Pierre Bataillard

Je ne m’attarderai pas sur les questions allant de 1 à 7. Elles ne me concernent pas. Elles ressortissent au domaine des techniciens. En revanche, les suivantes impliquent la prise de position de l’individu qui subit l’architecture qui lui déplaît, ou au contraire l’admire quand elle sait le conquérir.

Pour l’artiste au sens critique aigu, la notion de l’architecture demeure au premier plan de la vision quotidienne.

Je me permettrai donc d’être incisif, triste, désabusé - plus rarement enthousiasmé. La beauté est un bien inestimable.

Essayons de la sauvegarder.

Ich werde mich nicht mit den Fragen 1 bis 7 aufhalten. Sie betreffen mich nicht.

Sie gehören in das Gebiet der Techniker.

Im Gegensatz dazu verlangen die folgenden Fragen die Stellungnahme des Individuums, das die Architektur, die ihm missfällt, erdulden muss oder die es im Gegenteil bewundert, wenn sie sein Herz zu erobern versteht.

Für den Künstler im scharfen kritischen Sinne verbleibt die Architektur im Vordergrund der täglichen Vision. Ich erlaube mir also, schneidend, traurig, enttäuscht - selten begeistert - zu sein. Die Schönheit ist ein unschätzbares Gut.

Versuchen wir also, es zu bewahren.

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Une chose réussie se fait accepter par elle-même. Il ne devrait pas être nécessaire de l’imposer. Impose-t-on une forêt, un lac, un paysage? L’architecture appelée à durer néglige volontairement l’aspect humain. En négligeant cet aspect, on peut certes aboutir à des créations admirables sur le plan esthétique. Je pense plus particulièrement aux cathédrales gothiques ou à Brasilia, remarquables réalisations qui subjuguent l’homme, le hissent à un niveau qui n’est plus le sien. Il est sublimé.

Mais, il ne faut pas l’oublier, la première mission de l’architecture est de permettre tout bêtement à l’homme de vivre.

Le côté humain prend le dessus. On ne peut l’ignorer. Que signifie le côté humain? Vivre dans un cadre à la mesure de l’homme. Or, trop souvent, l’architecture imposée repousse l’homme, le cabre. Dès lors, le problème est mal posé, la formule ratée.

Dans mon métier - je suis graphiste designer - nous créons des formes, des objets dont la vie est courte. Ils sont là pour donner une impression, susciter un intérêt, qu’il soit publicitaire ou informatif. Ces formes, ces conceptions sont influencées par la mode, par le style, par la «patte» du créateur. Ce sont des jeux, des jeux utiles ou nécessaires, voire merveilleux, mais ils restent avant tout des jeux.

Le travail de l’architecte est tout autre.

Malheureusement, trop souvent, l’architecte essaie de créer à tout prix un style qui lui est propre, évoluant au gré de modes passagères, alors qu’il devrait être là pour permettre à l’homme de vivre, de travailler, de dormir. On est fort loin des jeux graphiques éphémères.

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I do not intend dealing with questions 1 to 7 which treat the field of the technician and do not therefore concern me.

The remaining questions on the other hand concern the position to be taken by the individual who puts up with an architecture which displeases him or, on the contrary, which he admires—when it succeeds in convincing him.

For the artist, in the critical, sharp sense of the term, architecture remains in the foreground of daily vision. I will therefore be incisive, sad, disillusioned more often than enthusiastic. Beauty is an invaluable quality. Let us try to protect it.

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Eine geglückte Sache wird von selbst akzeptiert. Es sollte nicht nötig sein, sie durchzusetzen. Drängt man einen Wald, einen See, eine Landschaft auf? Die Architektur, die zum Bestehen berufen ist, vernachlässigt gern den menschlichen Gesichtspunkt. Indem man diesen Gesichtspunkt vernachlässigt, kann man auf der ästhetischen Ebene sicherlich zu wunderbaren Schöpfungen gelangen. Ich denke ganz besonders an die gotischen Kathedralen oder an Brasilia, bemerkenswerte Werke, die den Menschen beherrschen, ihn in eine Höhe führen, die nicht mehr die seine ist. Er ist erhaben.

Aber es darf nicht vergessen werden, dass die erste Aufgabe der Architektur darin besteht, den Menschen schlicht und einfach leben zu lassen. Die menschliche Seite erhält den Vorrang. Das kann man nicht ignorieren. Was bedeutet die menschliche Seite? In einem dem Menschen angepassten Rahmen zu leben.

Zu oft geschieht es jedoch, dass die aufgezwungene Architektur den Menschen, den Rahmen, zurückstösst. Von da an ist das Problem schlecht gestellt, die Formel verfehlt.

In meinem Beruf - ich bin graphischer Zeichner - schaffen wir Formen, also Gegenstände von kurzer Lebensdauer.

Sie sind dazu da, einen Eindruck zu vermitteln, Interesse zu wecken, sei es zu Reklame- oder zu Informationszwecken.

Diese Formen, diese Konzeptionen sind von der Mode, dem Stil oder der «Pfote» des Schöpfers beeinflusst. Es sind Spiele, nützliche oder notwendige, ja sogar wunderbare Spiele, aber vor allem sind es Spiele. Die Arbeit des Architekten ist eine ganz andere. Unglücklicherweise

A success is accepted for itself. It should not have to be enforced. Does one enforce a forest, a lake or a landscape? Architecture, expected to last, neglects the human aspect. By doing so it will certainly produce admirable creations from the aesthetic point of view. I refer in particular to the Gothic cathedrals or Brasilia, remarkable achievements which subjugate man and raise him to a level which is not his own. He is purified.

But it must not be forgotten that the first duty of the architect is simply to allow man to live. The human side is uppermost.

We cannot ignore it. What does it mean?

Life lived in a frame which is made to measure. Yet more often enforced architecture pushes man away and rebels against him. From then on the problem is badly set and the formula ineffectual.

In my profession as a graphic designer we create objects with a short life. They are there to give an impression, incite interest, be they simply publicity or information. These forms and concepts are influenced by fashion, style and the mark of the creator. They are games—useful or necessary, marvellous even, but above all games.

The architect’s work is completely different. Unfortunately, the architect too often tries to create his own style at all costs, evolving with the whims of passing fashion instead of helping man to live, work and sleep. We are far from the ephemeral graphic games. For us an unsuccessful piece of work has barely any consequence for the rest of humanity.

The exhibition doors close and no one thinks of it any longer! But our cities, the countryside and mountains remain stuffed with lasting achievements which spoil

Pour nous, un travail raté n’a guère de conséquence sur le reste de l’humanité.

L’exposition ferme ses portes et personne n’y pense plus! Tandis que nos villes, nos campagnes, nos montagnes restent truffées d’œuvres définitives, gâchant irrémédiablement les paysages les plus harmonieux. Le graphiste est inoffensif, l’architecte peut être dangereux...

En s’intégrant au site choisi, en collaborant avec l’environnement, l’architecte croit souvent perdre de sa personnalité, de son génie... Il y gagnera plus modestement l’estime des générations à venir.

Je suis toujours émerveillé de constater combien un village vaudois, une bourgade de l’Anjou, un hameau valaisan, un pueblo mexicain sont intégrés à leur environnement. Ils sont là depuis toujours. Ils ont poussé avec la forêt voisine, ils sont moulés dans leurs vergers, leurs cultures. Il sont «un».

Ils sont «harmonie». Il n’y a pas d’architecte qui puisse s’enorgueillir de ces créations. Mais que viennent une construction nouvelle, une villa «personnalisée», un petit immeuble locatif; tout est remis en question.

Je n’ai pas de réponse à donner, de conseils ou de remèdes. Ce n’est pas mon rôle. Je ne suis qu’un spectateur épris de beauté. Je constate et je reste souvent démoralisé.

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Comme je n’ai que peu de confiance dans le développement de la conscience et de la morale publiques, je crois très franchement que l’on devra en arriver, hélas, à une limitation très sévère de la propriété privée. La spéculation est en effet le grand moteur de l’urbanisme mal compris.

L’aménagement du territoire - on en parle tous les jours - reste lié à tant de contraintes que je doute fort de son efficacité future. A l’heure actuelle, on ne dispose certes pas des moyens qui permettraient l’opération chirurgicale nécessaire, seul remède possible au développement désordonné de nos banlieues. L’entassement chaotique de villes comme New York, les mornes et interminables étendues de Los Angeles, le développement démentiel de Tokyo, autant d’exemples qui nous montrent aujourd’hui le sort des grandes villes européennes de demain et de leurs malheureux habitants.

versucht der Architekt allzuoft um jeden Preis einen Stil, der ihm eigen ist, und im Takte der vorübergehenden Moden sich entwickelt, zu schaffen, während er dazu da sein müsste, dem Menschen das Leben, das Arbeiten und das Schlafen zu erleichtern. Das hat mit den flüchtigen graphischen Spielen nichts mehr zu tun.

Was uns betrifft, so hat eine verfehlte Arbeit kaum Folgen für den Rest der Menschheit. Die Ausstellung schliesst ihre Pforten, und kein Mensch denkt mehr daran! Während unsere Städte, unsere Landschaften, unsere Gebirge mit endgültigen Werken übersät sind, die in nicht wiedergutzumachender Weise die harmonischsten Landschaften verderben. Der Graphiker ist harmlos, der Architekt kann gefährlich werden. . .

Indem er sich in den gewählten Ort einfügt und mit der Umgebung zusammenarbeitet, glaubt der Architekt oft, seine Persönlichkeit, sein Genie zu verlieren...

Er wird dadurch in bescheidenerer Weise die Hochachtung kommender Generationen gewinnen.

Ich bin von der Feststellung verzaubert, wie sehr sich ein waadtländisches Dorf, ein Weiler in Anjou, ein Gehöft im Wallis, ein mexikanischer Pueblo in ihre Umgebung einfügen. Sie sind seit immer dagewesen. Sie sind mit dem benachbarten Wald gewachsen, eingebettet in ihre Obstgärten, in ihre Felder. Sie sind «eins». Sie sind «Harmonie». Es gibt keinen Architekten, der über ihre Schöpfung stolz sein könnte. In dem Augenblick aber, wo ein Neubau, eine «persönliche» Villa, ein kleines Mietshaus hinzukommen, ist alles wieder in Frage gestellt.

Ich kann weder Antworten, Ratschläge oder Heilmittel geben. Darin besteht meine Rolle nicht. Ich bin nur ein von Schönheit ergriffener Zuschauer. Ich zweifle und bin oft entmutigt.

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Da ich nicht viel Vertrauen in die Entwicklung des Gewissens und der öffentlichen Moral habe, glaube ich, offen gestanden, dass man, leider, eine sehr strenge Beschränkung des Privatbesitzes einführen müsste. Die Spekulation ist in der Tat der grosse Motor des schlecht verstandenen Städtebaus.

Die Landesplanung, von der man täglich spricht, ist an so viele Einschränkungen gebunden, dass ich sehr an ihrer zukünftigen Wirksamkeit zweifle. Zur Stun-

the most beautiful scenery for ever. The graphist is harmless but the architect can be dangerous. . . .

By working with the environment and in close collaboration with the chosen site, the architect often thinks he is losing his personality and genius... but he will gain the esteem of future generations.

It is always a source of wonder to me to see how well in keeping with their environment are for example a village in Vaud, a hamlet in the Valais, a small town in Anjou or a pueblo in Mexico. They have been there since time began, they have grown with the nearby forest, moulded in their fields and pastures. They are ‘one’. They are ‘harmony’. No architect can pride himself on their creation. But as soon as a new construction comes, a ‘personalized’ villa or a small tenement house, the question begins all over again.

It is not up to me to give replies, advice or remedies. I am simply a spectator in love with beauty. I take stock and often remain disillusioned.

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As I have but little confidence in the development of public conscience and morals, I believe quite frankly that we must arrive, alas, at a severe limitation of public property. Speculation is indeed the great driving force of incorrectly understood urbanism.

Land planning—a daily subject of conversation—is so restricted that I have grave doubts of its effectiveness in the future. We do not have, at the present time, the necessary means to carry out the surgery, the only possible remedy for the disordered development of our suburbs.

The chaotic overcrowding of cities like New York, the dismal and never ending stretches of Los Angeles, the crazy development of Tokyo—so many examples which demonstrate tomorrow’s fate of large European cities and their unfortunate inhabitants.

Can one really not plan organizations which are apart from political influences, free of the dangerous consequences of speculation which would grasp and fully understand the problems of urbanism in the future?

12 We are forever piling up wonder solutions for the year 2000. This is good and with the help of technology, I have no

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Pierre Bataillard

Ne peut-on vraiment pas concevoir pour l’avenir des organismes à l’abri des influences politiques, affranchis des dangereuses contingences de la spéculation, maîtrisant avec logique les problèmes d’urbanisme de demain?

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On échafaude chaque jour des solutions merveilleuses pour l’an 2000. C’est bien, et, la technologie aidant, je ne doute pas des possibilités futures de bien-être.

Mais que fait-on aujourd'hui pour les hommes d’aujourd’hui? On étale au soleil des HLM torrides et prétentieux sur des flancs de montagnes brûlées, alors que, d’instinct, l’homme recherche l’ombre des venelles. On dévore des campagnes pour semer des villas aux noms poétiques, dont chaque architecture est le reflet d’une école, d’une mode, d’un système ou d’un tic...

Je ne crois pas que les recherches d’avantgarde soient des utopies, mais il me semble plus facile de projeter dans le temps et l’infini, plutôt que de trouver une solution à nos humbles problèmes d’aujourd’hui.

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Certes, on fait actuellement des efforts considérables pour restaurer et conserver nos villes d’art. Cependant, il ne faut pas se leurrer; ce sont des solutions à courte échéance. Que sera-t-il advenu de Venise en l’an 2000 ou de Florence dans 500 ans au rythme des débordements de l’Arno, si l’on ne préconise pas maintenant des solutions révolutionnaires?

Mon souhait... ou mon rêve est que l’on développe autant d’énergie et d’intelligence à innover en cette matière qu’à imaginer les cités souterraines de la Lune ou de Mars, ou encore les villes suspendues à 300 mètres de hauteur.

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L’apport de la sociologie: nul, ou presque, si l’on en juge les résultats acquis en matière de grands ensembles.

P. B.

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de verfügt man sicherlich nicht über die Mittel, mit denen die notwendige chirurgische Operation durchgeführt werden könnte, das einzig mögliche Mittel gegen die heillose Entwicklung unserer Vorstädte. Die chaotische Anhäufung von Städten wie New York, die langweiligen und endlosen Weiten von Los Angeles, die wahnsinnige Entwicklung von Tokio: so viele Beispiele, die uns heute das Schicksal der europäischen Grossstädte von morgen und ihrer unglücklichen Bewohner vor Augen halten.

Ist es wirklich unmöglich, für die Zukunft Organe zu schaffen, die vor politischen Einflüssen geschützt sind, frei von der gefährlichen Berührung mit der Spekulation, die die Probleme des Städtebaus von morgen in logischer Weise meistern?

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Täglich stellt man wunderbare Lösungen für das Jahr 2000 auf. Das ist fein, und dank der Technik zweifle ich nicht an den zukünftigen Möglichkeiten zum Wohlbefinden.

Aber was wird heute für die Menschen von heute getan? In der Sonne verbrannter Gebirgshänge werden ausgetrocknete und angeberische Sozialbauten ausgebreitet, während der Mensch instinktiv den Schatten der Gassen sucht. Es werden ganze Landschaften verschlungen, um Villen mit poetischen Namen zu säen, wobei jede einzelne Architektur eine Schule, eine Mode, ein System oder einen Tick widerspiegelt. ..

Ich glaube nicht, dass die avantgardistischen Bestrebungen Utopien sind, aber es scheint mir leichter, in die Zeit und Unendlichkeit zu projektieren, als eine Lösung für unsere bescheidenen Probleme von heute zu finden.

doubts on the future possibilities for well-being.

But what are we doing today for the men of today?—We stretch out torrid and pretentious council houses in the sun of scorched mountain sides, whereas man’s instinct tells him to shelter in the shade of the alleys. We devour the countryside by scattering poetically named villas each reflecting an architectural school, a fashion, a system or a habit. . . .

I do not believe avant-garde research will provide utopias but it seems easier to plan for an infinite future than find a solution to the humble problems of today.

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Indeed considerable efforts are being made to restore and conserve our historical heritage. We must not delude ourselves however—they are but short-term solutions. What will Venice become in the year 2000 or Florence in 500 years at the present rate at which the Arno floods, if revolutionary solutions are not planned now?

My wish ... or my dream is to see as much energy and intelligence being devoted to these solutions rather than to imagining underground cities on the Moon or Mars or cities suspended from a height of 300 m.

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Nil, or almost, if judged on the results obtained with large complexes.

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Gewiss unternimmt man zurzeit beträchtliche Anstrengungen, um unsere Kunststädte zu restaurieren und zu bewahren.

Man darf sich indessen nicht darüber hinwegtäuschen, dass es sich dabei um kurzfristige Lösungen handelt. Was wird im Jahre 2000 aus Venedig geworden sein oder in fünfhundert Jahren aus Florenz beim gegenwärtigen Rhythmus der Arnoüberschwemmungen, wenn nicht jetzt, revolutionäre Lösungen vorgeschlagen werden?

Mein Wunsch - oder mein Traum ist es, dass man in dieser Angelegenheit ebenso-

viel erfinderische Energie und Intelligenz entwickelt wie beim Ausdenken von unterirdischen Mond- oder Marsstädten oder von Städten, die auf 300 Meter Höhe hängen.

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Keine oder beinahe keine, wenn man nach den Ergebnissen, die auf dem Gebiet der grossen Gesamtheiten errungen wurden, urteilt.

P. B.