6 millions de m3 de béton
Grande Dixence SA
C’est dans la région comprise entre le massif de la Rosablanche, le Val des Dix et le Val d’Hérémence que se trouvent les nombreuses installations servant à la construction de l’un des plus grands barrages de notre pays, celui de la Grande Dixence.
Lorsque le voyageur remonte de Sion vers l’imposant paysage que domine le Mont Blanc de Cheilon, il traverse tout d’abord les villages de Vex, Hérémence, Mâche, au-dessus desquels il décèle déjà les approches d’un grand chantier. Deux longs téléphériques reliant Sion au Val des Dix l’accompagnent dans sa course et un interminable chapelet de bidons métalliques jalonne sa montée.
C’est la route du ciment. A l’horizon, le visiteur aperçoit déjà l’agglomération des constructions diverses qui se découpent dans le ciel. Quelques derniers arolles s’accrochent encore ici et là aux roches déchiquetées, la route serpente de plus en plus, s’enfonce dans un tunnel et débouche brusquement au milieu de places aménagées, accrochées aux rochers, de dépôts, de véhicules parmi lesquels circulent les ouvriers de haute montagne, coiffés de casques aux reflets de métal et chaussés de bottes noires.
Cet univers de machines bruyantes, de va-et-vient incessant d’hommes et d’engins de toute sorte est cependant totalement acquis à l’organisation la plus rigoureuse et à la méthode la plus poussée.
Une idée seule domine : construire le barrage, à la moyenne journalière de 4 à 5000 m3 de béton mis en place.
Pour y parvenir, il a fallu créer tout d’abord une route d’accès jusqu’à 2350 m. d’altitude. Puis deux téléphériques de 17,5 km.
de longueur, capables d’alimenter les silos à ciment à raison de 50 tonnes à l’heure chacun, de la plaine au chantier. Enfin, un funiculaire pour relier le point le plus haut des installations au centre de bétonnage, soit entre 2350 et 2600 m. d’altitude. Cet endroit élevé, Prafleuri, situé sur les contreforts morainiques de la Rosablanche, abrite les installations d’extraction de sable et gravier.
Les moraines de Prafleuri sont exploitées entre 2600 et 2800 m.
d’altitude, sur une superficie d’environ 28 hectares, au moyen de pelles mécaniques électriques ou à moteur Diesel. Les matériaux sont chargés sur des camions « Mack » et déversés ensuite dans un concasseur giratoire capable d’absorber et de broyer des blocs de 1 m3 à la cadence de 800 tonnes par heure/. Les matériaux ressortent de ce premier traitement, encore impurs et non lavés, pour être conduits sur un ruban transporteur, à la station de concassage.
Cette installation comprend huit concasseurs à mâchoires, destinés à réduire les matériaux à une granulation de 0 à 120 mm. Quatre de ces machines sont équipées de trieurs-laveurs dont la tâche est de débarrasser le sable des éléments extrêmement fins, nuisibles à la qualité du béton. Les quatre autres concasseurs servent de réserve. Dès la station de Prafleuri, les matériaux sont expédiés sur un ruban transporteur par l’intérieur du tunnel conduisant au centre de bétonnage de Biava. Ce tunnel, long de 1600 m., abrite également le funiculaire de liaison des chantiers. Durant l’été, » 240 ouvriers, logés dans des conditions parfaites d’hygiène et de confort, vivent à Prafleuri, en pleine nature alpestre. Il y a là-haut, à 2650 m. d’altitude, une cantine avec bazar, foyer, jeu de quilles et cinéma. Chaque baraque d’ouvriers, qui compte en moyenne 20 personnes, possède ses douches avec eau chaude et froide. Une infirmerie avec poste de matériel d’avalanches et d’incendie est également installé, et, détail particulier, toutes les ordures sont incinérées dans un four électrique spécial.
Dès la sortie du tunnel reliant Prafleuri à Biava, les matériaux sont conduits vers deux grands dépôts en plein air, l’un de 22,000 m3, et l’autre de 128,000 m3. Le plus grand dépôt, à 2400 m. d’altitude, est destiné à accumuler les matériaux pour permettre le bétonnage dès le début du mois de mai, alors que le chantier de Prafleuri est encore sous la neige. Au-dessous élu dépôt de 22,000 m3 se trouve l’installatioo de triage-lavage, qui permet de fabriquer, en partant du ballast de 120 mm., le sable et le gravillon. Diverses machines, trieurs-laveurs, concasseurs giratoires, moulins à marteaux ou à cylindres, séparent le ballast trié et lavé en catégories de 0 - 3 mm., 3-10 mm., 10 - 40 mm. et 40 - 120 mm. Le sable est traité spécialement et subdivisé à nouveau en cinq composantes. Les matériaux sont conduits par rubans transporteurs dans cinq silos d’un volume total de 13,000 m3, d’où ils gagnent les tours à béton.
Les tours à béton sont munies chacune de six doseurs automatiques assurant le mélange de l’eau, du ciment et des sables et graviers calibrés en provenance de Prafleuri. Le ciment, transporté de Sion par les téléphériques, arrive en bidons métalliques de 400 kg. chacun, et après vidage automatique, est amené aux silos puis aux tours à béton, aù moyen de conduites pneumatiques.
Le béton sort des trémies situées au-dessous des tours. Il est déversé dans des camions-silos qui le conduisent aux blondins. Remplies par les silobus, les bennes des blondins, suspendues à leur chariot, glissent le long des câbles tendus au travers de la vallée, au-dessus du barrage, puis descendent à l’endroit précis où les attendent les équipes de bétonnage.
Le chantier de Biava compte plus de 300 ouvriers travaillant soit aux installations de triage-lavage, aux tours à béton, à la station d’arrivée des téléphériques du ciment, à la commande des blondins ou au chargement du béton. Pour loger ensemble ce nombreux personnel, un village composé de quatre habitations à plusieurs étages a été élevé à 2400 m. d’altitude environ, sur un promontoire naturel (d’où la vue s’étend de la vallée d’Hérémence jusqu’au Wildhorn, tout en embrassant également d’un regard plongeant le chantier du barrage. Le village a sa propre cantine, son infirmerie, son foyer, son cinéma, et il peut être occupé en été et en hiver, grâce à son accès facile et à sa situation favorable.
Toute la partie inférieure du chantier est attachée à la mise en place du béton, c’est-à-dire à l’édification du barrage proprement dit. Sur la rive droite, se déplaçant le long d’une voie à crémaillère,
les quatre chariots d’amarrage des blondins s’immobilisent au gré des alternances du bétonnage. Sur la rive gauche, vers Biava, les bennes de béton apparaissent, traversent le ciel, suspendues à leur chariot glissant sur le câble, puis descendent et se déversent sur les blocs en construction. Dès que le béton est coulé (il y a 6,5 m3 de béton dans chaque benne), commence l’opération de la pervibration. Des pervibrateurs pesant une centaine de kilogrammes et manœuvrés par deux hommes entrent en action. Déjà, la benne vide repart dans les airs. Des équipes travaillent aux coffrages, d’autres encore nettoient et préparent une nouvelle surface à bétonner. Le va-et-vient est incessant. Des ordres circulent, les téléphonistes, laryngophone et casque en bataille guident les bennes aveugles manœuvrées à distance par les conducteurs des blondins.
Toutes les opérations sont minutées, aucune seconde n’est perdue, ni le jour, ni la nuit. C’est ainsi que ce mur qui s’élèvera à 281 m.
de hauteur, sur une largeur de 200 m. à sa Dase, et dont le couronnement aura une longueur de 450 mètres, sera construit, durant 120 jours par an, jusqu’à ce qu’il ait atteint son volume total de 5,800,000 mètres cubes.
Un millier d’ouvriers occupent ce seul chantier du barrage. L’endroit est appelé Le Chargeur et se situe à 2140 m. d’altitude environ. Logés dans un village aux baraques de bois ou dans un immense bâtiment pouvant recevoir 450 hommes durant toute l’année, chacun vit dans les meilleures conditions possibles. Le village a sa grande salle de cinéma (400 places), deux restaurants, un foyer, une infirmerie modèle avec installation de rayons X, une bibliothèque, une salle de lecture, une salle de jeux. De nombreux services sont à disposition dés ouvriers : le service social, la commission ouvrière, l’aumônerie, la banque, la poste, la gendarmerie, ainsi que la mercerie, la cordonnerie ou le salon de coiffure.
Tels sont les caractères essentiels de ce grand chantier où un immense effort social est fait pour l’amélioration des conditions des ouvriers et pour la lutte contre les accidents. Les mesures de sécurité ne sont pas de vains mots et chacun se fait un devoir de signaler les risques ou les dangers nouveaux qui peuvent survenir à chaque instant. L’esprit de chantier se manifeste non seulement dans le travail, mais encore dans les loisirs. 'Un club de football, une société de tir, une fanfare, une chorale même sèment la joie et l’harmonie sur ces hauteurs et contribuent à la pleine réussite des grands travaux entrepris par la société Grande Dixence S. A.