Architecture et grande industrie Marc J. Saugey

L’œuvre de l’architecte qui jaillit dans le ciel, contient en elle-même la réponse à d’innombrables problèmes de tous ordres.

Elle démontre sans fard la justesse ou l’erreur de la synthèse qu’elle constitue, en reflétant quatre conditions primordiales : l’exactitude du programme, le respect des conditions permanentes du lieu, l’expression nuancée des fonctions, l’adoption appropriée des matériaux.

Et pour que « l’édifice chante » selon Valéry, il aura fallu que l’architectej dominant ces contingences, les pétrisse, les jugule au point de les faire oublier et crée le volume harmonieux et pur sous la lumière.

Or, le choix des matériaux se révèle à cet égard d’une importance déterminante. Dès le premier abord, ils influencent l’aspect et le caractère de l’œuvre par leur densité et leurs couleurs ; par leur modulation propre.

Ils peuvent aussi être déterminants non seulement dans le respect du fonctionnel, mais dans le choix de la structure ; donc influencer directement les problèmes statiques. Enfin, pour mémoire, leur action directe ou indirecte sur le coût de la réalisation.

L’an dernier, «Construction», cette si intéressante revue remarquablement présentée, avait publié un tryptique d’articles traitant de l’esthétique industrielle, de la valeur de la préfabrication, enfin du rôle à jouer par l’architecte avec les réalisateurs et les industriels.

Il m’apparaît utile, au seuil d’une période qui verra une transformation profonde du mode de construire, de compléter dans ime certaine mesure le sens et le but de ces précédents écrits.

Des efforts très grands, nombreux, ont été tentés dans les domaines les plus divers de la construction depuis quelques années, de l’ossature jusqu’aux poignées de portes. Cela n’a pas empêché le comité hautement qualifié des experts de l’O.E.C.E., après deux voyages d’études fort longs en Amérique et en Europe, de conclure de façon peu optimiste sur les résultats obtenus.

Dans presque chaque cas, le coût, compte tenu du but à remplir, est beaucoup trop élevé.

Là surgit une constatation qui devra rester constante dans notre mémoire : L’industrie de préfabrication du bâtiment livre des matériaux standardisés dix fois plus chers, avec quatre fois plus de main-d’œuvre, que la grande industrie ; celle de l’automobile par exemple!

Ce qui me rappelle ime conclusion à laquelle le grand ingénieur Bodianski arrivait au terme d’un entretien : « Tant que nous ne serons pas en face d’une commande de 20,000 logements, rien n’est possible ».

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Mais si la production est logique, rationnelle, esthétique, ce qu’un seul ne peut obtenir, un pays, une région peut l’offrir.

Pour atteindre ce but, l’architecte est indispensable. C’est lui, à chaque étude de matériau, qui peut énoncer les lacunes en cascades des chantiers, avoir constamment l’esprit de synthèse, soumettre l’objet préalablement aux conditions générales, au lieu des seules qualités intrinsèques, sans liaison.

Combien en effet de matériaux sont-ils en eux-mêmes intéressants, mais inapplicables, parce qu’entraînant des répercussions fâcheuses dans d’autres domaines du bâtiment.

Un exemple parmi les plus simples. L’eau, dès le gros-œuvre terminé, est l’ennemie d’un bon avancement ; remplacer les carrelages avec leur béton préalable par un autre matériau sera peutêtre séduisant. Oui, si les chapes nécessaires à ces produits de remplacement ne nécessitaient, elles aussi, de l’eau et un ou deux mois de séchage. Il faut donc trouver un matériau résistant se posant à sec, sur une dalle planifiée lors du montage de l’ossature.

Or, ce matériau reste à trouver !

Jusqu’alors les efforts ont surtout été dirigés sur les façades des bâtiments, but louable ; non résolu du reste parce que la grande série d’éléments n’y est pas encore. Signalons cependant que grâce à l’acharnement bénévole d’un atelier d’architecte le prix des éléments aluminium a été diminué de 300 %.

Mais cette face du problème ne porte que sur une moitié du budget, et sur la période de réalisation la plus courte. (Si le gros-œuvre — infra et superstructure — s’achève en cinq mois, la finition du bâtiment en exige autant pour le moins à l’heure actuelle.) Le choix du matériau prend déjà toute son importance dès l’adoption de l’ossature (dans les bâtiments où elle se révèle avantageuse).

J’ai constaté dernièrement, au cours d’une expertise, une différence de plus de Fr. 10.— au mètre carré pour des dalles préfabriquées, ensuite de l’adoption d’un mauvais écartement des points d’appui.

La destination de l’immeuble joue un rôle non négligeable. Pour des bureaux, des poteaux intérieurs deviennent plus que gênants.

Les architectes américains constructeurs du magnifique « Lever House » à New-York démontrent, dans une nouvelle réalisation, les avantages d’une solution de grands cadres métalliques sans appui intermédiaire, avec une portée de 18 m.; et cela pour un immeuble de 18 étages seulement (rentrant donc dans les limites habituelles du béton armé).

A l’hôtel Stattler à Dalles (U.S.A.), au terme d’une série d’études comparatives, l’adoption d’un grand cadre central avec de part et d’autre une console de 2 m. 40, a permis de diminuer de 20 % le coût de l’ossature.

Le problème panneau avec fermeture extérieure du vitrage n’est que partiellement résolu.

A l’intérieur de l’immeuble, nous sommes véritablement encore au stade du petit artisanat. L’eau coule à flots partout, augmentant considérablement les temps de séchage.

Parallèlement aux expériences, recherches industrielles, une véritable croisade psychologique doit être conduite sur le chantier.

Certaines méthodes, certains processus, certains gestes sont tellement enracinés, qu’une démonstration sans appel n’engendre que scepticisme.

Le bâtiment hors d’eau, le premier problème qui se présentera sera celui des huisseries et parois.

Comment peut-il encore manquer sur le marché quelques modèles de portes, en grande série industrielle, livrés, montés avec aisselier métal et serrure, à un prix très nettement inférieur à la solution conventionnelle de l’aisselier bois, placé seul et comportant la pose ultérieure de la porte (les expériences intermédiaires n’ont guère été révélatrices) ?

Le problème central reste celui de la paroi. Arrivera-t-on au grand panneau préfabriqué, ou à l’élément modulaire garanti sans fente, avec leur surface terminée ? Les essais nombreux n’apparaissent encore guère probants, dominés par un prix unitaire beaucoup trop élevé. Pourquoi les plafonds en préfabriqués, dont le prix unitaire d’achat ne dépasse que d’un franc celui des éléments plâtre, coûtent-ils une fois posés 20 à 30 % plus chers ?

Les installations ont été améliorées, simplifiées, mais de gros efforts restent à accomplir, spécialement dans le dicastère appareils, d’une trop grande diversité de modèles et d’un prix à nouveau trop éloigné de la grande production industrielle.

Comment peut-on admettre sans étonnement qu’une simple baignoire revienne plus cher à l’achat sans pose, qu’une bicyclette ! ! !

Lors de la construction de l’Hôtel du Rhône, des essais de normalisation des tuyauteries, avec raccords seulement à l’appareil et à la colonne centrale, ont apporté des résultats encourageants : 300 chambres de bains montées et équipées dans un temps record avec une poignée d’hommes, et un budget inférieur.

C’est dans ce grand vaisseau qu’ont été expérimentés une série de matériaux depuis la paroi jusqu’à la serrure «insonore et antiphoto» aux robinets, etc.

Rappelons à ce propos que cet hôtel de 300 lits avec en plus ses 120 bureaux, ses 40 appartements, a été conçu et édifié en 23 mois, s’étendant depuis la commande à l’architecte et à l’ingénieur jusqu’à l’entrée du premier hôte.

Les efforts et les résultats des firmes françaises en particulier, dans l’équipement de la cuisine, sont encourageants, mais la pose sur plaçe doit encore être améliorée.

Les sols et parois des salles de bains nécessitent aussi une attention spéciale, car le problème est complexe, délicat.

D’une façon générale, on intègre beaucoup trop intimément l’agencement, l’équipement aux œuvres vives des bâtiments. Il en découle fissures et réactions des matériaux entre eux, mis à part des avalanches de couvre-joints, raccords, etc.

Il faut arriver à considérer la construction d’un bâtiment une fois l’ossature terminée, comme une série d’opérations de montage, d’assemblage.

Cette réforme doit s’opérer : dans la grande industrie qui a tout avantage à prendre pied réellement dans le bâtiment, dans les entreprises et la main-d’œuvre, et surtout dans les esprits.

Le coût de la construction par Rabaissement des prix de matériaux et de pose, et le raccourcissement de la durée d’érection s’abaissera dans des proportions insoupçonnées.

Ce programme très succinct démontre le rôle important de l’architecte.

Il semblerait utile qu’aux grandes organisations et commissions de rationalisation, etc., dont l’utilité est incontestable, soient par exemple adjointes des équipes constituées par des représentants qualifiés et expérimentés des différentes activités de la production à la pose, avec la collaboration de l’architecte.

Chacune aurait des objectifs très précis à atteindre, en ne perdant jamais.de vue les conditions essentielles d’ensemble et le but final.

Si un grand pas était, ces prochaines années, effectivement fait, les répercussions seraient très étendues et de nature à modifier l’aspect de problèmes généraux importants allant du social à l’urbanisme.

La tâche est énorme, mais l’enjeu en vaut la peine.

L I B R A I R I E PA Y O T

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