Possibilités de recherche en architecture Gilles Barbey

Dans quelques années, la recherche en architecture sera universellement reconnue indispensable, comme cela est déjà le cas pour la médecine, la physique, la biochimie et d’autres domaines encore...

On pourra penser que cette affirmation ne correspond pas à une nécessité impérative et que la situation actuelle peut parfaitement se prolonger, moyennant quelques améliorations. Mais ce sont précisément le manque d’investigation des potentiels nouveaux, puis l’absence de diffusion des résultats acquis qui conduisent tout droit à l’insuffisance et à la médiocrité.

Il faut favoriser l’effort de ceux qui recherchent activement une information architecturale élargie et plus appropriée à notre mode de vie. Tout architecte est un chercheur, puisque son activité lui impose la poursuite de la création et la coordination de nombreuses valeurs en vue d’un aboutissement bien spécifique.

Malheureusement, on ne peut pas appeler recherche une démarche qui se situe trop souvent au creux de l’ornière technocratique. En essayant de rehausser la qualité de tel ou tel détail, l’architecte en perd de vue l’ensemble. Le cycle logique de recherche qui comprend

documentation + assimilation + imagination = création n’est pas suivi.

Il existe maintenant un abondant bagage d’information, réuni grâce au travail résolu et acharné de personnes à l’esprit largement ouvert. Il n’est pas seulement question ici des «visionnaires», ou de ceux qu’on qualifie de tels, bien que leur démarche ne soit jamais à écarter. Mais il faut se défier d’une recherche simplifiée, dans laquelle on se contente d’apporter aux problèmes posés par la société des solutions fondées sur le seul progrès technologique.

Toute recherche architecturale se situe, à un niveau ou à un autre, autour du problème suivant: concevoir le milieu le plus approprié à sa destination. L’aspect qualitatif est au moins aussi important que l’aspect quantitatif. Même si les caractères et les besoins différent considérablement d’une région à l’autre, certaines constantes dans les aspirations humaines subsistent. Seule une bonne information pourra nous mettre en garde contre des erreurs monumentales systématiquement répétées avec tant d’aplomb.

Il faut constamment se référer aux fonctions essentielles et intimes de l’homme et se rendre compte que la réunion, par des moyens ingénieux, d’une quantité de cellules identiques conduit rarement au succès, même si l’unité considérée individuellement est bien équilibrée. Il y a cette croyance très répandue qu’une disposition correctement étudiée dans le détail, bien modulée et répétée à grande échelle est une solution satisfaisante. En fait, cela est fort souvent faux, car si la réponse formulée par l'architecte a des fondements techniques et économiques solides, on y relève en revanche une méconnaissance totale des mécanismes spirituels. Ainsi assistons-nous à d’innombrables tentatives de mise au point d’habitations entièrement rationalisées dans leurs composantes et susceptibles de reproduction en masse. L’évolution des besoins humains n’a pas été prise en considération lors de l’établissement du plan, qui est un schéma connu, subordonné à divers choix préétablis, qui euxmêmes ne sont plus remis en question.

Le résultat est qu’on multiplie par cent ou par mille l’erreur du départ. Résigné, l’habitant de ce logement trouvera néanmoins les ressources nécessaires pour aller y vivre.

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A côté des aspects techniques magnifiés au point de nous cacher l’essentiel, nous ignorons tout de la manière dont les perceptions humaines s’exercent à l’intérieur de l’habitation. Nous ne savons pas précisément comment et en quoi un logis de médiocre qualité influe sur le système psychique de l’individu. Nous ne savons pas véritablement comment l’homme «consomme» l’espace. Nous ignorons en général quels sont les effets néfastes de la mauvaise architecture et nous sommes habitués à ne pas y prendre garde.

Par bonheur, quelques chercheurs, inquiétés par cette carence de connaissances dans un domaine aussi fondamental, ont entrepris d’explorer le comportement de l’homme dans le cadre qu’il habite; en accumulant une information en anthropologie, sociologie, psychologie et ailleurs encore, ils ont découvert certaines indications qu’ils ont retransmises à leur tour. Ainsi est née la préoccupation de l’environnement. La notion du milieu appréhendé dans son sens large s’impose et l’espace prend alors une valeur qualitative mieux définie.

Pour la meilleur épanouissement de l’homme, la continuité spatiale est indispensable. Elle est particulièrement bien illustrée par la nature sauvage, les forêts, les prairies, les côtes de la mer... où les éléments naturels se succèdent les uns aux autres sans la moindre rupture. Cette qualité première de l’architecture devrait être présente dans nos milieux urbains, davantage que ce n’est le cas aujourd’hui, et cela sous peine d’assister à une désaffection toujours plus massive des logements et à la multiplication des maladies mentales.

Pourquoi donc cette continuité est-elle si menacée? Parce que, avec l’orientation étriquée du monde de bâtir, on a multiplié à l’infini les volumes identiques, qui sont le plus souvent des cubes ou parallélipipèdes: pièces composées de six faces dont un plancher, un plafond et quatre murs, soit au total un développement considérable d’arêtes à angle droit.

Chaque arête signifie rupture et discontinuité du volume, donc obstacle. Lorsqu’à ces caractéristiques s’ajoutent des dimensions restreintes à l'excès et des ouvertures distribuées au hasard, le milieu devient difficile à tolérer. C’est cependant ce qui se passe le plus souvent.

D’autres aspirations sont à satisfaire également; parmi elles, le désir légitime

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de projection et d’évasion vers l’extérieur.

Ainsi que le faisceau visuel engendré à partir de la rétine s’élargit dans sa rencontre avec le monde extérieur, ainsi la position de l’homme dans son habitation doit-elle lui permettre une ouverture plus grande vers le dehors. Mais comment réaliser cela, lorsqu’on se retrouve barricadé chez soi derrière un complexe de corridors et de cages d’escaliers? De trop nombreuses barrières entravent cette liberté qui devrait être à la portée de chacun.

Les appartements sont le plus souvent trop semblables les uns aux autres et insuffisamment diversifiés dans leur composition. Les hauteurs constantes entre plafond et plancher, l’identité des pièces entre elles, l’absence d’ouvertures vers l’extérieur sont des défauts qui emprisonnent l’homme. Il faut donc déneutraliser l’habitation et y introduire la dimension de direction. Un espace directionnel est reconnaissable à la dominante qui s’exerce sur les rapports entre l’intérieur et l’extérieur de la pièce. Mais, en précisant ainsi le caractère d’une pièce, il faut aussi éviter l’excès de spécificité. Qu’un lieu reste disponible pour agir, se déplacer, se divertir ou se recueillir reste essentiel.

En mettant une étiquette sur une porte, on restreint du même coup l’utilisation de la pièce à laquelle elle donne accès.

Il ne sera plus nécessaire de charger les parois d’un décor inutile pour accuser la qualité propre d’un lieu. Son caractère apparaîtra au contraire comme la conséquence de ses dispositions. Le meuble ne sera plus obligatoirement un accessoire encombrant le sol et restreignant la liberté de mouvement. Il est pensable que le mobilier ira de plus en plus en s’intégrant dans la construction du logis et sera même partiellement réalisé en même temps que le bâtiment qui l’abrite. On façonnera peut-être aussi des «planchers habitables», succession de surfaces planes, courbes et accidentées, apparentées aux reliefs d’un paysage, où le corps trouvera des supports pour ses diverses activités. Le sol et les murs ne seront plus indissociablement partagés, mais s’enchaîneront en de souples inflexions. Nous voyons que la valeur des composantes de l’habitation peut se modifier et évoluer considérablement.

Il faut donc, par une recherche appropriée, prendre en considération les aspirations profondes et essentielles de l’homme, pour pouvoir élaborer à l’avenir des milieux plus harmonieux. Jusqu’ici, seuls les appétits d’ordre strictement végétatif de l’homme ont été satisfaits par le logement. Un plan s’élabore en fonction du mouvement, du sommeil, des activités récréatives, alimentaires, sanitaires, ce qui est totalement insuffisant, lorsque les fonctions psychiques de l’homme y sont contrariées ou négligées.

Nous savons maintenant par le témoignage d’innombrables psychiatres et sociologues que les habitations dressées en toute hâte récemment sont responsables de beaucoup de maux: mésententes familiales, délinquance juvénile, traumatismes... Il n’y a plus dorénavant de raison d’ignorer cette information et de poursuivre l’édification de logements médiocres. Il faut susciter une conscience globale de ces problèmes pour parvenir à imaginer et à réinventer des conditions de vie plus honorables.

Pour tenter de préciser davantage la recherche architecturale déjà entreprise, il vaut la peine de relever diverses démarches bien distinctes les unes des autres.

C’est aux Etats-Unis que la recherche la plus systématique et abondante est pratiquée. Cette constatation s’explique par le fait que le développement économique des Etats-Unis a contribué, de manière plus accentuée qu’en Europe, à l’extension considérable des centres urbains en l’espace de quelques décennies; que ceux-ci ont crû de manière anarchique dans un pays généralement dépourvu d’ensembles historiques ; et que les architectes, appelés à apporter quelque agrément au cadre urbain, ont acquis une conscience particulière de ces problèmes.

En 1966, l’Institut des architectes américains recensait 58 organismes de recherche, dont 41 situés dans le cadre d’une université. Les sujets et les projets approfondis par ces institutions vont de la climatologie à l’économie, de l’habitation à l’étude de la lumière, en passant par la planification, l’histoire, la psychologie, etc. Les travaux entrepris peuvent être l’œuvre de groupes ou d’individus isolés; ils donnent lieu à la rédaction de thèses ou de mémoires, à l’établissement de graphiques, de fiches et à l’expérimentation pratique.

L’ingénieur R. Buckminster Fuller, secondé dans son travail par J. McHale, est depuis longtemps un inventeur et chercheur d’une rare envergure. Après avoir mis au point et appliqué des systèmes

Habitation familiale à Chestnut Hill, en Pennsylvanie.

Venturi et Rauch, architectes (1962).

Plan et coupe.

Ce projet ne rejette ni la complexité, ni la contradiction. Il tente de combiner en une synthèse les particularités de ses composantes plutôt que d’obtenir une unité arbitraire à partir de ses diverses parties. Il y a une opposition voulue entre la complication des espaces intérieurs et la simplicité du volume extérieur.

Plan and section.

This project rejects neither the complexity nor contradiction. It attempts to combine in synthesis the particularities of the parts rather than to obtain an arbitrary unity based on the various parts. There is an intended opposition between the complication of the interior spaces and the simplicity of the external volume.

Plan und Schnitt.

Dieses Projekt spiegelt weder Vielseitigkeit noch Widerspruch wider. Es wird eher versucht, die Besonderheiten seiner Bestandteile in einer Synthese zusammenzufassen, als eine willkürliche, von den einzelnen Teilen ausgehende Einheit zu erzielen. Es besteht ein gewollter Gegensatz zwischen der Verwicklung der Innenräume und der Einfachheit der Aussenvolümen.

Coupe et plan de l’église Sainte-Bernadette à Nevers.

Claude Parent et Paul Virilio (1965-1967).

«Plus proche d’un «ouvrage d’art» que d’une «œuvre d’art», cette première réalisation annonce notre refus des satisfactions esthétiques à la visualisation; nous avons voulu créer avant tout un «lieu usuel» où l’expérimentation remplace la contemplation, où l’architecture s'éprouve par le mouvement et la qualité de ce mouvement.» (Paul Virilio) Section and plan of the church of St. Bernadette at Nevers.

Schnitt und Plan der St -Bernadette-Kirche in Nevers.

constructifs entièrement nouveaux, tels que dômes géodésiques, habitations métalliques légères et déplaçables, réseaux structuraux économiques, Fuller a choisi d’entreprendre une recherche fondamentale sur l’écologie terrestre. Ses préoccupations l’ont incité à étudier en détail des phénomènes tels que l’accélération du peuplement mondial, le développement de la productivité, les courbes d’épuisement et de recyclage des métaux, l’accroissement des moyens de déplacement, etc. Pour cette tâche colossale qu’il a intitulée «World Design Science Decade 1965-1975», il a demandé aux écoles d’architecture du monde entier d’associer leurs efforts, estimant que leurs étudiants ont le temps, les capacités et l’esprit de synthèse requis pour la mener à bien.

L’ordinateur peut remplacer petit à petit le spécialiste puisqu’il différencie infailliblement les critères - et prend de ce fait la place du spécialiste; en revanche, l’homme possède le pouvoir de jugement et de synthèse qui conduit à l'intégration appropriée des valeurs. Cette vision globale des phénomènes écologiques et évolutifs est devenue capitale et, selon Fuller, l’architecte apparaît comme le mieux désigné pour contribuer à la formuler.

Il faut signaler les recherches nombreuses qui se sont fondées sur les découvertes des spécialistes de la communication et de la perception, Edward T. Hall, J. J. Gibson et M. McLuhan. L’analyse approfondie réalisée dans les rapports de communication entre êtres humains, en tenant compte de leur perpétuelle évolution, nous éclaire sur tous les mécanismes psychiques et affectifs de l’individu et nous oriente sur les implications directes qu’ont ces phénomènes sur le milieu vital que l’architecte imagine et contribue à façonner. Il est question de psychologie architecturale. Cette science étudie les rapports entre l’homme et l’espace dans lequel il se déplace, propose des méthodes conduisant à la définition de l’enveloppe la plus appropriée et opère des distinctions de base entre les comportements humains, qui sont de précieuses indications pour le «projeteur«. Dans son étude «Architectural Psychology», Robert Wehrli préconise diverses marches à suivre, qui permettent à l’architecte de s’assurer au départ qu’il n’a pas négligé les aspirations fondamentales de l’homme en élaborant le projet d’une construction.

Robert Bechtel a étudié le comportement

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Halprin, Esherick, Moore, Lyndon, Turnbull, Whitaker, architectes (1964-1967) Habitations de vacances au Sea Ranch, sur la côte pacifique de Californie.

Vue intérieure d’une habitation ( condominium) et détail d’un élément cuisine-salle de bains.

Les habitations condominium dérivent du besoin d'une rupture d’avec la tradition résidentielle.

Selon !'expression des architectes, «les vacances doivent ère un festival, une tente, une réunion».

Cette volonté d’affranchissement du contexte habituel. de liberté dans la composition des espaces, de violence dans la coloration des surfaces rejoint une prise de conscience très répandue actuellement aux Etats-Unis, où nombreux sont ceux qui tournent le dos à un confort trop systématique, lui préférant un retour à la nature et aux joies simples.

des individus, en distinguant entre déplacements coutumiers et déplacements exploratoires. A l'aide d’enquêtes menées avec des enregistreurs graphiques à l’insu du public, dans des musées où il a réussi à mesurer la durée et l’emplacement de stationnement des visiteurs devant des œuvres d’art, il est parvenu à récolter de précieuses indications sur les mouvements naturels et les distances critiques observées par l’individu. D'autres chercheurs ont étudié les comportements sociaux et les rapports quotidiens entre des familles habitant différentes catégories de constructions. D’autres encore, partant de l’exercice des sens, ont approfondi la relation de l’habitant et de son logis. Ils ont su mettre en évidence les qualités qu’on pouvait attendre d’un intérieur bien pensé, et ont relevé les erreurs auxquelles l’habitude conduit infailliblement, à partir du moment où les mécanismes ne sont plus analysés et remis en question.

A côté de toute la recherche analytique, il faut aussi examiner de près l’expérimentation dans la réalisation. Quelques exemples extraits de l’œuvre de Robert Venturi nous montrent clairement cette volonté d’imaginer des espaces intérieurs d’une grande richesse formelle, donnant lieu à des volumes intérieurs et extérieurs caractérisés par l’enchaînement continu des surfaces. Cette démarche est progressiste dans la mesure où un programme conventionnel n’a pas été «forcé» à l’intérieur d’un volume préétabli.

Charles Moore a recherché lui aussi cette continuité des espaces, synonyme d’une liberté retrouvée après tant d’habitations trop comprimées. Il a imaginé de construire de vastes volumes vides dans lesquels quelques éléments de grande taille, vivement colorés, servent à la fois de cloisonnements et de mobilier. Ainsi est née l’idée du condominium, de la structure à l’intérieur de la structure. C’est un essai de remise en question de l’échelle à l’intérieur de l’habitation. La couleur intervient activement, soit pour lier, soit pour contribuer au contraste entre les surfaces. De vastes motifs linéaires, longs de plusieurs mètres, s’enchaînent d’un mur à un plafond; des empreintes suggèrent une dimension élargie dans les pièces où elles figurent et donnent l’impression que les plans ainsi marqués viennent d’être sectionnés par un corps

Holiday dwellings at Sea Ranch on the Californian Pacific Coast.

Interior view of a dwelling (condominium) with detail of an element comprising kitchen and bathroom.

The ‘condominium’ dwellings derive from a need to break with residential traditions. According to the architects, ‘holidays must be a festival, a tent, a reunion’. This desire to escape from the usual context, with freedom in the composition of space, and violence in the colouring of the surfaces coincides with an awareness that is very widespread in the United States at present, where there are many who turn their back on a comfort that is too systematic, preferring a return to nature and the simple pleasures.

Claude Parent et Paul Virilio Schéma de circulation habitable.

A l’homme en mouvement, le site incliné donne la potentialité et le choix complexe de l’itinéraire, la liberté du parcours, la spontanéité du rassemblement. ( Claude Parent) Plan for circulatory living.

For man in motion, the sloping site gives the possibility and complex choice of routes, a liberty of roads, the spontaneity of a gathering.

( Claude Parent) Bewohnbares Verkehrsschema.

Die Schräglage gibt dem sich bewegenden Menschen Potentialität und komplexe Auswahl des Weges, Freiheit der Strecke und Spontaneität der Versammlung. ( Claude Parent)

Ferienwohnungen in der Sea Ranch an der pazifischen Kiiste Kaliforniens.

Innenansicht einer Wohnung und Ausschnitt einer Badezimmer- Küche.

Die Wohnungen «Condominium» entstammen einem Bedürfnis nach einem Abbruch mit der Wohnungstradition. Nach den Worten des Architekten «sollen die Ferien Fest, Zelt und Versammlung sein». Dieser Wille zum Überschreiten des üblichen Rahmens, zur Freiheit in der Raumgestaltung, zur leuchtenden Färbung der Flächen folgt einem derzeitig in den Vereinigten Staaten sehr verbreiteten Bewusstsein, wobei die Zahl derer gross ist, die einem zu systematischen Komfort den Rücken kehren und eine Rückkehr zur Natur und zu den einfachen Freuden vorziehen.

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aux très vastes dimensions. On a constaté que ces tentatives sont les premières manifestations d’une civilisation où l’homme a appréhendé l’espace d'une manière nouvelle. C’est exact et l’on y trouve cette volonté de ne plus restreindre l’habitation à un petit nid douillet, mais plutôt de l’assimiler à un ensemble beaucoup plus vaste, grâce à des rappels symboliques et spatiaux de la rue, des vitrines de magasins, des autoroutes même...

La contribution du groupe français Architecture Principe - Claude Parent, Paul Virilio, Michel Carrade, Morice Lipsi - apparaît comme fondamentale puisqu’elle remet en cause les modes de cloisonnement traditionnels et qu’elle tente d’instaurer une continuité dans le support. 11 importe donc de créer un sol habitable et continu, en lieu et place de l’empilement des étages. Ce support peut s’apparenter par sa conception à des ouvrages de génie civil, tels que réseaux et échangeurs d’autoroutes, qui participent de cette échelle élargie. C’est donc en orientant l’urbanisme et l’architecture vers un meilleur déploiement dans l’espace, plutôt qu’en recherchant la mobilité de ses composantes, que pourront être créées des conditions de vie adaptées à nos besoins. Du même coup sera réalisée une meilleure fusion entre les fonctions sédentaires et circulatoires de l’habitation. Quelques réalisations du groupe Architecture Principe illustrent déjà l’engagement de l’architecture dans des manifestations où la dynamique et la continuité deviennent des données de base.

11 serait sans doute superflu de rendre compte ici de la recherche entreprise dans presque tous les pays du monde, pour aboutir à des propositions variées.

Des créateurs tels que Paolo Soleri, Yona Friedmann, Paul Maymont, Arthur Quarmby, Walter Jonas sont connus pour les études multiples et diverses qu’ils ont entreprises. Derrière leurs projets se retrouve le souci de résoudre en termes nouveaux un type d’habitat approprié à la vie de demain.

Toute recherche prospective doit être guidée par une connaissance profonde des aspirations humaines. Il ne suffit donc pas d’aller à la rencontre du progrès technique en résolvant les problèmes de l’habitat en fonction du développement de la machine, des moyens de communication futurs et de la domestication de

nouvelles énergies. A côté de tous les avantages évidents résultant du perfectionnement technologique, on doit se poser le problème de la valeur symbolique du milieu de vie et de ses répercussions directes sur ses occupants. L’homme ne peut se satisfaire d’un cadre totalement artificiel et hautement mécanisé, dans lequel il ne saurait trouver que la réponse à ses besoins les plus immédiats; il ne doit donc plus se limiter à la recherche du confort matériel qui menace d’éclipser l’équilibre bâti sur un ajustement approprié des valeurs essentielles.

11 faut donc repenser aux enseignements de Jane Jacobs, qui a su montrer où étaient la richesse et l’indigence des structures urbaines existantes et se référer aux écrits de Gaston Bachelard, qui a si justement analysé la résonance des éléments de base tels que l’eau, l’espace et la lumière...

Gilles Barbey

Bibliographie AIA Research Survey 1966, Beniamin H. Evans.

The American Institute of Architects, Washington.

World Design Science Decade. Documents 1 to 6.

R. Buckminster Fuller. World Resources Inventory, Southern Illinois University Carbondale.

The Silent Language, Edward T. Hall. Doubleday & Company.

Understanding Media: The Extensions of Man.

Marshall McLuhan. New American Library.

The Perception of the Visual World. James J. Gibson. The Riverside Press, Cambridge.

Architectural Psychology, Robert Wehrli. University of Utah.

Human Movement and Preference, Robert B.

Bechtel. The Environmental Research Foundation. Topeka, Kansas.

Complexity and Contradiction in Architecture, Robert Venturi. The Museum of Modern Art Papers.

The Death and Life of Great American Cities, Jane Jacobs. Jonathan Cape, London.

«La Poétique de la Rêverie», Gaston Bachelard.

Presses Universitaires de France «La Poétique de P Espace», Gaston Bachelard.

Presses Universitaires de France.

Revue «Architecture Principe», Paris

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