selon les principes d’interrelation des fonctions, d’identification (groupement), de croissance et de changement (habitat évolutif).
A présent, il me paraît, quant à moi, que la question essentielle en architecture est : comment peut-on construire des espaces donnant un choix correspondant à l’opinion, à la conscience et même à l’ambiance spirituelle personnelle de l’usager? Comment peut-on offrir à chaque homme une cellule d’habitat qui sera son coin personnel vers l’univers?
La liberté de choisir un environnement personnel est un droit qui caractérisera la société future. Mais, avec les principes architecturaux qui réalisent une monotonie universelle, on ne peut satisfaire le client anonyme dans son besoin essentiel d’une identification personnelle dans l’espace universel.
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L’architecturbanisme Quels sont les principes de base acceptables pour une architecture vivante et dynamique?
1. Flexibilité intérieure.
2. Flexibilité extérieure.
3. Groupement en unités visuelles composées des différentes formes d’habitat sur la Terre (sous les arbres), vers l’horizon (au-dessus des arbres), et des formes «transitionnelles» (contre les arbres).
4. Extensions radiantes linéairement des centres existants sur la campagne.
5. Structures tridimensionnelles conditionnant la continuité des circuits privés et publics et les cellules d’habitat privées. Ce sont des structures architecturbanistiques.
Si un désastre pareil à celui de Pompéi recouvrait de cendres nos extensions urbaines d’Amsterdam, de Paris, de Varsovie ou de Moscou, les archéologues de l’an 2000 reconnaîtraient-ils dans les ruines l’expression d’une société démocratique vivante? Je crois que nous construisons en ce moment une monotonie comparable à celle des sociétés d’esclaves.
Il ne faut pas que l’architecture se perde dans les lois et les principes bureaucratique. On peut introduire, dans la société, par la fonction de la forme architecturale, des ouvertures spatiales inconnues qui libèrent l’usager de son anonymat forcé. L’habitat est en un sens comme la troisième peau de l’individu (l’habillement étant la deuxième). Et cette troisième peau ou enveloppe correspond à sa respiration, ses ambitions, ses pensés, sa conscience et à son propre point de vue vers l’espace universel.
Lorsque la Terre pourra être vue de la Lune, il y aura certainement des conséquences en ce qui concerne l’habitat de l’homme dans l’espace Lune-Terre.
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Ce ne sont que des principes décelés pendant vingt ans de travail dans l’atelier Van den Broek et Bakema à Rotterdam.
Il y en aura d’autres, mais ces principes sont ceux que j’ai expérimentés, et dont le plus important est celui de la structure architecturbanistique. Car il faut savoir que la décision architecturale commence par la formulation des programmes. Et c’est là que la responsabilité sociale de l’architecte apparaît, montrant que l’expression architecturale peut être expression d’un art de vivre. C’est le circuit spatial qui permet à l’usager d’avoir des expériences spatiales sans participation directedans les fonctions des programmes.
Et c’est le circuit spatial qui donne une possibilité d’expérimenter l’interrelation spatiale d’un environnement bâti et de choisir dans une responsabilité personnelle le moment d’engagement direct dans les fonctions. C’est à l’architecte de décider avec le client d’une marge dans le programme permettant de réaliser un tel circuit.
Nous avons dépassé les erreurs dans l’analyse des fonctions. Sullivan, dès 1901, avait exprimé que tout est fonction et tout est forme, mais le bureaucratisme a introduit une fausse hiérarchie en disant que c’est la forme qui suit la fonction. Notre période est une période d’extension et de débordement des fonctions. C’est par la fonction de la forme que les fonctions définies par le programme sont transformées en conditions d’art de vivre. Par la fonction de la forme, on peut harmoniser les grandes mesures (les grandes dimensions) dues aux concentrations industrielles, administratives et urbaines. On peut introduire des éléments «transitionnels» harmonisant les grandes mesures avec la capacité de la perception humaine; car, si l’on ne transforme pas les grandes mesures par de petites mesures, il y a risque de destruction de la perception humaine. On peut harmoniser par des éléments «transitionnels» le milieu du piéton avec le milieu du grand trafic mécanisé, ou interrelier les arrêts des transports publics par des plates-formes de parking avec les rues verticales, horizontales et diagonales dans les volumes bâtis. Les éléments des espaces publics, des voies de circulation et des espaces privés avec les rues intérieures seront comme les mailles du tissu urbain (tridimensionnel).
Serons-nous bientôt au temps où chaque décision économique et politique ne pourra avoir de valeur sociale pour l’individu sans que l’on ne prenne en considération les conséquences pour l’emploi de l’espace universel? Dans ce cas alors, nous vivrons dans un monde discipliné par l’architecturbanisme.
The coming overlapping of public and private space.
Le futur empiètement des espaces publics et privés.
Das zukünftige Ineinandergreifen des öffentlichen und privaten Raumes.
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