Une nouveauté technique, le chauffage par rayonnement infrarouge gaz
Le chauffage des locaux est généralement assuré chez nous au moyen de radiateurs à eau chaude, d’installations de chauffages centraux, de poêles indépendants, d’installations à rayonnement à basse température d’émission ou encore par air chaud pulsé. Ces différents systèmes ont tous fait leurs preuves dans les cas qui se présentent généralement dans la pratique, c’est-à-dire ceux de locaux fermés et convenablement isolés. Le problème se présente de façon toute différente lorsqu’il s’agit de locaux vastes et hauts, thermiquement mal isolés ou même ouverts. Il implique alors le recours à d’autres méthodes que celles appliquées habituellement. La solution la plus appropriée, en l’occurrence, est celle du chauffage par rayonnement infrarouge, obtenu à l’aide de corps portés à haute température. Ce procédé n’a rien de nouveau en soi, mais ce n’est que depuis assez peu de temps qu’il s’est imposé.
Le rayonnement infrarouge, indépendamment de la façon dont il est produit, est de nature électromagnétique, tout comme les ondes radiophoniques, la lumière ou les rayons X.
Dans la gamme connue des radiations, il occupe une bande de longueurs d’ondes bien déterminée, assez étendue. Les radiations infrarouges se propagent dans l’espace à la même vitesse que la lumière. Elles peuvent traverser un objet, tout comme celui-ci peut les absorber ou les réfléchir. Ces trois phénomènes sont indépendants l’un de l’autre, mais ils se manifestent le plus souvent simultanément. L’importance de l’effet de chacun d’eux dépend des propriétés optiques de la matière frappée par le rayonnement. L’air n’absorbe que très faiblement les radiations infrarouges, de sorte qu’il n’est pratiquement pas réchauffé par elles. Sa température peut cependant s’élever dans une certaine mesure par suite de son échauffement au contact des corps soumis à l’action des radiations. Le rayonnement infrarouge n’est pas seulement absorbé par les objets se trouvant dans son champ, mais également par le corps humain. Il s’ensuit que ce procédé peut être utilisé aussi bien pour le chauffage d’emplacements de travail ou de lieux de stationnement (ateliers, halles de fabriques, terrasses de restaurants, etc.) que pour certaines opérations relevant de la fabrication des produits les plus divers (séchage des produits textiles, de substances chimiques, des vernis, des laques, etc.). L’intérêt de ce système de chauffage réside dans le fait qu’il est possible de diriger à volonté les rayons « chauffants » à la manière de la lumière.
Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années dans la construction des panneaux radiants fonctionnant au gaz de ville. Il devient désormais possible d’assurer, dans de bonnes conditions, le chauffage de locaux là où les systèmes de chauffage traditionnels se révélaient impossibles, soit pour des raisons pratiques, soit pour des raisons économiques.
Les panneaux rayonnants les plus utilisés en Suisse sont les panneaux Schwank, de fabrication allemande et les panneaux S.B.M., de fabrication française. Ils se différencient par leur température d’émission. Les premiers sont du type dit à surface d’émission incandescente, les seconds du type à surface d’émission sombre. Le domaine d’application de chacun d’eux est pratiquement bien déterminé.
Le panneau rayonnant Schwank comprend comme élément « chauffant » une plaque de céramique perforée, réfractaire à la chaleur, montée sur un boîtier en fonte. Le mélange combustible gaz-air se forme dans la chambre constituée par le boîtier et la plaque réfractaire et s’échappe par les petits orifices de cette dernière; il brûle sans flamme apparente au niveau de la surface de la plaque de céramique, qui atteint alors rapidement la température de 850° et devient incandescente.
Le débit de gaz par plaque est de 0,8 à 1,2 m3/h. Pour maintenir la constance quantitative de l’émission infrarouge, il est indiqué de stabiliser le débit de gaz au moyen d’un régulateur de pression. On peut alors compter avec un débit normal de gaz de 0,8 m3/h par plaque. Dans un local abrité, un panneau d’une plaque suffit à maintenir la température voulue sur une surface de 10 à 14 m2. A l’air libre, cette dernière n’est plus que de 3 à 5 m2. Les émetteurs Schwank sont composés d’une ou plusieurs plaques groupées en un seul panneau. La manière de les combiner ou de les distribuer dépend de la surface à soumettre au rayonnement et de la hauteur à laquelle ils se trouvent. Les panneaux peuvent être tnontés, selon les cas, horizontalement (rayonnement vertical), en biais (rayonnement oblique) ou verticalement (rayonnement horizontal). La distance entre les panneaux et les personnes qui se trouvent dans l’axe de leur rayonnement ne doit pas être inférieure à 2 m. Lorsque le rayonnement s’opère verticalement, la hauteur doit être de 4 m au minimum. Le meilleur résultat économique est obtenu lorsque le rayonnement est dirigé vers le bas.
Le panneau rayonnant S.B.M. est d’une tout autre conception. Son élément chauffant est constitué par une plaque de fonte pourvue de nervures, chauffée par l’arrière à l’aide d’un brûleur Bunsen à fentes. La température d’émission est d’environ 450° C, le débit de gaz d’environ 0,9 m3/h. Ce dernier peut être réduit de façon à abaisser la température de la plaque à 250° C. Le panneau à surface d’émission sombre est à préférer au panneau à surface d’émission incandescente dans les cas où la distance entre l’appareil et les personnes exposées au rayonnement est réduite. Toutefois, le panneau S.B.M. ne peut être monté que verticalement (rayonnement horizontal) ou au plus selon un angle de 45°, ce qui ne permet pas l’émission d’un rayonnement vertical. Les panneaux S.B.M. sont montés normalement à 2 m 50 au-dessus du sol, avec un angle d’inclinaison de 30°. Dans un local fermé, un panneau S.B.M. suffit à chauffer une surface de 20 m2 environ. Pour le chauffage à l’air libre ou lorsque les conditions sont défavorables, ce chiffre se ramène à 10 m2 environ.
L’intensité du rayonnement se règle à volonté au moyen d’une soupape de gaz. Le temps de préchauffage varie entre 15 et 20 minutes.
Le chauffage au moyen de panneaux à rayonnement infrarouge gaz est particulièrement recommandé dans les cas suivants: chauffage de halles de fabriques et d’ateliers qui, en raison de leur hauteur et de leur mauvaise isolation thermique, ne peuvent être chauffées de façon économique par les moyens traditionnels; chauffage des halles de marchés et d’expositions qui présentent la particularité d’être trop
chaudes par beau temps et en cas de forte affluence et qui deviennent rapidement trop froides en cas de mauvais temps ; chauffage des églises et autres grands locaux qui nécessitent un chauffage intermittent pendant un court laps de temps et dont les murs absorbent fortement la chaleur véhiculée par l’air chauffé; chauffage de remises, hangars et autres locaux de travail qui ne peuvent être fermés; chauffage d’emplacements à l’air libre, destinés au stationnement plus ou moins prolongé de personnes, tels que tribunes de stades, terrasses de restaurants, trottoirs devant les vitrines de magasins, quais de gares, etc.
Le chauffage par rayonnement infrarouge gaz a pris un développement réjouissant en Suisse au cours des deux dernières années. On ne compte plus, aujourd’hui, les terrasses de restaurants équipées de ce moyen de chauffage aussi ingénieux qu’économique. L’installation la plus importante réalisée à ce jour en Suisse romande est sans conteste celle des Ateliers de Constructions Mécaniques S. A. à Vevey. Il intéressera le lecteur de connaître les données techniques s’y rapportant:
Surface soumise au rayonnement infrarouge gaz: 1800 m2
Nombre de panneaux et d’unités de panneau:
Grande halle: 23/100
Petite halle: 16/ 48
Surface irradiée par unité de panneau:
Grande halle: 11,84 m2
Petite halle: 12,85 m2
Débit de gaz par unité de panneau: 0,8 m3/h
Débit de gaz nominal global de l’installation: 118,4 m3 /h
Gaz consommé pendant la période de chauffage 1953-54: 46.975 m3
Rapport de la consommation effective de gaz au débit nominal global: 44%
Consommation moyenne de gaz par m2 de surface soumise au rayonnement infrarouge: 0,029 m3 /h
Hauteur des panneaux au-dessus du sol: 5-12 m
Cette installation a permis d’accroître sensiblement le rendement de la production, d’améliorer les conditions de travail et de préserver la santé du personnel ouvrier. Une autre installation des plus intéressantes est celle du chauffage des tribunes du Palais des Sports de Genève, qui abrite en hiver la patinoire artificielle.
Ainsi que cela ressort des réalisations existantes, il ne s’agit nullement de remplacer les systèmes de chauffage classiques par ce mode de chauffage à rayonnement infrarouge gaz.
Celui-ci a permis au contraire de trouver la solution la plus appropriée dans un certain nombre de cas demeurés pratiquement insolubles jusqu’à ce jour. Une fois de plus, le gaz se trouve donc être à la pointe du progrès.
G. Geiger
Mandataire Usogaz pour la Suisse romande