Retrospective de la prospective architecturale

Michel Hayon

En 1924, dans le livre de Gropius, Internationale Architektur, sur huitante œuvres présentées, la moitié étaient des projets.

Depuis, un certain nombre de ces projets ont été construits. Par exemple, Mies van der Rohe et Le Corbusier ont réalisé leurs rêves de jeunesse alors qu’ils atteignaient tous deux leur soixante-cinquième année, le premier en construisant en 1951 ses gratte-ciel d’acier et de verre dessinés en 1919, le second en réalisant en 1952 la première unité de sa Cité Radieuse dont les avant-projets datent de 1922.

Mais le Théâtre total de Gropius, dessiné en 1927, n'a jamais été exécuté; ni les plus audacieux projets de Robert Maillart; ni les plus audacieux projets de Perret, de Sauvage (ses pyramides à gradins, dont on disait qu’elles avaient un « style babylonien »), de Van de Velde, de Le Corbusier, de Lrank Lloyd Wright.

L’histoire de l’architecture ressemble beaucoup à une histoire absurde des occasions perdues.

En 1893, l’Ecole de Chicago se plaçait à l’avant-garde de la création architecturale.

Mais lorsque le plus génial des architectes de cette Ecole, celui que Lewis Mumford a nommé «le Whitman de l’architecture américaine », Louis Sullivan, présenta ses plans pour l’Exposition universelle de Chicago, ceux-ci furent rejetés. Le grand succès de la première Exposition universelle dans le Nouveau-Monde fut «La Ville blanche », construite dans le « style impérial romain » par une agence qui devint alors à la mode: Mc Kim, Mead et White. Le stuc et le bois y étaient employés à profusion alors que depuis une dizaine d’années l’Ecole de Chicago avait démontré l’originalité et le dynamisme des structures métalliques. Il se passera quarante ans avant que les Etats-Unis retrouvent le chemin du progrès en architecture. En 1922, le Concours du Chicago Tribune building, auquel participèrent Gropius, Adolf Loss et Eliel Saarinen, avait fait espérer un sursaut, mais le premier prix alla au gratteciel néo-gothique de Raymond Hood.

102

En 1925, pour l’Exposition internationale des Arts décoratifs à Paris, l’urbaniste Agache proposa de réaliser une « extension de Paris vers l’ouest » en construisant en dur, avec une intention définitive, les pavillons de l’exposition dans les terrains libres du Rond-Point de la Défense. Cette extension vers l’ouest sera approuvée, et au même endroit, trente ans plus tard. Mais entre-temps, on avait dû démolir des ouvrages qui auraient pu constituer un étonnant échantillon de l’architecture la plus audacieuse des années 1925: le Théâtre Perret, le Pavillon de l’Esprit nouveau de Le Corbusier, le Pavillon russe de Melnikoff, dernier témoignage de l’audace constructiviste avant les reniements académiques, le Pavillon de l’Autriche de Josef Hoffmann, le Pavillon de Lyon de Tony Garnier, le Pavillon du Printemps de Sauvage.

En 1927, l’architecture fonctionnaliste avait atteint sa maturité. Aussi fondait-on les plus grands espoirs sur le concours pour le Palais de la Société des Nations à Genève qui pouvait donner une preuve éclatante de la vitalité de la nouvelle architecture. Sur 377 projets présentés, le jury se prononça pour celui de Le Corbusier et Jeanneret.

Mais M. Lemaresquier, délégué de la France, réussit à faire placer le projet primé hors concours sous prétexte que celui-ci était « dessiné à l’encre d’imprimerie au lieu de l’être à l’encre de Chine ». La Société des Nations, poussée par les Académies, alla même jusqu’à la forfaiture juridique en modifiant le contrat du concours afin d’écarter les projets modernes.

En 1931, le Concours pour le Palais des Soviets à Moscou fit naître les mêmes espoirs et Gropius, Mendelsohn, Le Corbusier, y participèrent. Mais ce fut une fois de plus du travail perdu et le triomphe du conformisme.

L’histoire de l’architecture moderne a d’ailleurs commencé par une série d’impostures et n’a pratiquement jamais quitté cette voie. Dans toutes les histoires de l’architecture moderne, il est fait allusion

Projet pour un gratte-ciel en verre, triangulaire, Berlin 1919

Walter Gropius Le Théâtre Total, projet 1927

Garnier Tony 1867-1948)

Au début du XXe siècle, a dressé les plans de la « Cité Industrielle ». Architecte de Lyon dès 1905, auteur des Abattoirs (1903), des Hôpitaux (1909-1915), Stade Olympique (19131916), quartier de Villeurbane (1928-1930), Hôtel de Ville de Boulogne-Billancourt (19311934). 11 représente la tendance fonctionnelle dans l’utilisation en surface du béton armé.

Van de Velde Henri (1863-1957)

Peintre, décorateur et architecte. En 1911, il donne les premiers projets du Théâtre des Champs-Elysées, à Paris; en 1914, élève le Théâtre de l’Exposition du Werkbund à Cologne. Etudie en 1921 les plans d’un Musée d’art moderne qui aboutira au Musée d’Otterlo (1937-1954). Auteur notamment de la Damenstift à Hanovre (1926), la Nouvelle Maison de Tervueren (Belgique), Bibliothèque et Institut d’Histoire de l’Art de l’Université de Gand, pavillon belge à New York (1938). (Auteur de nombreux ouvrages théoriques.) Tony Garnier.

Projet d'un Hôtel de Ville. 1901

Le Corbusier Projet pour le Palais de la SDN Genève. 1927

Sullivan Louis Henri (Boston, 1856-Chicago, 1924) Personnalité dominante de l'Ecole de Chicago.

Associé de Dankmar Adler de 1881 à 1895.

Auditorium Building de Chicago (1886-1889); Wainwright Building de Saint-Louis (18901891); Schiller Building à Chicago (1892); Guaranted Trust Building à Buffalo (18941895); Prudential Building de Buffalo (1895).

La rupture entre les deux associés coïncide avec la crise de l’architecture progressiste consécutive à l’Exposition internationale de 1893. Sullivan, demeuré seul, ne construit plus que le Gage Building de Chicago (1898) et le magasin Carson, Pirie and Scott (1899-1904). Promoteur de la structure simple et de l’immédiate lisibilité, Sullivan a été l’apôtre d’une décoration florale à base d’arabesques.

(Cf. Dictionnaire de l'architecture moderne.

F. Hazan, 1964.) Loos Adolf (Brünn, 1870-Vienne, 1933)

La philosophie rationaliste de Loos — la bonne forme doit trouver sa beauté dans le degré d’utilité qu’elle exprime et dans l’indissociable unité de ses parties, ce qui implique le rejet systématique de toute ornementation — est à la base de ses rares et très puritaines œuvres architecturales. Villa Karma (Montreux, 1904); Maison Steiner (Vienne, 1910); immeuble Goldman (Vienne, 1910); maison Rufer (Vienne, 1922); maison Tristan Tzara (Paris, 1926); maison Moller (Pôtzleinsdorf, 1928); maison Khuner (Payerbach, 1930); maison Müller (Prague, 1930).

Sauvage Henri (Rouen 1873-Paris 1932)

Walter Gropius Projet pour le Palais des Soviets Moscou. 1931

Avec ses immeubles à gradins de la rue Vavin (1912) et de la rue des Amiraux (1925), il prend rang parmi les protagonistes d’une architecture de recherche. Dans ces immeubles, en effet, Sauvage, en décrochant les étages les uns par rapport aux autres de manière à ménager de vastes terrasses bordées de bacs à plantes, a réalisé la première esquisse d’une « cité-jardin verticale » rappelant (ou plutôt devançant) les immeubles en gradins dessinés par Sant’Elia pour sa Citta Nuova, et les Immeubles-Villas de 1922 de Le Corbusier.

Taut Bruno

Né à Königsberg en 1880, décédé en 1938.

Ancien élève de Thodore Fischer il réalise en 1913 le « monument de l’acier » pour l’exposition d’architecture de Leipzig. Une année après il réalise le Pavillon industriel du Verre pour l’exposition du Werkbund à Cologne.

Connu également pour ses projets d’Architecture Alpine.

103

en quelques lignes à un architecte du XIX0 siècle qui n’a pratiquement rien construit: Hector Horeau. On le cite aussi parfois abusivement comme « ingénieur ».

Or, Hector Horeau, appelé en son temps « le Victor Hugo de l’architecture » tellement était grande sa renommée, a été l’homme d’une idée, à laquelle il a consacré sa vie: construire en fer de vastes locaux transparents, sortes d’immenses serres pouvant abriter de grandioses expositions de l’art et de l’industrie.

Il avait trente-quatre ans lorsqu’il présenta en 1835 son premier projet d’architecture métallique recouvrant un vaste espace, une sorte de « parapluie » pouvant servir à tous usages, conception très moderne du grand espace couvert avec visibilité maximum en éliminant le plus possible les éléments porteurs. C’est dans cet esprit que Henri Labrouste construisit en 1843 la Bibliothèque Sainte-Geneviève, œuvre considérée comme la première dans l’histoire de l’architecture métallique qui caractérisera la construction « prospective » au XIXe siècle. Mais, esprit moins révolutionnaire que Horeau, Labrouste dissimulera la structure métallique derrière des murs extérieurs en pierre. Fort de son idée qui avait trouvé un commencement de réalisation avec Labrouste, Horeau fit construire de grandes maquettes et les exposa en 1849 et en 1850 au Palais-Royal et à l’ancien Hôtel d'Angivilliers. Lorsque l’Angleterre proposa à toutes les nations du monde la réalisation d’une Exposition Universelle, Hector Horeau reprit avec enthousiasme son projet de 1835, dessina une halle gigantesque, et son projet fut reçu premier sur 333, à l’unanimité. Mais l’Anglais Josef Paxton fut chargé d’exécuter le Crystal Palace et non Horeau auquel on donna une « première médaille d’honneur » sans doute à titre de consolation. Paxton, qui avait présenté un premier projet de Crystal Palace en gratte-ciel à étages en retrait (ce qui d’ailleurs était non moins révolutionnaire puisque les premier gratte-ciel ne se construiront à Chicago que cinquante ans plus tard) réalisera son Crystal Palace en s’inspirant en partie des plans de Horeau. Mais si Paxton lèsa Horeau de son rôle de précurseur, il serait injuste de sous-estimer cet ancien jardinier devenu architecte pour les besoins en serres des parcs de son maître. En préfabricant tous les éléments du Crystal Palace, Paxton faisait passer l’architecture du stade artisanal au stade industriel.

En 1885, Paxton imagine un projet d’urbanisme singulièrement prospectif, le Great Victorian Way. Il s’agissait d’une ceinture de vingt kilomètres autour de Londres destinée à régler les problèmes de circulation et qui prévoyait non seulement une circulation aérienne du chemin de fer, mais aussi une route « climatisée », c’est-à-dire couverte d’un toit de verre et bordée de maisons et de magasins.

104

Pour en revenir à Hector Horeau, lorsqu’un projet de construction des Halles centrales fut décidé à Paris, celui-ci entra tout naturellement dans la compétition.

De nombreuses publications soutinrent le projet de Horeau avec enthousisame. Mais le 15 septembre 1851, le Prince LouisNapoléon, président de la République, posa la première pierre des Halles proposées par Baltard. Précisons que le mot première pierre n’est pas une métaphore puisque, en 1853, le premier pavillon des Halles était construit en pierres. Comme on le voit, la réalisation de Baltard était tout à l’opposé du projet de Horeau. Ce pavillon en pierres fut jugé tellement absurde que l’on dut le démolir. Baltard présenta alors un projet d’architecture métallique inspiré de l’œuvre de Horeau qu’il avait évincé. Plus tard, Hittorff construisit aussi la Gare du Nord à Paris en s’inspirant de Horeau.

En 1868, âgé de soixante-sept ans, Horeau publia une brochure étonnante intitulée: Assainissement, embellissements de Paris.

Edilité urbaine mise à la portée de tout le monde. A côté des propositions saugrenues

ou naïves, nous trouvons d’étranges vues prospectives, par exemple: «Etablir des passerelles fixes, tournantes ou mobiles et des passages souterrains là où il y a de grands mouvements de voitures... Faire des habitations durables, incombustibles, confortables, polychromes par la matière, au besoin portatives, avec abondance d’air, de lumière et de soleil: ... avec des baies et des terrasses jardinées; habitations qui, groupées, peuvent avoir les mêmes citernes, réservoir, glacière, garde-manger, bain, blanchisserie, ouvroir, calorifère... Dans quelques cas faire des constructions démontables, portatives, et roulantes... Au lieu de toit, faire des terrasses plus ou moins jardinées, avec réservoir et sousréservoir à filtre recueillant les eaux pluviales... Etablir des tunnels à piétons sous la Seine. Multiplier les rues couvertes...

Grouper au Trocadéro les six ministères en les reliant par des ponts à galeries... » Urbanisme spatial et souterrain, mobilité, préfabrication, polychromie, toits-terrasses, machines à habiter, tout est là.

Parmi ces idées beaucoup sont encore du domaine de la prospective. Tout comme l’idée des villes-ponts et des villes-flottantes. Or, en 1920, Wenzel A. Hablik publiait un projet de sphère de métal flottante pouvant servir d’habitat aux explorateurs. Quant aux villes-ponts, Daniel H. Burnham dessina en 1928 pour la Rive du Michigan à Chicago des « gratteciel ponts » dont les piles auraient contenu vingt-cinq étages de bureaux; cette idée se relie à celle du « pont gratte-ciel » de Perret, dessiné en 1922 pour la banlieue de Paris, dont les tours de 65 étages auraient été reliées à mi-hauteur par un pont à arches, et au projet de Mart Stam (1922-1924) de surplomber les bâtiments

d’Amsterdam de voies de circulation.

C’est une semblable solution que Le Corbusier proposa pour Alger en 1931-1934, avec ses viaducs servant à la circulation et arrivant à la hauteur des gratte-ciel, audessus de la ville.

Précisons en passant, à propos de Perret, que cet architecte qui servit de prétexte à tous les reniements académiques, a laissé de nombreux projets prospectifs qui semblent volontairement mis sous le boisseau.

On ne parle ni de ses « ponts gratte-ciel », ni de ses villes-tours, proposées en 1922 pour être édifiées sur les anciennes fortifications de Paris qui, avec leurs 60 étages et leurs 220 mètres de haut, auraient pu loger 40 000 personnes. Le projet de ville pour 3 millions d’habitants, présenté la même année par Le Corbusier au Salon d'Automne et développé en 1925 sous le nom de Plan Voisin de Paris avec ses gratte-ciel cruciformes de 150 à 200 mètres de haut, n’était pas plus «délirant». Et pourtant, c’est toujours Le Corbusier qui fut accusé de mégalomanie.

Il faut dire que, depuis Hector Horeau, Le Corbusier battit tous les records de la non exécution des projets présentés. Plan pour le Palais de la SDN en 1927, plan pour la reconstruction de la Porte Maillot comprenant la séparation des piétons et des autos en 1929, plan pour le Palais des Soviets en 1931, sept plans pour Alger de 1930 à 1942, plan pour Anvers Rive Gauche en 1933 (les projets de Van de Velde avec leur ordonnancement de gratte-ciel furent également repoussés), plan de Nemours en 1934, plan pour un village coopératif dans la Sarthe en 1934-1938, gratte-ciel pour Alger de 150 mètres de haut en 1938-1942, innombrables plans pour Paris de 1922 à 1956, etc.

Que Le Corbusier ait plus produit de projets que de réalisations, c’est connu, mais on sait moins que Frank Lloyd Wright a laissé à sa mort 37 projets, dont les extraordinaires plans d’urbanisme pour Bagdad et Pittsburgh, le projet de Club Sportif pour Hollywood avec ses coupoles translucides suspendues. Le Capitole de Phœnix Arizona avec ses flèches qui semblent sorties d’un décor pour « fantaisie hindoue», le gratte-ciel de 1600 mètres de haut.

Qui se souvient que Frédérik Kiesler, qui est un des grands méconnus de l’architecture du XXe siècle, exposait à Paris au Grand Palais en 1925 un projet de « ville spatiale » auquel il travaillait depuis 1918? Cette «cité dans l’espace» s’élevait à des niveaux différents, le sol naturel étant réservé aux parcs, aux prairies et aux canaux. On y accédait par les toits. Cette idée d’une « Ville suspendue », couramment reprise aujourd’hui par les architectes prospectifs paraissait alors délirante. Kiesler m’a raconté que Le Corbusier luimême s’en était moqué en lui demandant s’il avait l’intention de suspendre sa ville

Sant’Elia Antonio (1888-1916)

Mort sur le champ de bataille avant d’avoir réalisé une œuvre qui promettait d’avoir une importance et une qualité exceptionnelles.

Pionnier du Futurisme et des styles internationaux de la première avant-guerre, il a laissé des projets qui sont une vision de la cité de l’avenir. Le Monument aux Morts de Cóme, réalisé après sa mort témoigne de la qualité plastique de ses dessins.

Horeau Hector (1801-1872)

Il fut sans doute le premier à concevoir des structures métalliques articulées et véritablement rationnelles, mais n’eut pas l’occasion de réaliser des ouvrages à la mesure de son imagination. Occasions manquées: projet Halles de Paris (1843-1844);projet Exposition universelle de Londres (1851) où pour la première fois on y voyait proposée l’utilisation des charpentes en «cantilever»; projet des Halles de Madrid (sorte de parapluie en fer d’une hardiesse de conception qui ne se retrouve qu’au début du XXe siècle); et enfin, projet de l’Hôtel de Ville de Paris (qui aurait été le premier immeuble de service vraiment moderne, avec un hall central en fer sous un lanternon de verre). Horeau fut néanmoins le constructeur du Jardin d’Hiver de Paris en 1847.

Burnham Daniel Hudson (Henderson, New

York, 1846-Heidelberg, 1912) De 1873 à 1891, associé de John W. Root. On leur doit le Reliance Building à Chicago (18901894), ainsi que le Monadnock Building (18891891), gratte-ciel dont les murs de clôture, au profil légèrement ondulé, sont porteurs. Leur agence qui fut chargée en 1893 de la World’s Columbian Exposition à Chicago, se tourna, après la mort de Root (1891) vers un éclectisme académique. Burnham a laissé en outre des plans de centres urbains, à distribution axiale, pour des villes comme Washington, Cleveland, San Francisco et Chicago.

Hittorf Jacques Ignace (1793-1867)

Né à Cologne, arrive à Paris en 1810. Classique-romantique qui préconise la polychromie en architecture. De 1831 à 1844, termine l’église de Saint-Vincent de Paul commencée par Lepère. 1841: Cirque des Champs-Elysées.

1852: Cirque d’Hiver. 1855-1858: façades de la place de l’Etoile. 1857-1861: Mairie du Louvre. Et, de 1861 à 1863: Gare du Nord, pour laquelle Hittorf utilise les nouveaux matériaux (soutiens métalliques) tout en restant fidèle à son style grec.

Paxton Sir Joseph (1803-1865)

1. Antonio Sant'Elia Projet pour la « Cité Nouvelle » Milan. 1914 2. J. Paxton Projet pour l'utilisation des éléments du Crystal Palace, 1852 3. Daniel Burnham Projet de pont-gratte-ciel Chicago. 1928 4. Bruno Taut Projet de Maison du Peuple. 1920

Auteur de plusieurs fleuristes, mais surtout du fameux Crystal Palace de l’Exposition Universelle de Londres (1851) qui assura sa célébrité.

Réalisé en neuf mois, le Crystal Palace l’avait emporté sur tout un lot de projets dus à des architectes et ingénieurs de tous les pays (Horeau, Brunei, Donaldson). Paxton y eut comme collaborateurs deux ingénieurs, Sir Charles Fox et Henderson.

Labrouste Henri (Paris,

1801-Fontainebleau, 1875) Il oppose aux dogmatismes établis une intransigeante exigence de rationalisme et de liberté d’expression. Dans la Bibliothèque SainteGeneviève (1843-1850) l’ingéniosité et la simplicité des dispositions fonctionnelles sont aussi remarquables que l’élégance de la solution structurale: très large place au métal laissé nu.

Nommé en 1855 architecte de la Bibliothèque Nationale, Labrouste y a donné son chefd’œuvre avec la nouvelle salle de lecture et les magasins attenants (1862-1868).

spatiale à des zeppelins. Pourtant Le Corbusier devait adopter peu après une solution de ville spatiale sur pilotis.

On peut d’ailleurs s’interroger sur ces occasions manquées, et se demander si la véritable histoire de l’architecture n’est pas en fait celle de ces projets, demeurés sur le papier, mais dont l’influence est ensuite considérable sur les réalisateurs.

On peut se demander aussi s’il n’y a pas deux architectures: l’une de recherches et de projets, l’autre de réalisations, la seconde n’étant d’ailleurs qu’un écho affaibli de la première.

Tony Garnier et Sant’Elia sont-ils moins importants dans l’histoire de l’architecture que nombre de constructeurs? Avec sa Cité industrielle, Tony Garnier définissait en 1900, vingt ans à l’avance, ce que l’on appelera le « style international » et formulait les principes de base de l’architecture et de l’urbanisme contemporains.

La Cité industrielle de Tony Garnier devance, par son esthétique épurée, la fameuse Maison Steiner de Loos (1910).

Les formes que Tony Garnier donne à ses bâtiments sont d’une prémonition étonnante puisqu’il imagine aussi bien le pan de verre que la fenêtre en largeur, le toitterrasse, les pilotis, les porte-à-faux et des innovations techniques comme le bloceau construit en série, le chauffage collectif électrique évitant la pollution atmosphérique, le contrôle thermique. Il supprime également les cours intérieures au profit des espaces verts, trace des voies différenciées pour les piétons, place son école en pleine verdure et prévoit un centre social.

La Charte d'Athènes, publiée en 1943, n’exprimait avec vigueur et clarté que des principes formulés quarante ans plus tôt par Tony Garnier.

Quant à Sant’Elia, en 1914, sa Citta Nuova introduisait pour la première fois le mouvement en architecture en s’étageant à plusieurs niveaux: trains souterrains, plates-formes pour avions, circuits pour les autos, escaliers mécaniques et ascenseurs pour les piétons. On considère que la Citta Nuova avait cinquante ans d’avance sur son temps. Mais cinquante ans après, elle paraît encore singulièrement « futuriste ». Simplement, elle ne nous paraît plus du tout utopique.

Michel Ragon 105