Conditionnement d’air, ses raisons d’être et ses possibilités | H. Thode, ing. (TechnicAir S.A.) Climatisation et ventilation:

Le terme « conditionnement d’air » ou « climatisation » est maintenant familier de chacun.

Mais qu’est-ce exactement que le conditionnement d’air ? Quels sont les critères qui le distinguent d’une simple ventilation ?

Tandis que la ventilation définit un procédé d’amenée ou d’extraction d’air d’un espace quelconque par moyen naturel ou mécanique, le mot en soi impliquant quantité, il est également nécessaire que l’air soit d’une qualité appropriée pour des raisons qui font précisément l’objet de cet exposé. Or, le terme conditionnement d’air ou climatisation entend justement le contrôle de quelques-unes ou de toutes les propriétés physiques ou chimiques de l’air.

Dans les cas les plus fréquents, il s’agit de la température, de l’humidité, du mouvement et du degré d’épuration. En d’autres termes, nous sommes en présence d’une ventilation simple, lorsqu’un renouvellement d’air est produit soit par tirage naturel, soit par des moyens mécaniques. Une installation de conditionnement d’air, par contre, comporte à part un ou plusieurs ventilateurs, au moins un dispositif permettant de varier la température de l’air et souvent en plus, encore son humidité. Le conditionnement d’air implique donc par sa définition-même, un ensemble d’appareils pour le traitement de l’air et représente une installation plus complexe.

Parcourons brièvement quelques stades de l’évolution de cette technique dont la conception actuelle est relativement jeune.

Nous savons tous que notre bien-être physique et moral dépend en grande partie des conditions climatiques dans lesquelles nous vivons. Chacun a déjà fait l’expérience de se sentir las et oppressé par des jours d’été précédant un orage. Nous étions alors sous l’influence d’une chaleur excessive, combinée avec un haut degré d’humidité de l’air. Ou alors, n’avons-nous pas été incommodés en hiver par une ambiance sèche, provoquant une irritation de nos muqueuses ; pour ne citer que ces deux cas extrêmes.

Historique :

Il est donc naturel que de tous temps, le désir des hommes ait été de se créer un climat agréable, notamment pour se protéger contre une intense chaleur et un trop grand froid. Mais c’est surtout à partir du milieu du siècle dernier que des appareils pour le traitement de l’air ont été créés, notamment pour des besoins del’industrie textile qui nécessitait avec sa mécanisation des dispositifs pour l’humidification de l’air. Toutefois, ce n’est qu’après la première guerre mondiale que le conditionnement d’air a pris un essor considérable principalement aux Etats-Unis et qu’il s’est étendu à toutes les sphères de l’activité.

Car il y a lieu de distinguer entre le conditionnement d’air à des fins essentiellement techniques et celui qui a pour but d’améliorer les conditions de vie pour les êtres humains dans des espaces fermés, appelé conditionnement d’air de confort.

Le conditionnement d’air pour les besoins industriels, par contre, doit suffire aux exigences de la fabrication, du stockage, de la préservation et du transport, de produits et biens matériels de tous genres. Il est souvent combiné avec une installation de protection des ouvriers contre des émanations nocives ou la récupération des déchets de fabrication de grande valeur matérielle.

Abordons d’abord le conditionnement d’air de confort.

Facteur hygiénique : nous sommes tous très anxieux de bien nous vêtir, de choisir un milieu et un entourage qui nous conviennent, voire même le pays ou la ville où nous fixons notre domicile. Nous apportons un soin méticuleux à la préparation de nos aliments et boissons, mais de l’air qui nous entoure, nous ne nous en occupons souvent que très peu. Bien que l’homme ne vive pas d’air seulement, il est un fait qu’il y vit toute sa vie.

Il consomme en moyenne 0,7 à 1 kg. d’aliments par jour, de 1 à 1,5 kg. de liquide, mais pas moins de 13 à 16 kg. d’air, soit dix fois plus.

S’il peut vivre 40 jours sans manger ou 3 jours sans boire, il ne peut subsister 3 minutes sans air. Il est également remarquable de constater les efforts que nous faisons pour préparer les 2 kg. d’aliments et boissons, tant au point de vue de la propreté extrême que pour les rendre appétissants, mais nous oublions souvent l’atmosphère malsaine qui nous entoure.

Quelques chiffres permettront d’illustrer mieux que beaucoup de mots le fait que l’air que nous respirons ne suffit souvent pas aux exigences d’une hygiène bien comprise.

Impuretés de l’air:

De nombreuses observations et mesures effectuées dans plusieurs pays ont permis de constater que selon les zones d’activité industrielle les suies se déposant au sol atteignent des quantités de 140 à 750 t. par km2 et par mois. On peut également citer une petite centrale de la région parisienne qui déverse journellement 40 t. de poussières dans l’atmosphère. Un des exemples les plus frappants du degré de souillure que peut atteindre l’air est certainement l’atmosphère de la région londonienne.

La quantité de bactéries contenues dans l’air est extrêmement variable. On a relevé dans Paris 2000 à 6000 bactéries par m3 d’air et à l’observatoire de Montsouris on a observé que la quantité de spores par m3 d’air passe de 5000 en mars à 35,000 en juin (rhume des foins !).

Il est donc évident que le moyen classique de ventilation par tirage naturel est absolument contraire à toute conception d’hygiène, puisqu’en ouvrant les fenêtres de nos appartements, bureaux et ateliers, nous y permettons l’accès de cet air plus ou moins vicié. Pourquoi donc ne pas mettre à contribution les moyens que nous offre la technique moderne, pour améliorer les conditions de vie aussi dans ce domaine si important pour notre santé ? Les installations de ventilation mécanique dotées de filtres appropriés, permettent une purification de l’air en éliminant les particules d’un ordre de grandeur de 1/iooo de millimètre et plus petites encore.

Mais nous pouvons faire mieux et c’est précisément la tâche du conditionnement d’air.

Facteur climatique:

Il est peu de lieux sur notre terre où les conditions climatiques correspondent toute l’année aux besoins physiologiques du corps humain.

Chacun sait que son équilibre physique et partant son bien-être dépend de la mesure dans laquelle peut se faire l’échange thermique avec l’ambiance, échange qui a pour but le réglage de la température du corps à sa valeur normale de 37°. C’est cette nécessité qui a poussé l’homme à se vêtir et à se réfugier dans des habitations pour se mettre à l’abri des variations extrêmes des conditions atmosphériques. Toutefois, ces moyens sont d’efficacité limitée, même dans nos régions à climat modéré où la température peut varier entre — 15° en hiver et + 35° en été, et l’humidité entre 30 et 95 %.

L’influence de ces variations climatiques, nous la ressentons notamment dans l’intensité de notre travail ; elles affectent notre humeur et diminuent la résistance que nous pouvons opposer aux maladies de tous genres. Différents savants attribuent par exemple les particularités du caractère des Américains du Nord, telles que sa labilité, sa tendance à changer souvent de domicile, de milieu, voire même de profession, ses changements rapides d’opinions et ses sautes d’humeur, aux conditions particulières du climat des Etats-Unis.

Augmentation de rendement par le conditionnement d’air:

De nombreuses expériences faites en Amérique ont prouvé l’importance indéniable du conditionnement d’air des bureaux et ateliers, du point de vue de l’augmentation du rendement du personnel. L’intensité du travail dépend entre autres en effet de la température, du degré hygrométrique et de la vitesse de l’air. Suivant le genre d’activité et la saison, on a pu constater une augmentation du rendement de 8 à 18 % après l’installation du conditionnement d’air. De même, on a relevé que la climatisation a permis de réduire de 28 à 30 % le nombre des cas de maladie obligeant les employés de bureau à garder la chambre (rhume, grippe).

Divers cas particuliers d’applications:

Il est intéressant de savoir par exemple qu’il existe une étroite relation entre la mortalité d’enfants prématurés et le degré d’humidité de l’air. Des statistiques ont démontré que dans une nurserie, la mortalité parmi les prématurés était tombée de 28,9 % à 0,7 % après l’installation d’un conditionnement d’air.

N’oublions pas non plus le conditionnement d’air d’hôpitaux et notamment de salles d’opération, contribuant à assurer aux malades un maximum de chances de guérison.

Quels sont d’autre part, les spectateurs qui n’ont éprouvé une fois ou l’autre dans des salles de spectacles ou locaux publics tels que restaurants, magasins, etc., cette impression très désagréable d’étouffement due à une aération déficiente, ou en été, à une température ambiante et un degré d’humidité trop élevés ?

Ainsi que nous venons de le voir, le conditionnement d’air a pour but principal d’améliorer les conditions de vie des êtres humains. Examinons maintenant quelles sont les nécessités qui ont mené au conditionnement d’air pour les besoins industriels.

Facteur climatique :

Il est compréhensible que des conditions climatiques qui permettent une intense activité physique favorisent la création de nombreuses industries, comme par exemple l’industrie sidérurgique, l’établissement de fonderies, laminoirs et de certaines grandes entreprises de produits chimiques qui sera difficilement réalisable dans des régions à climat tropical ou trop froid, même si les matières premières s’y trouvaient en abondance. Pour cette raison, nous rencontrons les zones industrielles le plus souvent dans des régions à climat modéré, quoique parfois fort éloignées des centres producteurs de matières premières.

D’autre part, certaines de ces matières premières exigent pour leur manutention des conditions climatiques toutes particulières qui seules permettent d’obtenir des produits de bonne qualité et une fabrication rationnelle.

Ainsi par exemple, l’Angleterre est connue depuis des siècles pour avoir un climat propice à la manufacture du coton. Cela ne provient pas des qualités exceptionnelles de la main-d’œuvre, mais est dû au climat humide qui diminue la charge électrostatique des fils par frottement lors de la fabrication. Cette charge provoque des ruptures fréquentes et un hérissement des fibres les rendant impropres au façonnage et leur conférant un toucher rêche.

De même, l’industrie du papier, pour obtenir une haute qualité de ses produits est tributaire du degré hygrométrique de l’air. Dans d’autres domaines, comme par exemple la préparation des vins, la fermentation du tabac, ce sont également certaines particularités du climat qui déterminent la qualité et l’arôme des produits, propriétés qui dépendent du bon développement de certaines bactéries.

Or, le conditionnement d’air libère l’industrie de ses attaches aux conditions atmosphériques locales et souvent permet de s’établir à l’endroit même de la production des matières premières.

Il en résulte une réduction des frais de transport et de manutention.

Ainsi, nous voyons s’établir depuis quelques années des filatures et des tissanderies aux Indes et au Brésil, comme en Afrique Equatoriale Française, tous pays grands producteurs de coton, mais où les conditions climatiques naturelles ne permettaient pas jusqu’ici à des industries locales de concurrencer efficacement la qualité et la production des fils et tissus européens. De même au Congo belge, une importante industrie sidérurgique prend naissance exploitant sur place les richesses du sous-sol en minerais de tous genres, ce qui n’aurait pas été possible sans les progrès de la technique du conditionnement d’air, en raison du climat difficilement supportable pour les blancs.

Divers cas particuliers d’applications:

D’autre part, de grandes valeurs sont chaque année préservées de la détérioration en stockant certaines marchandises et notamment des produits alimentaires dans des conditions climatiques favorables. Pensons par exemple au stockage des fromages, des fruits et légumes, des vins, mais aussi à la conservation d’objets d’art ou de valeur d’antiquité, aux dépôts de bois et de produits à base de caoutchouc, etc.

Certaines sortes de fromage, par exemple, nécessitent une très haute humidité relative pour éviter la perte de poids par dessiccation ; tandis

que pour le bois, le problème est inverse, puisque l’on cherche à l’assécher.

En outre, le conditionnement d’air peut être exigé pour assurer la conservation de bâtiments dans lesquels se produisent de forts dégagements d’humidité. Tel est le cas par exemple pour les stations de filtrage et de pompage d’eau, lors de la fabrication et de la manutention de produits laitiers, etc., dans les buanderies, cuisines. Il s’agit donc dans ces cas, de déshumidifier l’ambiance afin d’éviter la condensation de la vapeur d’eau contre les enceintes du bâtiment.

Il va de soi que l’industrie de précision ne saurait plus se passer aujourd’hui des avantages du conditionnement d’air. Non seulement l’intensité du travail du personnel est favorablement influencée par un climat approprié, ainsi que nous l’avons vu précédemment, mais encore la fatigue se fait moins vite sentir, l’attention et la concentration sont plus vives, la qualité des produits s’en ressent aussi d’une façon plus directe, puisqu’avec une température constante, les tolérances dans l’usinage peuvent être maintenues très strictes.

Pour certains laboratoires de mesure et ateliers de précision, on exige une constance de la température de +0,1° pendant toute l’année, été comme hiver, jour et nuit, c’est dire l’importance que revêt dans ces conditions le conditionnement d’air.

Il est évident que pour ce genre d’exploitation, seul un air pratiquement exempt de poussières peut garantir la qualité irréprochable qui fait entre autres la renommée de notre industrie horlogère.

Dans d’autres domaines encore, le conditionnement d’air est combiné avec une installation d’aspiration appropriée, destinée à préserver la main-d’œuvre d’émanations nocives, libérées au cours de la fabrication. Pensons aux poussières produites par certains procédés de concassage et de broyage, aux poussières de quartz par exemple, qui peuvent provoquer la redoutable silicose à ceux qui les respirent.

Citons également les laboratoires chimiques et pharmaceutiques modernes dont l’utilisation à l’échelle industrielle serait inconcevable sans installations de climatisation et d’aspiration de buées appropriées.

Conclusions:

Ces quelques exemples n’épuisent pas le vaste champ d’application du conditionnement d’air.

Ce n’est qu’un aperçu de la place importante qu’occupe cette technique dans l’industrie et aussi des bienfaits qu’elle apporte dans notre vie quotidienne.

La climatisation n’est pas un luxe, sa rentabilité a été maintes fois prouvée.