Activité de Wohnbedarf | Rudolf Gräber
C’est en 1931 qu’a été fondé « Wohnbedarf », alors que l’on édifiait la cité du « Werkbund », Neubühl. Il a été créé de l’idée qu’il n’existait pas encore de meubles modernes pour une cité moderne.
C’est ce qui assura d’emblée à « Wohnbedarf » la collaboration des architectes du « Neubühl » et l’aide appréciable du professeur S. Giedion qui par ses relations dans le monde entier s’est montré indispensable. L’idée de départ était de rassembler les meilleurs projets réalisés dans le monde et de les mettre en vente à « Wohnbedarf ». Même si au cours des années d’importants changements eurent lieu, l’idée de base est restée la même, c’est-à-dire de ne pas charger un certain architecte de réaliser les modèles, mais bien de chercher à collectionner un peu partout ce qu’il y a de meilleur pour ensuite le vendre à « Wohnbedarf ». Ce choix a été entrepris selon des critères bien définis.
Pour créer un meuble moderne d’un style vraiment nouveau il faut avant tout disposer d’une idée originale. Même si cette idée surgit à la vitesse d’un éclair sa réalisation définitive peut se faire attendre jusqu’au jour où sa vente devient un succès. Souvent une lignée de prototypes se succèdent jusqu’à ce que l’on trouve la forme finale du modèle. Mais ensuite la forme deviendra si parfaite et si naturelle que n’importe quelle copie ne pourra égaler l’original en beauté et en fonction. Ainsi un meuble résultant d’un long travail de recherches personnifie le style moderne et ne suit aucun courant de mode mais au contraire lui survit.
Plusieurs modèles de « Wohnbedarf » ont déjà 20 ans ou davantage et sont restés aussi modernes qu’au jour de leur création et ils se vendent même en partie mieux qu’à l’époque.
Souvent ce n’est pas seulement l’idée d’une nouvelle forme qui crée le nouveau modèle mais c’est le progrès technique qui rend la réalisation possible. Un exemple frappant sont les sièges de Eero Saarinen. Car l’idée de former le dos, les accoudoirs et le siège en une seule pièce de forme belle était entièrement nouvelle.
Cependant la concrétisation de cette idée ne fut possible que grâce aux nouvelles techniques permettant de former le bois croisé dans des presses électroniques et de couler la matière plastique. Il aurait été impossible de produire ces chaises d’une manière rationnelle voici vingt ans.
Depuis longtemps il existe des tables triangulaires. Max Bill en dessina une à l’occasion de l’Exposition Nationale de 1939, mais ce ne fut qu’en 1950 qu’il parvint à lui donner sa forme parfaite et définitive, basée sur une conception géométrique rigoureuse encore jamais utilisée dans la construction des meubles. Aucune des imitations nombreuses de ce meuble n’a égalé la beauté presque naturelle de cette forme.
L’utilisation de nouveaux matériaux peut également conduire à de nouvelles formes et possibilités dans la construction des meubles.
Voici quelques années, Florence Knoll a pour la première fois utilisé du fer profilé pour en faire des tables. Les qualités de ces matériaux ont permis d’en faire des pièces d’allure très simple et rigoureuse.
La connaissance de ce matériau extrêmement solide et facile à travailler a rendu possible la réalisation de la table extensible de Fred Ruf. Presqu’aucun autre matériau n’aurait autorisé la construction d’une table aussi stable avec des possibilités extraordinaires d’extension, tout en lui laissant son allure si légère. Le bois est utilisé depuis toujours dans la construction des meubles. Mais une nouvelle technique de travail peut donner à un matériau connu de nouvelles possibilités. Vers 1930, Alvar Aalto a découvert de nouvelles méthodes de cintrage pour le bois. De ces techniques des formes nouvelles sont nées, qui à l’époque signifiaient une révolution et qui aujourd’hui rencontrent encore un grand succès.
Des conditions de vie changées peuvent également créer des besoins nouveaux, qui dans la construction des meubles appellent la recherche d’autres possibilités. Les chambres deviennent toujours plus petites vu que le coût du terrain et de la construction augmente.
Les gens changent de domicile plus souvent qu’autrefois. Le standard de vie se modifie sans cesse : on réduit ou agrandit son habitation. Dans les petits appartements il manque le plus souvent des armoires murées. C’est ce qui a décidé l’architecte Gugelot de mettre au point des meubles combinables qui peuvent être emportés.
Il en est résulté le M 125. Ce sont des meubles de toutes grandeurs et de toutes sortes qui peuvent être divisés ou rajoutés à volonté et servir à des buts infiniment variés.
Ainsi nous avons pu réunir les divers points de vue qui président à la création des nouveaux meubles et au choix de ces derniers par « Wohnbedarf » : Nous n’avons pas l’intention d’exposer toutes les possibilités de créer des nouveaux meubles. Nous désirons simplement démontrer qu’à « Wohnbedarf » la fabrication et le choix de nouveaux types de meubles sont entrepris sous des points de vue différents d’ailleurs.
On n’y crée pas de nouveaux modèles pour la saison qui vient qui devraient ensuite perdre toute leur valeur avec la venue des nouvelles créations. Nous ne pouvons pas certifier à quel moment de nouveaux modèles doivent sortir. Ils ne peuvent être réalisés que si des idées de valeur sont à disposition. Ils doivent ou bien compléter ou bien améliorer les modèles anciens.
Pendant quinze années par exemple il a été impossible à « Wohnbedarf » d’apporter des améliorations sensibles à ses armoires, et ce n’est que l’idée du M 125 de Gugelot qui est venue enfin apporter un progrès dans ce domaine.
Si nous jetons un regard en arrière, en 1930, lorsque les premiers travaux d’organisation du futur « Wohnbedarf » furent entrepris, une ligne de conduite était déjà tracée. Ce qui a été réalisé depuis 25 années n’est que la conséquence des efforts entrepris alors par Alvar Aalto, par le Corbusier, Mies van der Rohe et beaucoup d’autres.