L’architecture de F. R. S. Yorke

L'un des premiers d'une génération de créateurs auxquels on doit la formation de l'architecture rationnelle britannique, Francis Reginald Stevens Yorke (qui collabore, depuis quelques années, avec Eugène Rosenberg et Cyril Léonard Sjostrom Mardall), se place à la fois à l'extrême pointe, et au centre de ce mouvement. A l'extrême pointe, parce qu'il est resté le brillant novateur du début; au centre, parce que le volume de ses travaux constitue l’un des apports les plus considérables de l'architecture anglaise d'aujourd'hui. Dans un pays dépourvu de fantaisie et hérissé de contraintes et d'empêchements, Yorke a parlé le langage rude de la sécession et de la liberté. Sous le signe des conceptions européennes, il a brisé les amarres qui retenaient la construction à la fallacieuse routine académique, il a renversé la frontière conventionnelle limitant jusqu’alors l'architecture britannique, il en a augmenté le domaine à perte de vue, il l'a fait passer de l'opacité à la transparence.

Tout essai de synthèse nouvelle se payant d'ostracisme, Yorke a été longtemps un cavalier solitaire. Dès 1935, son architecture indépendante, d'une très grande pureté, révélait en effet un effort insolite d'expression fonctionnelle que l'ambiguïté d'un entourage passéiste entravait malencontreusement. Néanmoins, en transformant plastiquement la matière constructive, il allait faire de l'architecture un véritable instrument de création. Durant la parenthèse au cours de laquelle, de 1935 à 1937, il élèvera des œuvres en commun avec Marcel Breuer, il façonnera les principes de grandeur qui apparaissent condensés dans le splendide projet de cité-jardin future en verre et béton armé (1935-1936).

 

A l'appui de ses thèses, F.R.S. Yorke a apporté dès lors la caution authentique de ses formes accomplies et de sa fervente imagination. Dans chacune de ses constructions, une structure unitaire personnalise l'édifice, en motive la mesure et en justifie la raison. Le bâtiment incarne non seulement une théorie savante, mais un but atteint suivant une méthode qui lui est propre. Sans faillir à la consigne qu'il s'est donnée d'entreprendre sans cesse une action de découverte, il souligne ouvertement la destination de l’œuvre.

Ramenés à de telles grandes lignes, on conçoit que les plans de Yorke se distinguent par une variété de types que l'Angleterre n'avait encore jamais connue. De même, on perçoit aisément combien cette croissance des idées a de vivifiant pour le développement de l'architecture.

Mais pour autant, cette participation à l'étendue des représentations plastiques de l’esprit dans l'ordre de la construction rationnelle, n'aboutit nullement à une saturation. Aujourd’hui, la GrandeBretagne offre le consolant spectacle d’une architecture nouvelle que de nombreuses tendances s'évertuent à différencier avec bonheur. L'élégance des proportions et la perfection esthétique y sont d’ailleurs à l'ordre du jour.

L'architecture de Yorke est vraisemblablement le lieu de rencontre de la lumière et de ce que cette lumière anime. A cette prenante vision de la clarté baignant des articulations sveltes, on s'aperçoit d’emblée que rien ne manque de ce qui peut lui donner le cachet de l'équilibre et du naturel. Si cette lumière a rendu présente l'œuvre de Yorke, c’est qu’elle est inséparable des éléments essentiels dont elle est issue. De ce dialogue profondément humain avec des harmonies mobiles qu'on a souvent traitées d'insaisissables, sont nés des ensembles émouvants et vibrants où la sérénité des surfaces verticales et horizontales l'emporte sur le dynamisme structural.

Rien ne semble mieux convenir à Yorke que cette architecture sans pesanteur qui est une des caractér.stiques saillantes de son style et de l'école anglaise contemporaine. Bien qu’elle soit tributaire des sources continentales et plus particulièrement méditerranéennes, elle n'en est pas le simple reflet mais une des ramifications les plus consistantes. Il faut louer sans réserves l'intelligence qui a dirigé un courant d'une si extrême justesse, qui a ordonné des plans qu'hante prodigieusement le sentiment de la beauté.

Dans la sphère du modernisme, il semble que l'Angleterre ait peu à craindre de l’avenir. La solidité des conceptions et des productions de la tendance fonctionnaliste entretient et augmente son prestige. Quant à la maîtrise de Yorke, elle nous garantit une architecture qui n'est pas de celles qu’influencent ou atteignent les compromis et les succès passagers de la vogue. Sa taille, nettement supérieure, nous ouvre déjà d'autres horizons.

Alberto Sartoris