Autoroute nationale n° 1 W. Decollogny, ingénieur

Il paraît superflu d’insister sur les conséquences de l’augmentation du trafic automobile utilisant les routes vaudoises de grande circulation. Parmi celles-ci l’artère Genève-Lausanne parcourue chaque jour par un nombre de véhicules le plus grand de Suisse, ne suffit pas à écouler normalement la double file des engins motorisés.

La structure technique de la route ne satisfait plus suffisamment aux conditions d’une circulation dont l’intensité croît dans une proportion dépassant toutes prévisions.

Comment remédier à cette insuffisance de la route ?

Le Département des travaux publics s’est préoccupé de ce problème et a cherché une solution qui tienne compte, d’une part, du développement probable et futur de la circulation et d’autre part, permette d’éliminer dans le plus bref délai possible les causes principales des accidents si fréquents entre Genève et Lausanne.

La première question à laquelle le technicien doit répondre est celle-ci : Est-il possible de donner à la chaussée actuelle le caractère d’une route de grande circulation ? Pour cela il faudrait élargir la route actuelle de 8 à 9 m. ou 12m., avec deux trottoirs, deux pistes cyclables et des banquettes de sécurité, soit une largeur totale de 22 m. D’où obligation d’acquérir entre Versoix (Mies) et Lausanne des terrains d’une surface d’environ 500,000 m2.

Or, le plus grand nombre des immeubles voisins de la route entre Genève et Lausanne sont des propriétés bâties, dites de luxe, dont la valeur est relativement élevée.

D’autre part, la route actuelle traverse huit villes ou villages où les bâtiments sont construits en ordre contigu. Au travers de ces agglomérations il est exclu d’élargir la route au profil admis. Il faudrait prévoir des artères de détournement, dont la longueur totale serait d’environ 18 km.

Mais l’élargissement de la route sur son tracé actuel présenterait encore d’autres complications : Entre Versoix et Lausanne, 34 routes cantonales et 48 routes communales (non compris les chemins d’intérêt secondaire), viennent traverser ou se raccorder à la route N° 1, dans des conditions défavorables de circulation ; des accidents se produisent chaque jour à ces carrefours dangereux.

Si l’on voulait donner à la route N° 1 le caractère d’une voie de grande circulation, il faudrait modifier la plus grande partie de ces raccordements défectueux et les aménager à l’exemple des travaux achevés à Mies, dont le coût est de Fr. 600,000.—.

Il résulte de ces diverses sujétions que l’élargissement de la route N° 1 ne peut être réalisé qu’à des conditions très onéreuses, imposant une dépense relativement disproportionnée puisque les travaux envisagés n’élimineraient qu’une partie de la cause des accidents.

Or le nombre des automobiles augmente constamment, la vitesse des véhicules croît également en proportion des perfectionnements dont ils sont l’objet.

Serait-il alors logique de canaliser sur une seule artère, aux croisements et raccordements multiples, à travers une région d’habitats très denses, un trafic national et international dont l’intensité sera telle qu’elle en deviendra une entrave à la circulation locale et régionale. Ne faut-il pas maintenant réserver la possibilité d’intervenir en temps opportun, en mettant à la disposition de l’automobiliste une deuxième artère de liaison directe entre Genève et Lausanne qui, par la suite, pourrait être prolongée en direction de la Venoge.

Mais un autre argument, plus impérieux et plus urgent, milite en faveur de la construction d’une deuxième artère spécialement réservée aux automobilistes : ce sont les dangers menaçant tous ceux qui empruntent ime route à trafic mixte, les piétons, cyclistes, automobilistes, conducteurs d’attelages, etc., qui circulent sur la chaussée souvent en sens interdit. Aussi la seule méthode d’imposer une discipline dans ce chassé-croisé consiste à séparer et à répartir le trafic des usagers selon leur genre et leurs moyens de circulation, comme suit : D’une part, les motorisés à déplacement rapide, circulant en transit, d’autre part le trafic mixte de véhicules hippomobiles, cycles, piétons et motorisés à destination locale et régionale.

Transposé sur le plan technique, la seule façon d’opérer ce partage ou cette sélection consiste à : a) construire une autoroute Genève-Lausanne réservée au trafic automobile rapide ; b) aménager la route actuelle reliant les villes du littoral aux conditions d’une circulation mixte de véhicules et de piétons.

Tracé

Celui-ci est maintenant définitivement admis et approuvé par une commission technique, désignée par le Conseil d’Etat et composée d’ingénieurs spécialisés dans le domaine de la construction routière.

On suivra aisément et sans plus ample explication le développement de ce tracé sur la reproduction de la carte au 1 : 100,000 Sur une grande partie de son parcours, l’autoroute sera construite à l’altitude moyenne de 430 m. et ne dépassera cette cote que dans la région ouest de Mies — limite genevoise. La nouvelle artère ne traversera aucune agglomération bâtie et restera constamment côté amont des voies CFF, dont elle ne franchira la ligne qu’à la station de Lonay, par viaduc biais de 230 m. de longueur.

Sur le territoire de la commune d’Ecublens, elle évite le futur port fluvial de la Venoge et passe à Chavannes, au nord des terrains destinés à la place d’aviation de Lausanne.

Ajoutons que, sans déparer le paysage, le tracé s’adaptant au terrain naturel, l’autoroute traversera plusieurs régions très pittoresques d’où la vue s’étend sur tout le bassin lémanique.

\ Sinuosités

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On a cherché à éviter les longs alignements, si fastidieux, en donnant au tracé une forme curviligne dont la plus grande partie des

rayons de courbure dépasse 5000 m. Ces courbes sont reliées entre elles par des raccordements dits clotoïdal ; les devers correspondants sont calculés pour des vitesses moyennes de 150 km.-h.

Dans la région Rolle-Nyon, le caractère peu accidenté du terrain permet de rectifier le tracé sur quelques kilomètres.

Déclivités

Les pentes et rampes de la route ont une déclivité qui ne dépasse pas 3 % ; quelques courts tronçons atteignent le 4 %. En profil en- long, les rayons de courbure des raccordements verticaux sont de 10,000 environ.

Profils en travers types des chaussées

L’autoroute est constituée par deux chaussées de 7 m. 80 de largeur, à deux voies de circulation à sens unique, séparées par une banquette médiane de 4 m. de largeur. Cette dernière sera gazonnée et plantée d’arbustes qui formeront écran aux rayons lumineux des phares.

Sur cette banquette on pourra en outre fonder les palées des ponts

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Chaussée

franchissant l’autoroute. Latéralement, la plateforme des deux voies est prolongée par des accotements de 2 m. 70 de largeur sur lesquels les voitures en difficulté de marche se retireront momentanément.

La largeur totale de l’artère est ainsi de 25 m. non compris les talus et surlargeurs en déblais.

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Raccordements entrées et sorties, de l’autoroute aux routes existantes

Sur la Section Léman (Vaud), dix raccordements au réseau routier actuel permettront aux automobilistes d’accéder à l’autoroute ou d’en sortir. Ce nombre peut paraître élevé, mais il ne faut pas oublier que la nouvelle artère n’est pas seulement réservée au trafic de transit, mais doit pouvoir être utilisée par les automobilistes à destination ou provenant de toutes les régions du pays. On contribuera ainsi à diminuer l’intensité de la circulation au travers des villes du littoral et sur les importantes routes y aboutissant.

Raccordement type

Dans ce but, des liaisons seront établies: au nord de Coppet (route de Divonne — La Faucille), à Nyon (ville et route Dijon — La Cure — Genève), à Gland (route St-Cergue — Lausanne), à Rolle (ville), à Allaman (route Vallée de Joux — Aubonne), à Morges (pour la direction de Genève), à Morges (pour la direction Lausanne - St-Gall), à Ecublens (place de sélection des autos à destination de Genève, St-Gall ou Lausanne) et raccordement à la région Bussigny — Renens — ouest de Lausanne.

à Lausanne (à La Bourdonnette raccordements aux quartiers industriels de Sébeillon et du centre de la ville), à Lausanne (sud ville et direction Simplon, au Bois-de-Vaux).

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Les diverses solutions proposées pour établir ces raccordements ont fait l’objet d’études approfondies et comparatives. Les dispositions finalement adoptées tiennent compte des expériences faites à ce

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sujet à l’étranger, spécialement en France, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Hollande.

Entre Genève et Morges, les usagers de l’autoroute entreront ou quitteront celle-ci par une circulation giratoire à sens unique, laquelle sera réalisée par tin réseau de raccordements de routes et de ponts construits par-dessus l’autoroute.

A Ecublens, il s’agit d’organiser la sélection et la jonction à sens unique du trafic Genève - Lausanne - Simplon, Genève - St-Gall, Lausanne - St-Gall, et de cette dernière ville vers Lausanne et vers Genève.

A ce carrefour important, convergent huit directions différentes ; le système giratoire ne convient plus et c’est un dispositif dit triangulaire qui a été adopté. Il en est de même aux deux accès de Lausanne (Bourdonnette et Bois de Vaux) où il s’agit de réintroduire les motorisés dans le trafic mixte.

Raccordement de La Bourdonnette

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Ouvrages d’art

Entre Genève et Lausanne, l’autoroute franchit rivières et vallons par des viaducs de longueurs différentes comprises entre 60 m.

et 260 m.

Les principaux ponts sont ceux de la Venoge, de la Morge, du Boiron, de l’Aubonne et de l’Asse. D’autre part 34 routes cantonales passent en dessus ou dessous l’autoroute par des ouvrages prévus en béton armé, dont la longueur varie entre 28 m. et 40 m.

Acquisition des immeubles

D’emblée signalons qu’entre Lausanne (Bourdonnette) et la limite genevoise, le tracé choisi n’implique aucune démolition de bâtiments.

Quant aux terrains dont il faudra disposer, rappelons que deux commissions, désignées par le Conseil d’Etat, s’occupent activement d’établir des plans de remaniements parcellaires et de classification des terrains.

/ Grâce à ces remaniements, il sera possible de compenser dans une certaine mesure l’emprise des terrains nécessaires à l’autoroute.

Financement

Cette question ne rentre pas dans le cadre du présent exposé technique. Le Conseil fédéral vient de désigner des commissions dont la mission est d’examiner et de proposer un programme financier permettant de réaliser la construction des autoroutes suisses.

Toutefois il paraît utile de préciser ici que le financement de la construction de l’autoroute, Section du Léman, par prélèvement d’un péage est parfaitement illusoire.

Sur les territoires vaudois et genevois il est prévu douze raccordements de l’autoroute, sur chacun desquels il faudrait établir plusieurs postes de contrôle desservis par trois équipes d’agents. Les frais’ d’administration de ce personnel absorberaient totalement ce que rapporterait un péage, d’autant plus que le montant de ce dernier devrait être différentiel dans les secteurs Morges, Rolle et Nyon.

Avancement des travaux

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Selon la législation cantonale, toutes constructions futures de routes cantonales doivent être précédées par l’établissement d’un plan d’alignement des constructions, qui a pour effet de réserver les terrains nécessaires à l’exécution du projet.

Concernant l’autoroute, les plans d’alignement sont achevés et le plus grand nombre d’entre eux font déjà l’objet d’une enquête publique dans trente-neuf communes traversées. Les résultats de ces enquêtes permettront de poursuivre les études en cours, qui sont complexes et comportent d’importantes et nombreuses sujétions techniques.

Mais ces difficultés sont maintenant en grande partie résolues et l’on peut présumer que l’élaboration du projet sera terminée à la fin de l’année 1955. Après quoi on procédera à l’acquisition définitive des terrains. Ce n’est qu’après cette opération que les travaux pourront commencer si la construction de l’autoroute est acceptée par les autorités et le peuple vaudois.