Liants bitumineux CONSTRUCTION 1954 avait exposé dans un article sur le problème des routes une étude générale sur les liants bitumineux.

Nous vous proposons dans CONSTRUCTION 1955 de prendre le développement des conclusions naturelles auxquelles amenait le tableau statistique donné en fin d’article.

En considérant les deux tableaux statistiques suivants, extraits de la littérature technique, le technicien-constructeur de routes est frappé de vérifier, dans chaque pays ou dans chaque partie du monde civilisé, une constatation faite dans son champ d’activité : « L’utilisation proportionnellement considérable des produits bitumineux dans la construction routière par rapport à l’emploi de tous les autres produits. » Les deux tableaux ci-après amènent chacun à tirer les mêmes conclusions que le spécialiste.

Revêtement sur les routes cantonales à fin 1951 Longueurs Surfaces    
  m / % m2 / %    
Revêtements bitumineux 8 880 239m / 92,44% 54 262 912m2 / 91.71%    
Autres revêtements 725 919m / 7.56% 4 899 553m2 / 8,29%    
total 9 606 158m / 100% 59 162 465m2 / 100%    
         
         
         

 

Quels sont les motifs de cette progression généralisée de l’emploi des « bitumineux » de préférence aux autres revêtements de chaussées ?

Avant d’étudier quelques raisons de cette préférence, il paraît bon de définir ce que chacun attend du revêtement d’une chaussée.

Du point de vue du constructeur : Adaptation aux conditions locales les plus diverses, résistance et durabilité, rapidité de construction du revêtement, entretien facile, coût permettant un amortissement rapide.

Du point de vue de Vusager : Sécurité d’abord par fous les temps et à toutes les vitesses, adhérence complète dans toutes les situations, douceur continue de roulement, sans bruit, absorption par le revêtement de l’effet de choc lors de brusqués déplacements verticaux du véhicule.

Les revêtements bitumineux comprennent, en' technique routière, les revêtements ayant comme liants principalement le goudron et le bitume, l’un provenant de la distillation de la houille, l’autre de la distillation du pétrole brut. Ces deux produits d’origine très différente sont très semblables et ne se distinguent que par quelques points. Une propriété remarquable des deux produits est que l’on peut faire varier, de façon passagère ou durable, leur dureté, ceci en cours de fabrication ou par l’adjonction des solvants appropriés.

La technique routière dispose, de ce fait, d’une variété très grande de liants bitumineux, soit : les liants purs : bitume et goudron, leurs mélanges, les goudrons à froid et le Cutback, obtenus par adjonction d’un solvant, et les émulsions de bitume et de goudron dans l’eau, en présence d’un émulsif.

Cette grande série de liants permet l’adaptation des méthodes de construction aux conditions locales, climatiques, financières les plus diverses. Depuis le simple traitement anti-poussière jusqu’au revêtement, composé en laboratoire selon les méthodes scientifiques modernes et sûres, basées sur l’expérience et les résultats de recherches, qui sera appliqué sur le chantier au moyen de machines finisseuses diverses dont dispose le constructeur de notre époque.

En général, ce dernier type de revêtement bitumineux est préparé à chaud dans des installations spéciales, sur la base des données du laboratoire, les gravillons de base soigneusement dosés étant chauffés et séchés entre 100° et 130°; puis enrobés après pesage par le liant chauffé lui-même, en présence de poudre de pierre, le « filler », poussière de concassage d’une très grande finesse. Ce mélange donne une masse compacte qui sera étanche après mise, en place et cylindrage.

La composition étudiée permet de donner au revêtement une rugosité durable et de lui assurer une usure minime sous tous les genres de trafic. De très nombreux revêtements de ce genre, posés en Suisse entre 1929 et 1934, sont encore actuellement sous le trafic et donnent entière satisfaction, aussi bien du point de vue de la régularité de leur profil que de celui de la rugosité de leur surface, sans qu’aucun travail d’entretien n’ait été nécessaire.

L’utilisation des machines finisseuses pour la pose des revêtements permet d’exécuter très rapidement de grandes surfaces, et la nature même du matériau autorise l’exécution de ce travail sans suppri- ■ mer la circulation sur l’objet en construction. Une cadence de 2000 m2 d’exécution par jour est un minimum à notre époque.

L’entretien des revêtements bitumineux est extrêmement simple, qu’il s’agisse de réfectionner des zones détruites lors de fouilles en chaussée, —- ce qui est malheureusement très fréquent, — ou de corriger le dévers dans un virage à pente transversale trop faible par exemple ; il suffira dans l’un des cas de reconstituer la souschaussée, et dans l’autre d’exécuter une recharge avec des matériaux appropriés et collés sur l’ancien revêtement, puis d’appliquer

sur l’un ou sur l’autre des travaux un revêtement semblable à celui existant précédemment. Au bout de quelque temps, la réparation ou la correction ne sera plus visible.

Lorsqu’il s’agit de rajeunir un revêtement usé, on applique un ressemelage à la machine simplement collé sur l’ancien revêtement, sans toucher à celui-ci.

Le coût général d’une chaussée peut se décomposer en deux éléments : celui de l’infrastructure ou fondation et celui du revêtement proprement dit.

Le but de l’infrastructure étant de donner une assise solide, celle-ci doit être suffisamment épaisse pour empêcher les manifestations du gel et du dégel ou de la mauvaise qualité du terrain sous-jacent dans son intérieur même. Quel que soit le genre de revêtement appliqué, il est donc nécessaire de prévoir à quelque pour-cent près la même fondation. Le coût du revêtement lui-même doit être vu en fonction de son amortissement, soit de sa durée d’existence sans travaux d’entretien. On peut assurer que, considérés de ce point de vue certainement le seul valable, les revêtements bitumineux, et spécialement les revêtements en épaisseur, sont les plus économiques.

Dans la conversation, des usagers de la route citent tel ou tel tronçon comme étant lisse ou glissant et brillant la nuit, spécialement sous la pluie. Le fait de citer des lieux bien définis montre qu’il s’agit là d’exceptions, qui sont en général d’anciens revêtements confectionnés avec un excédent de liant à une époque où l’on ne parlait pas encore de rugosité.

La preuve est faite qu’il est possible d’exécuter, et que s’exécutent actuellement des revêtements non dérapants dont la surface est au moins aussi rugueuse que celle de tout autre revêtement. Il est prouvé que les revêtements bitumineux correctement préparés et mis en place ne perdent rien de leur rugosité ni avec les ans, ni sous aucun phénomène extérieur. Sous la pluie, la rugosité reste la même.

La teinte grise que prennent les revêtements bitumineux après quelque temps, sous le trafic, est reposante et n’éblouit pas sous le soleil ; de plus, son pouvoir d’absorption plus grand de la chaleur provoque une fonte plus rapide de la neige ou du verglas que tout autre revêtement très clair ne le fait.

La dispersion des faisceaux lumineux, de nuit, sur les facettes des gravillons de surface, supprime en grande partie l’éblouissement par réverbération lors de croisements.

Le procédé de pose des revêtements bitumineux modernes permet la réalisation de surfaces très longues sans aucun joint apparent.

Les recherches nombreuses sur le phénomène de l’effet de choc ont montré que les revêtements durs réfléchissent au moins le 75 % de cet effet, alors que sur les routes à revêtement bitumineux, le 75 % environ du même effet est absorbé par le revêtement légèrement élastique.

La douceur de roulement constatée chaque fois que l’on aborde un de ces tronçons provient de la continuité citée plus haut et de l’absorption, par le revêtement, d’un grand pourcentage des vibrations provenant du véhicule lui-même.

Du point de vue du constructeur, comme du point de vue de l’usager, la route construite avec une superstructure à base de liants bitumineux répond donc bien aux exigences de l’un et de l’autre. Il ne faut donc pas s’étonner du développement énorme de l’utilisation des procédés à base de liants bitumineux par rapport à tous les autres procédés.

(P. M.)

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