Max Richter + Marcel Gut

Monsieur le Rédacteur, La transposition du préambule de votre questionnaire, c’est beaucoup de gens réunis, en pleurs, au chevet d’une très grande malade, l’architecture. Pas de médecin, pas d’anamnèse, encore moins de diagnostic... Cependant, les propositions de thérapeutique sont innombrables (votre questionnaire en sous-entend, à lui seul, une dizaine)... Et peu d’espoir de guérison.

Ce qui devrait étonner, c’est que l’architecture ne se porte pas plus mal. Et pourquoi serait-elle en meilleure ou moins bonne santé que notre société de consommation? A la réflexion, vous découvrirez, Monsieur le Rédacteur, que c’est la société qui est malade... et contagieuse.

Aux yeux des moins sévères, la situation est critiquable. A l’autre extrême, la contestation, pure et dure, établit un constat de faillite complète, qui peut être salutaire. En tout cas, personne ne chante les louanges d’une haute civilisation. (La merveilleuse conquête de la Lune ne faisant pas, dans ce sens, très grand poids.) Mais, puisqu’il faut un bouc émissaire, on est tombé sur l’architecte. En toute simplicité. Et pourquoi pas? Evidemment, l’architecte se porte aussi mal que les autres. Et la société ne se soucie pas de lui donner les moindres soins. C’est un jeu, Monsieur le Rédacteur, de dire que l’on ne peut rencontrer deux architectes du même avis. C’est un jeu aussi pour l’architecte, et un besoin pathologique, sous prétexte de faire avancer les idées, de ne jamais partager celles des autres. Et voici que l’on accuse l’architecte de ne plus savoir créer, bien qu’en même temps d’aucuns lui contestent froidement ce devoir. Quant aux autres, les administrations, les voisins, les conseils, les clients, Monsieur le Rédacteur, il faut voir qu’on en parle peu... Pourquoi? L’architecte doit-il s’efforcer longtemps de s’occuper de ce qui ne le regarde pas initialement?

Est-ce à lui seul de faire les programmes de l’industrie, de l’enseignement, du logement? Regardez plutôt du côté des autorités, des gouvernements; vous verrez que c’est fréquemment édifiant. Et le mode de vie navrant? Et l’égoïsme intégral? Et le désintérêt général, sauf pour l’argent et la consommation? Est-ce que vous pensez vraiment que c’est avec cela seulement, Monsieur le Rédacteur, qu’on peut faire tout à fait de l’architecture?

L’architecte n’en est pas moins le pelé, le

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Sehr geehrter Herr Redaktor, Das Vorwort zu Ihrem Fragebogen soll bedeuten: Viele Leute sind weinend am Krankenlager einer grossen Persönlichkeit versammelt: der Architektur. Kein Arzt, keine Anamnese, noch weniger eine Diagnose... Jedoch sind die therapeutischen Vorschläge unzählig (allein Ihr Fragebogen spielt schon etwa auf zehn an)... Und keine grosse Aussicht auf Heilung!

Was zum Erstaunen Anlass geben sollte, ist, dass es der Architektur nicht schlechter geht. Und warum auch sollte ihre Gesundheit besser oder schlechter sein als die unserer Konsumgesellschaft? Herr Redaktor, nach einiger Überlegung werden Sie feststellen, dass die Gesellschaft krank ... und ansteckend ist. In den Augen nicht so strenger Personen ist die Situation einer Kritik wert. Am andern Extrem stellt der reine und harte Protest eine vollständige Niederlage fest, die heilsam sein kann. Auf jeden Fall lobpreist niemand eine erhabene Zivilisation. (Die wunderbare Eroberung des Mondes fällt in diesem Zusammenhang nicht ins Gewicht.) Aber da ein Sündenbock benötigt wird, ist man auf den Architekten geraten.

Schlicht und einfach. Und warum auch nicht? Sicherlich geht es dem Architekten auch nicht besser als den andern. Und die Gesellschaft kümmert sich nicht darum, ihm auch nur die geringste Hilfe zukommen zu lassen. Herr Redaktor, es ist leicht zu sagen, dass es nicht zwei Architekten gibt, die derselben Meinung sind.

Es ist auch ein Spiel und ein krankhaftes Bedürfnis des Architekten - unter dem Vorwand, den Ideenfortschritt zu fördern -, niemals die Meinungen der andern

The Editor Dear Sir, The transposition of the preamble to your questionnaire suggests a large group gathered at the bedside of a gravely sick man—architecture. No doctor, no anamnesis even less of a diagnostic and yet the therapeutic possibilities are numerous (the questionnaire itself implies ten or so) . . .—and little hope of cure.

The surprising thing is that architecture is no worse than it is. And why should it enjoy better or worse health than our consumer society? Upon reflection, Sir, you will realize that it is society which is sick . . . and contagious. To the eyes of the less severe, the situation is open to criticism. At the other extreme, pure, hard reason passes a verdict of complete failure which could be beneficial. In any case no one is singing the praises of high civilisation, the marvellous conquest of the moon adding little weight in this context.

A scapegoat was needed and the lot fell to architecture. In all simplicity. And why not? Architecture is as badly off as anything else and society does not care in the least. It is a game, Sir, to say that it is impossible to meet two architects who agree. It is also a game, a pathological need under the pretext of furthering ideas, for one architect never to share the ideas of another. The architect is accused of no longer knowing how to create but at the same time there are those who coldly contest his duty to do so. As for the others, the administrators, the neighbours, the advisers and clients,

galeux de la fable!... On voudrait donc, ici et là, le faire disparaître. Pauvre remède: l’architecture n’en sera que plus fade. On la fera passer par les programmations futurologiques, par la prospective socio-philosophique et par on ne sait quels computers indigents. Non, voyezvous, Monsieur le Rédacteur, il faudra bien repartir de l’homme. Lui n’est pas si malade. Il est égaré. Quand il retrouvera son chemin, vous pourrez recommencer à espérer. L’architecture aussi. Et l’architecte, dans son coin, dites-le bien, Monsieur le Rédacteur, ne se décourage pas.

Il se bat; il résiste. Il prend ses responsabilités. Pourrait-il faire mieux? Certes.

Mais alors, demandez à tout le monde de se mettre à l’ouvrage en même temps.

Ainsi, plus tard, après quelques progrès qui auront effacé de l’avenir les périls les plus graves et remis la société sur des chemins plus sûrs, l’architecture sortira de sa maladie. Et c’est alors que l’on reparlera plus utilement de conception, d’idées, de recherche, de technique, de formes, de fonctions, d’espace... L’architecture ne sera plus «déboussolée».

D’aucuns riront de tout cela, Monsieur le Rédacteur, parce qu’ils manquent d’imagination, parce qu’ils ne voient pas ce que tout pourrait devenir. Laissez-les dire.

Le monde - et l’architecture - peuvent changer et changeront sans eux.

Et bon courage pour votre travail, Monsieur le Rédacteur, sincèrement.

M. R. + M. G.

zu teilen. Und nun wirft man dem Architekten vor, nicht mehr schöpferisch tätig zu sein, obwohl ihm gleichzeitig einige diese Aufgabe kalt abstreiten. Was die andern anbelangt, die Behörden, die Nachbarn, die Räte, die Kunden, sieht man, dass wenig davon gesprochen wird... Warum? Muss sich der Architekt noch lange mit dem befassen, was ihn eigentlich nichts angeht? Steht es ihm allein zu, Programme für Industrie, Lehrwesen, Wohnung aufzustellen? Betrachten Sie sich vielmehr die Behörden, Regierungen - Sie werden sehen, dass dies vielfach erbaulich ist. Und die jämmerliche Lebensweise? Und der vollkommene Egoismus? Und die allgemeine Interesselosigkeit, ausser für das Geld und den Verbrauch? Glauben Sie wirklich, Herr Redaktor, dass man allein damit wirkliche Architektur machen kann? Der Architekt steht dennoch als der Leidtragende, der schäbige Kerl der Geschichte da! Hin und wieder würde man ihn deshalb gerne verschwinden lassen.

Armseliges Mittel: die Architektur würde damit nur noch reizloser werden. Man würde sich der futurologischen Programmierungen, der sozialphilosophischen Zukunftsforschung und weiss Gott was für kümmerlicher Computer bedienen.

Nein, sehen Sie, Herr Redaktor, es sollte vom Menschen ausgegangen werden. Er ist gar nicht so krank. Er ist vom Wege abgekommen. Wenn er ihn wiederfinden wird, können Sie wieder neue Hoffnung schöpfen. Auch die Architektur. Und der Architekt in seinem Winkel verliert den Mut nicht. Er kämpft, er widersteht. Er übernimmt die Verantwortung. Könnte er es besser machen? Sicherlich. Aber verlangen Sie auch von der Allgemeinheit, gleichzeitig damit anzufangen.

Auf diese Weise kann die Architektur später, nach einigen Fortschritten, die die schlimmsten Zukunftsgefahren abgewandt und die Gesellschaft auf sichere Wege geleitet haben, von ihrer Krankheit gesunden. Und zu diesem Zeitpunkt wird man nutzbringender von Konzeption, Idee, Forschung, Technik, Form, Funktion, Raum sprechen. Die Architektur wird nicht mehr «durcheinandergeraten».

Einige werden über all dies lachen, weil sie einfallslos sind, weil sie nicht sehen, was aus allem werden könnte. Lassen wir sie lachen. Die Welt - und die Architektur - können sich wandeln, und zwar ohne sie.

M. R. + M. G.

little is said of them . . .—Why? Must the architect force himself at length to tend for that which is not his affair in the first place? Is it up to him alone to draw up programmes for industry, schools, housing? Look rather to the authorities and governments and you will see how edifying the picture often is. And the heartbreaking way of life? And the utter egoism? And the general disinterest in anything but matters of money and consumption? Do you really think that architecture can be achieved with that alone? The architect is still the bald Peter the black sheep! . . . Some would like to see him go. Feeble remedy, architecture would be the more insipid for it. It would then be subjected to futuristic programmes, sociophilosophy and some poverty-stricken computer. No, Sir, start again with man. He is not that sick but has simply gone astray and when he finds the right path, both you and architecture will be able to hope again.

The architect, tucked away in a corner, is, we assure you, not discouraged. He is fighting and he is resisting. He accepts his responsibilities—could he do more?

Certainly, but ask the whole world to get to work at the same time.

So, later, after some measure of progress has wiped the future clean of the most serious dangers and guided society to a safer road, architecture will rise from its sick-bed. Then we will speak with meaning of concept, ideas, search, technique, forms, functions, space, etc. Architecture will no longer be lost without a compass.

Others will laugh at this, because they have no imagination and cannot see how things will change. Let them laugh. The world and architecture can and will change without them.

We wish you luck!

Yours faithfully,

y*—7.

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